Intervention de Jean Bassères

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 décembre 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Jean Bassères candidat proposé par le président de la république à la direction générale de pôle emploi

Jean Bassères :

Je prends note de la recommandation de Gérard Roche s'agissant de la création de têtes de réseau départementales.

Je voudrais essayer de rassurer Mme Demontès : je n'ai pas un parcours d'inspecteur des finances classique ; j'ai passé douze ans à la comptabilité publique ; ces années ont été consacrées au management et aux ressources humaines. Je ne me suis pas occupé de marchés financiers, ni d'optimisation de trésorerie, matières que je respecte par ailleurs mais pour lesquelles je n'ai pas un goût personnel prononcé. Ce qui m'intéresse, c'est le contact avec les gens, faire bouger les choses de manière consensuelle. C'est une déclaration de principe mais je ne me sens pas un profil de financier très spécialisé.

En matière de territorialisation et de relations avec les conseils généraux, il faut que nous aboutissions à des relations plus confiantes qui permettent de créer des liens et des synergies plus fortes. J'entends bien votre message : il faut que l'on essaie de le développer dans les prochains mois sur le terrain et surtout que l'on donne aux directeurs régionaux et aux responsables davantage de marges de manoeuvre pour nouer des partenariats, pour innover, expérimenter...

Vous avez parlé d'organisation « militaire » à propos de Pôle emploi. Cela m'apparaît excessif mais cette organisation est sans doute trop centralisée. Si l'on veut développer des relations avec les échelons territoriaux, il faut que les responsables locaux aient plus de marges de manoeuvre. C'est pour moi un sujet de préoccupation très fort.

Quant aux moyens, ce n'est pas moi qui les fixe mais l'Etat - lors du vote du budget - et les partenaires sociaux. Il faut rappeler que les trois quarts de la dotation de Pôle emploi sont versés par l'Unedic. Je n'ai pas senti dans les discussions que j'ai pu avoir, une volonté farouche de l'Unedic d'augmenter sa participation au financement de Pôle emploi ! Je veux bien que l'on ait un débat sur les moyens mais il faudrait aussi parler des capacités financières des financeurs.

L'Etat, dans la situation budgétaire actuelle, l'Unedic, avec la situation de ses comptes, sont-ils capables de donner plus de moyens à Pôle emploi ? Ce sujet est difficile à aborder...

En revanche, des dispositifs spécifiques ont été mis en place ces dernières années, notamment pour les licenciés économiques, pour qui on a créé des portefeuilles de taille réduite qui se sont révélés très efficaces et qui ont donné lieu à des financements spécifiques. Cette voie ne pourrait-elle être utilisée dans le futur ? C'est peut-être un moyen de répondre aux difficultés.

Par ailleurs, j'ai conscience que deux mille redéploiements ne sont pas une chose facile à organiser. Derrière tout cela, il y a des formations, des changements de métiers. C'est une opportunité qu'il va falloir saisir. Nous sommes tous d'accord pour dire que l'enjeu est aujourd'hui de consacrer plus de moyens à l'accompagnement.

Faut-il augmenter la sous-traitance ? Ai-je une feuille de route en la matière ? Non. Ma feuille de route a été arrêtée par les partenaires sociaux et par l'Etat. Elle repose sur l'équilibre financier, qui ne suppose pas un développement massif de la sous-traitance. Je ne vois pas comment financer à la fois de nouvelles dépenses et rétablir les comptes !

Le rétablissement des comptes n'est pas pour moi une donnée comptable. Je pense que si Pôle emploi n'est pas un jour capable de rétablir sa situation financière, il demeurera fragile. Mon objectif est de rétablir les comptes pour que Pôle emploi soit maître de son destin, ce qui ne sera pas le cas si on est obligé de faire face à des situations de trésorerie tendues. Ce n'est pas un objectif idéologique mais davantage une vision pragmatique.

Les portefeuilles de soixante demandeurs d'emploi vont constituer un sujet difficile. Ce chiffre a été introduit dans le paysage à un moment donné. On sait qu'on n'est pas capable de le faire aujourd'hui. Si on devait calculer le nombre d'emplois pour arriver mécaniquement à ce volume, on serait sur des dimensions qui me laissent penser que le volume de créations ne pourra jamais être atteint, quelles que soient les majorités en place ! On peut collectivement continuer à afficher un objectif mais cela va engendrer la frustration de chacun.

Je préfère dire que cet objectif, qui a peut-être été utile à un moment, est aujourd'hui contreproductif. Il ne faut pas raisonner en taille de portefeuille, comme si chaque demandeur d'emploi était identique. Ce n'est pas la réalité et il convient de cibler les efforts sur ceux qui en ont le plus besoin.

Il existe des personnes qu'il n'est pas utile de rencontrer physiquement régulièrement et pour lesquelles des contacts par mail ou par téléphone peuvent suffire. Je ne pense pas que les cadres, qui ont un tissu relationnel et une connaissance du marché du travail, aient besoin de contacts réguliers. J'ai en mémoire l'histoire de cadres que l'on a convoqués à des ateliers de rédaction de curriculum vitae ! Ils n'ont pas eu le sentiment d'apprendre beaucoup de choses. On l'a fait simplement pour respecter la procédure.

Essayons de déterminer quels sont les demandeurs d'emploi qui ont le plus besoin de Pôle emploi. La question est très difficile. Quels sont ceux qui sont autonomes ? Quels sont ceux qui ont un besoin de formation, parce que leurs compétences ne correspondent pas au marché du travail local, ou un besoin de mobilité géographique ? Quels sont ceux qui ont des difficultés d'ordre social ou de santé nécessitant de s'appuyer sur d'autres dispositifs que Pôle emploi, qui n'est pas capable de traiter tous les sujets ?

C'est ce discours que je préfère tenir : ne nous polarisons pas sur des normes théoriques comme la taille des portefeuilles. Etudions comment les réduire par redéploiement avec les moyens que l'on a. Voyons comment concentrer les moyens sur ceux qui en ont le plus besoin. C'est là une philosophie. Si on reste dans une approche normative, personne n'y gagnera ! On créera de la frustration chez les collaborateurs de Pôle emploi et chez les demandeurs d'emploi. Je préfère aborder le sujet franchement plutôt qu'essayer de louvoyer.

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