Intervention de Alain Bucaille

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 24 novembre 2011 : 1ère réunion
Energies alternatives : gestion de l'intermittence et maturité des technologies

Alain Bucaille :

Areva effectue en effet des recherches sur le sujet dans le cadre d'un GIE qui regroupe Eurodia, Air Liquide et GDF Suez.

L'enjeu est de taille, puisque la captation et la séquestration géologique du CO2 étant impossible dans la totalité du Japon, la moitié de la Chine, et très difficile en Inde - qui représentent à eux trois 40 à 50% de la croissance de la consommation mondiale en énergie fossile - la question du recyclage en CO2 se posera rapidement dans les pays d'Asie.

Notre projet porte sur le recyclage à moyen terme du CO2 émis par les cimenteries - en particulier de Chine et d'Inde - grâce à l'électricité. Si l'on prend par exemple pour hypothèse un taux d'intérêt annuel de 4% et les coûts de fonctionnement actuel d'un réacteur EPR susceptible de fournir cette électricité, l'on obtient une production d'essence à moins de 130 dollars le baril, hors coûts de captation du CO2.

Précisons que le CO2 le plus intéressant est celui provenant des cimenteries installées en bord de mer, qui ne contiennent ni minéraux allogènes, ni métaux lourds, réduisant ainsi les problèmes de catalyseur. Le recyclage du CO2 se fera en Chine et en Inde si ces pays décident de traiter cette question du recyclage - ce qui semble inévitable - et si le développement de la filière nucléaire se confirme.

Rappelons d'ailleurs que l'Allemagne utilise déjà l'électricité excédentaire pour fabriquer soit de l'hydrogène, soit du méthane, le transport du gaz étant assuré par les réseaux existants entre les installations de production d'énergies renouvelables, situées au nord, et les lieux de consommation concentrés dans le sud du pays. CO2

Pour notre part, nous sommes ouverts à la participation à ce type de projet avec notre voisin allemand.

Quant aux nombreuses options de type « biomasse to liquid », ou « CO2 to liquid », elles reposent en fait sur le même principe, la seule différence entre elles étant la quantité de catalyseur, c'est à dire d'hydrogène utilisée. L'intérêt essentiel de ces solutions est de nous assurer que le prix des carburants ne dépassera pas un certain plafond.

Mais entendons-nous : en évoquant ces options, l'objet de mon propos n'est pas, loin s'en faut, de contester l'intérêt des solutions de stockage évoqués par les précédents orateurs. Convenons en revanche qu'il existe différents niveaux de stockage : les stockages de petite capacité délocalisés, représentant d'un à 100 kilowatts (kW), les stockages semi-massifs ou régionaux allant du mégawatt au gigawatt et les systèmes massifs, centralisés portant sur des quantités nettement supérieures au gigawatt.

Il me semble important de prendre en compte l'apport possible des différentes sources d'énergie dans la recherche de l'ensemble des solutions dont nous aurons besoin. Des combinaisons sont d'ailleurs possibles entre elles, le nucléaire pouvant par exemple servir à fabriquer des carburants de synthèse pour les véhicules hybrides.

N'opposons pas nucléaire et énergies renouvelables, alors que les deux sources d'énergie peuvent être associées pour compenser leurs faiblesses mutuelles.

Je précise que, pour un excédent d'électricité de 10% pour un mégawatt heure (MWh) produit à 50 euros - coûts de capture, purification et compression du CO2 inclus - les carburants de synthèse reviendraient à 0,9 euro par litre pour le diméthyléther et à 1,4 euro par litre pour l'essence. Cette production de diméthyléther et d'essence de synthèse réduirait respectivement les émissions de CO2 de 6 millions de tonnes et de 12 millions de tonnes, ce dernier chiffre représentant 12 à 15% du CO2 domestique produit en France.

La conversion de CO2 en méthane évite par ailleurs la production de 2,8 tonnes de CO2 pour une tonne de méthanol et de 1,4 tonne de CO2 pour une tonne de diméthyléther.

Quant à la Chine, si elle convertissait tout le CO2 émis par ses cimenteries, elle produirait l'équivalent de 10 millions de baril/jour, soit 10% de la production mondiale !

Toutes ces hypothèses sont à envisager sérieusement dans un avenir proche, surtout si la Chine s'engage plus avant dans les négociations climatiques et qu'elle y joue un rôle majeur.

L'ensemble de ces éléments demeurent pourtant peu diffusés pour deux raisons essentielles. D'une part, il s'agit de ne pas effrayer les pays pétroliers, en leur indiquant qu'il existe un plafond situé à 150 dollars le baril au-delà duquel plusieurs technologies de substitution sont rentables.

D'autre part, cette vision repose sur l'hypothèse d'un taux d'actualisation de 4 %, alors que celui pris en compte dans les modèles économiques de l'industrie pétrolière est de 15%.

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