Intervention de Bernard Mahiou

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 24 novembre 2011 : 1ère réunion
Energies alternatives : gestion de l'intermittence et maturité des technologies

Bernard Mahiou, directeur en charge des systèmes insulaires, EDF :

La direction des systèmes insulaires intervient en Corse, dans les DOM et dans les autres collectivités d'outre-mer. Le service public de l'électricité dans ces zones non interconnectées présente de grandes difficultés.

Les stations de transfert d'énergie par pompage (Step) sont essentiellement terrestres. La seule Step marine au monde se situe à Okinawa. Mais un projet de même nature pourrait voir le jour en Guadeloupe. Le fort développement de la production d'énergie intermittente exige de renforcer les capacités de transport de l'électricité, mais aussi les capacités de stockage, terrestre (140 GW aujourd'hui dans le monde) ou marin (1 GW). Si les énergies intermittentes atteignent à terme 20 %, ou 40 % du bouquet énergétique, quel lissage faudra-t-il pour garantir la sécurité du réseau ? En 2040, la demande mondiale de stockage sera comprise entre 500 et 2 000 GW. Il est intéressant d'installer les Step marines près des champs d'éoliennes offshore.

Les systèmes insulaires sont petits et non interconnectés ; ils concentrent toutes les difficultés ! Une disposition a donc été prise pour y limiter le taux de pénétration des énergies intermittentes, qui doivent représenter moins de 30 % de l'offre. Ce taux a été déterminé après expériences menées en Crète ou ailleurs. Si l'on dépasse 30 %, le système peut en effet être en péril. C'est pourquoi le gestionnaire a faculté de déconnecter les installations de production, comme cela est arrivé à dix reprises à Mayotte il y a quelques mois. Le taux d'insertion des énergies intermittentes atteint 29 % à La Réunion. Avant la fin de l'année on y atteindra 30 %, comme en Guyane ou en Guadeloupe ; en Martinique, ce sera l'an prochain, en Corse l'année suivante.

En Europe, si le solaire et l'éolien atteignent en 2020, comme l'envisage la Commission européenne, 50 % des énergies renouvelables, il faudra bien développer le stockage ! En 2010, le stockage par les Step représente 24 GW ; en 2020, déjà 35 GW selon les prévisions - mais j'estime pour ma part que les besoins seront bien supérieurs. Les Step sont des grands projets, lourds, qui exigent des études d'impact. Trouver des sites terrestres n'est pas simple. Alors pourquoi pas des Step marines ? Le prix de revient entre en considération.

En France, la fiscalité locale et le prix du soutirage au réseau RTE représentent 60% du prix de revient de l'électricité. Il y a donc une vraie question économique à régler !

Le projet de stockage en Guadeloupe, au nord-est de l'île de Grande-Terre, consiste à réaliser un dispositif de pompage et de stockage de l'électricité permettant d'améliorer l'insertion des énergies renouvelables existantes, alimenté par de l'eau de mer. La mer en constitue le bassin inférieur et le sommet de la falaise le bassin supérieur.

L'objectif de ce projet, qui répond à un appel à manifestation d'intérêt de l'Ademe, est de favoriser la création d'une filière française des Step marines. Notons qu'il existe un prototype au Japon consistant en une centrale de 30 MW, avec une chute de 150 mètres, qui fonctionne depuis une dizaine d'années à Okinawa, île qui n'est pas interconnectée au réseau national japonais.

Notre projet porte sur la production de 50 MW pour 20 heures de fonctionnement et une capacité de stockage d'électricité d'un gigawatt heure (GWh). Il s'agit d'une technologie nouvelle et qui exige une étude approfondie sur son impact environnemental, de son coût de construction et de son modèle économique.

Un tel dispositif permettrait de lisser les pointes et de réduire la consommation de combustibles fossiles dans les turbines à combustion et ainsi d'éviter l'investissement dans de nouvelles turbines. Il limiterait les arrêts-redémarrages et améliorerait le rendement des centrales thermiques. Il permettrait de remédier aux ruptures de production d'énergie (les périodes sans vent par exemple) par un report sur plusieurs jours. En lissant la production intermittente il permettrait d'aller vers une intégration au réseau supérieure à 30 %, jusqu'à 50 %.

Quant au temps de réponse, il devrait être compris entre 5 et 10 secondes, soit un temps plus court que pour une Step terrestre. Il s'agit de disposer d'une adduction pour le pompage et d'une autre pour le turbinage, l'objectif défini avec Alstom - membre du consortium chargé du projet - étant de concevoir un système à réponse rapide, nécessaire pour les zones non interconnectées. Des machines à vitesse variable - innovation développée par Alstom - permettront de lisser les fluctuations de puissance.

L'usine projetée en Guadeloupe serait soit souterraine, soit préfabriquée et amenée par flottaison, comme c'est déjà le cas pour certaines centrales hydroélectriques américaines, ce schéma pouvant en principe être reproduit sur tous les types de sites.

Quant au calendrier, je rappelle que l'Ademe a lancé son appel à manifestation d'intérêt en avril, que nous avons procédé à des études de reconnaissance que nous lui avons soumises en octobre, l'agence devant en principe nous demander maintenant d'approfondir le projet.

Nous pensons connaître la décision de financement du commissariat général aux investissements au cours de l'été 2012, les grands travaux nécessaires pouvant alors, en cas d'accord, débuter en vue d'une mise en service vers 2017.

Le coût de la centrale est estimé à 250 millions d'euros hors raccordement et nous discutons avec la commission de régulation de l'énergie pour choisir le modèle définitif de valorisation sur ce type d'installation ; 150 millions d'euros peuvent être valorisés au travers de la contribution au service public d'électricité, nous conduisant à demander 100 millions d'euros de subventions, dont 30 venant de l'appel à manifestation d'intérêt (AMI), 20 millions des collectivités territoriales et 50 du Feder.

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