Je voudrais faire le lien entre les travaux que je mène au sein de la commission de la culture et le présent débat.
Devons-nous absolument chercher tous les moyens possibles et imaginables de réduire notre dette ? Bien sûr, si nous sommes demain appelés aux responsabilités, nous sommes parfaitement disposés à nous acquitter de cette tâche au quotidien. Mais, aujourd’hui, est-ce vraiment la question fondamentale qui doit nous occuper ?
Nous avons la conviction que les questions de la dette et de la croissance sont liées. Si la croissance est cassée, si certains secteurs sont brisés par des mesures d’austérité, les rentrées fiscales diminueront et le rétablissement de nos finances publiques sera compromis. Personne ne peut nier cette réalité !
C’est d’ailleurs le bilan que l’on doit tirer de l’expérience grecque : malgré les plans de rigueur successifs, ce qui était gagné d’un côté était perdu de l’autre, et à la fin la Grèce avait toujours moins de capacité de se redresser.
Nous retrouvons, à l’occasion de la discussion d’une mesure fiscale il est vrai particulière, les termes d’un débat beaucoup plus fondamental.
Nous, socialistes, sommes convaincus d’une chose : à chaque fois que l’on cherche de l’argent, si l’on retient le facteur justice comme baromètre, comme critère de la politique menée, alors la croissance suit !
Avec la TVA, nous sommes au cœur du sujet. Si l’on ponctionne en premier les couches populaires et les classes moyennes, l’effet sur la consommation sera immédiat et de nombreux secteurs du commerce et de l’industrie seront fragilisés. Mais, de plus, ce sera injuste, parce que ceux qui ont le moins seront frappés en priorité. Or justice et croissance vont totalement de pair ! Mais il semblerait que ce gouvernement ne l’ait pas compris…
On prétend souvent que la culture n’est pas un bien de consommation. Je veux quand même parler ici du livre, un secteur au sujet duquel nous pouvons tous être interpellés.
Confrontée à la révolution numérique et à l’essor du livre numérique, toute la filière du livre, de la création à l’édition, des petites librairies aux grands distributeurs, est en danger.
Les membres de la commission de la culture ont récemment auditionné le PDG de la FNAC. J’ai eu la surprise de constater qu’il tenait le même discours qu’un petit libraire, toutes proportions gardées. La TVA à 5, 5 % ne suffit déjà pas à protéger la filière contre la rapacité d’acteurs tels que Amazon, implantée au Luxembourg, qui ne paie qu’une TVA de 2 % et livre ses clients dans les trois jours. Il n’y a plus de concurrence possible, et ce site est en passe de dévorer tous ses concurrents.
Les petites librairies vont sombrer les premières, mais elles seront bientôt suivies par la FNAC, avec ses 14 000 employés et ses milliards d’euros de chiffre d’affaires. Oui, la FNAC est en difficulté, c’est son PDG qui nous le dit, parce qu’elle a perdu sur la musique et qu’elle est en train de perdre sur le livre. Alors, moi, j’entends ce que l’on me dit et je m’interroge.
Plus concrètement encore, et pour ne parler que d’une toute petite conséquence du relèvement du taux, faudra-t-il que la FNAC fasse remonter de toute la France les 8 millions de livres qu’elle a en stock pour changer les étiquettes? Apparemment, une parade a été trouvée ou du moins certains se remuent les méninges pour trouver la solution. Mais comment fera le petit libraire indépendant pour changer 5 000 étiquettes ? Il sera obligé de fermer boutique !
On va trouver un moyen, nous dit-on. Ce ne sera jamais que le « service après-vente » d’une mesure uniforme prise par définition sans considération pour les situations particulières.
À l’heure de la révolution numérique, qui percute de plein fouet le monde de la culture et de la création, c’est un mauvais coup que vous portez au secteur.
Nous qui sommes si prompts, et nous en sommes fiers, à brandir l’exception culturelle française de par le monde, profitons de l’occasion qui nous est donnée avec la discussion de ce projet de loi de finances rectificative pour revendiquer au moins la même exception culturelle, au nom de la création et de la culture, et supprimons cet article, en attendant d’autres amendements qui iront je pense dans le même sens.