Intervention de Bernard Bigot

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 6 décembre 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Bernard Bigot candidat désigné aux fonctions d'administrateur général du commissariat à l'énergie atomique cea

Bernard Bigot, administrateur général du CEA :

Après avoir été cinq ans et demi Haut commissaire à l'énergie atomique, je suis devenu administrateur général du CEA début 2009. Ces deux fonctions sont clairement distinctes. La première est une mission de conseil auprès de l'administrateur général du CEA et, plus généralement, de la présidence de la République en vue de garantir la pertinence à long terme des choix stratégiques, scientifiques et technologiques du pays dans tous les domaines de compétence du CEA. La seconde consiste à diriger le CEA, un établissement public de recherche à caractère industriel et commercial regroupant 16 000 personnes aux compétences très élevées, principalement des chercheurs, ingénieurs, techniciens et chefs de projet.

Avec toute l'efficacité et la rigueur souhaitées par l'État, le CEA doit gérer un budget de 4,3 milliards par an. Opérateur nucléaire civil et militaire, il est également chargé d'une mission de représentation dans les instances nationales et internationales. D'où les opérations de coopération avec la Chine ou l'Inde que j'ai conduites à la demande de l'État.

Le commissariat a également pour mission de créer de la valeur économique en développant l'emploi qualifié sur les territoires national et européen par l'innovation technologique et le transfert vers la sphère de l'industrie et des services.

Professeur des universités en physico-chimie et rattaché à l'Ecole normale supérieure de Lyon depuis 42 ans, j'ai été détaché, aussi bien aux Etats-Unis qu'auprès du ministère de l'enseignement supérieur en tant que directeur général de la recherche et de la technologie ou encore comme directeur de cabinet de la ministre Mme Claudie Haigneré. Je suis très honoré de la confiance du président de la République, lequel me propose de poursuivre mon mandat. Je l'accepte bien volontiers si je peux encore être utile à la recherche et à l'innovation au service de mon pays et, surtout, du CEA.

Le CEA est un acteur européen majeur de la recherche scientifique. D'abord, en matière d'énergie atomique, avec l'ordonnance de 1945 qui a créé le commissariat ; mais aussi avec les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique globale D'où le changement de nom décidé par votre haute assemblée en février 2010. Ensuite, la défense et la sécurité, et notamment la prévention des menaces. Puis viennent les technologies de l'information, celles de la santé et un socle de recherche fondamentale d'excellence en relation avec ces objectifs technologiques, en incluant la conception, la construction et l'exploitation des très grandes infrastructures et plates-formes de recherche pour repousser, en collaboration avec nos partenaires, les frontières des connaissances relatives aux lois fondamentales de la vie et de la matière.

En quelques chiffres, le CEA représente 10 centres de recherche répartis dans toute la France, cinq civils et cinq de défense. Les plus importants sont ceux de Saclay et de Cadarache qui accueillent chacun 6 000 personnes ; viennent ensuite Grenoble avec 4 200 personnes, Bruyères-le-Châtel, dans l'Essonne, ainsi que Fontenay, Valduc en Bourgogne, Le Barp (Cesta), la vallée de la Loire (Le Ripault) et, désormais, Gramat dans le sud de la France.

Au total, 11 200 personnes ainsi que de 2,4 milliards d'euros sont consacrés aux programmes civils et 4 750 personnes et 1,89 milliard aux programmes de défense. Ce budget est constitué, d'une part, de subventions de l'État pour 2,7 milliards, dont 1,2 milliard pour les programmes civils et 1,5 pour ceux de défense, et d'autre part, de 880 millions d'euros de recettes externes dont 200 millions proviennent de partenariats industriels, 80 millions des technologies de l'information et de la santé, 120 millions des nouvelles technologies de l'énergie, le reste étant constitué de fonds incitatifs.

Le CEA est le premier organisme public à déposer des brevets en Europe, avec 613 brevets déposés en Europe l'an dernier. Il est à l'origine de plus de 4 300 publications scientifiques dans des revues à comité de lecture et, pour parler en bon français, de 136 start-up depuis 1984.

Sans développer les activités de défense du CEA, celui-ci a la responsabilité de la conception, de la production et de la garantie des armes, mais aussi de nos bâtiments à propulsion nucléaire. Il doit également assurer la surveillance des traités et, partant, de la pleine conformité des engagements internationaux que d'autres pays prennent à notre égard. Dans ce cadre, le commissariat assure également une veille, 24 heures sur 24, des risques de séisme et de tsunami.

Le CEA réalise d'importants efforts en matière de calcul scientifique car, depuis la fin des essais nucléaires, le maintien de notre dissuasion dépend des simulations réalisées notamment sur le site de Bruyères-le-Châtel, où le supercalculateur le plus puissant d'Europe réalise plus d'un million de milliards d'opérations à la seconde.

La lettre de mission, signée en mars 2009 par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et celui de l'industrie et de l'énergie m'assigne, pour le civil, cinq priorités : le développement de la base technologique de filières industrielles performantes dans les énergies nouvelles ; une contribution active aux réacteurs de 3e génération dans les pays partenaires dans les meilleures conditions de sûreté ; le bon avancement des travaux sur les réacteurs de 4e génération (réacteur à neutrons rapides) ; la recherche innovante dans le domaine de l'information et de la santé (plan nanotechnologies) depuis de la microélectronique jusqu'aux logiciels industriels (sécurisation du plan de câblage de l'A 380) ; maintien d'une recherche fondamentale d'excellence en science de la matière et de la vie.

Depuis 1945, la France a beaucoup investi pour maitriser l'énergie nucléaire. Ses 58 réacteurs produisent plus de 75 % de notre consommation nationale d'énergie électrique ce qui nécessite une industrie performante aujourd'hui largement orientée vers les marchés internationaux. Quand 80 % de l'énergie consommée dans le monde proviennent des produits fossiles, appelés à devenir toujours plus rares et plus chers, et dont on connaît l'impact sur l'effet de serre, cela constitue une réelle opportunité.

Il reviendra au Parlement, au gouvernement, à la nation de décider la part qui reviendra à cette filière dans l'avenir. Il me semble néanmoins que sans négliger les énergies renouvelables, la France dispose d'un atout très important et irremplaçable tant que d'autres technologies n'ont pas apporté la preuve industrielle de leur capacité à remplacer intégralement les énergies fossiles.

Le démantèlement des installations constitue aussi un volet important de notre action. Nous avons sécurisé les ressources nécessaires. Nous y consacrerons plus de 500 millions d'euros par an pendant 20 ans.

Parallèlement, nous nous efforçons de développer les énergies renouvelables qui, à côté de leurs nombreux avantages, présentent néanmoins de réelles limites tenant notamment à leur caractère intermittent et diffus, celles-ci pouvant toutefois être corrigées par leur combinaison avec des sources énergie plus stables. En conséquence, le CEA a orienté ses recherches vers l'énergie solaire, le stockage de l'énergie et la transformation de la biomasse. La poursuite du développement de l'énergie éolienne est aujourd'hui limitée par le coût du mégawatt qui est presque le double de celui de la production nucléaire, soit 90 euros contre 50 euros - mais l'on peut accomplir des progrès à cet égard.

Des marges de progression importantes existent encore en matière de recherche sur l'énergie solaire, l'expertise du CEA dans les technologies de l'information, la microélectronique, et le fonctionnement des couches de silicium lui ayant permis de créer à Chambéry l'Institut national de l'énergie solaire (INES), en interaction étroite avec 200 entreprises, dont de nombreuses PME à qui nous transférons nos savoir-faire. Nous avons développé avec l'une d'entre elles et le CNRS un silicium de qualité moindre que les rebuts de la microélectronique généralement utilisés mais mieux adaptée. Cette technologie part à la conquête des marchés norvégien ou encore chinois. En partenariat avec des PME de la région Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon, de Savoie et de Lorraine, le CEA est engagé dans le développement d'une unité de production solaire au Kazakhstan, marché sur lequel nous étions en concurrence directe avec les acteurs allemands ou japonais. Toutefois, l'énergie solaire est difficilement utilisable localement, un simple passage nuageux pouvant provoquer un « hachis » de la production.

D'une façon générale la stratégie du CEA vise à produire et consommer localement afin d'éviter des difficultés systématiques de stockage. Cela nous conduit à travailler avec les constructeurs automobiles sur les véhicules électriques et hybrides ou sur la production d'hydrogène à partir d'électricité par décomposition de l'eau, sans émission de gaz à effet de serre. Cet hydrogène est utilisé avec des piles à combustible d'une autonomie de 500 à 600 kilomètres soit quatre fois plus que les batteries électriques actuelles.

Enfin, la transformation de la biomasse en hydrocarbures de synthèse consiste à reproduire en quelques heures ce que la nature accomplit au cours de centaines de millions d'années, en enfouissant puis en transformant la matière végétale par une réaction biochimique dans des réservoirs de kérogène. A cette fin, nous collectons la biomasse sans finalité alimentaire ou industrielle, la gazéifions pour produire du monoxyde de carbone et de l'hydrogène, et complétons ce mélange par de l'hydrogène produit grâce à l'électricité.

De l'ordre de 60 milliards de watts, la consommation de puissance électrique de notre pays varie, selon les moments, de 30 milliards à 100 milliards de watts ce qui renforce l'intérêt du développement des technologies de stockage.

En matière de technologies de l'information et de la santé, notre objectif est aussi de créer de la valeur et de transférer nos savoirs, mettant ainsi les investissements considérables réalisés par le CEA au service de la compétitivité de nos entreprises.

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