Intervention de Jean-Pierre Joly

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 24 novembre 2011 : 1ère réunion
Energies alternatives : gestion de l'intermittence et maturité des technologies

Jean-Pierre Joly, directeur général de l'INES :

La forte réduction des coûts que vient d'évoquer M. Chevet est une tendance lourde du photovoltaïque. La pente de la courbe illustrant cette chute est plus marquée que celle de l'éolien. L'ajustement des politiques d'incitation peut être difficile, mais il en résulte que cette énergie, certes encore chère, a une forte capacité de réduction des coûts. La courbe des coûts des écrans plats a suivi la même pente, ce qui n'est pas un hasard, car les technologies sont, au fond, assez proches. On peut encore aller plus loin, car on est encore loin du coût matière, la couche photovoltaïque étant très fine : la baisse des coûts va continuer. Le prix du kWh va descendre à dix centimes d'euros en 2020. Dans dix ans, il sera proche de celui de l'éolien aujourd'hui. Ce marché, poussé jusque là par les incitations, va rapidement, au niveau mondial, devenir autosupporté, en tout cas dans certaines régions. La forte hausse du solaire thermodynamique ouvre des opportunités pour la France à l'export. Là où le taux d'ensoleillement direct est important, il y a beaucoup à faire pour l'industrie française.

A long terme, en 2050, la part du solaire sera de 20 % à 30 %. Dès 2020, le solaire consommera 30 % de la production mondiale de verre, et une part significative des industries du plastique, ou du cuivre, par exemple.

Le silicium cristallin est une filière historique, les couches minces sont plus récentes. Le premier est encore majoritaire, mais ce n'est pas une technologie figée, puisqu'elle permettra beaucoup d'innovation dans les filières dites à haut rendement, sur lesquelles nous mettons l'accent à l'INES. Les opportunités de marché permettront de vendre le kWh plus cher, selon un modèle à haute valeur ajoutée.

Le photovoltaïque au silicium est une industrie où l'investissement et les matières premières reviennent plus cher que la main-d'oeuvre. Les charges de main-d'oeuvre pour les étapes de fabrication - cellules, modules, systèmes annexes - sont faibles : ce n'est pas le nerf de la compétition internationale. Sans négliger le coût caché de la main-d'oeuvre nécessaire pour fournir matériaux et équipements, nous devons progresser sur l'installation, qui présente la plus grande partie du coût de main-d'oeuvre : il faudra faire des progrès de ce côté. Pour la construction des équipements, on a besoin d'une main-d'oeuvre de très haute valeur ajoutée : les Allemands ont choisi ce créneau pour ses importantes opportunités.

La concurrence internationale est rude, en particulier celle des pays d'Asie, au premier rang desquels la Chine et Taïwan. L'Europe cherche à se maintenir, mais elle rencontre des difficultés. La compétition porte sur les coûts de financement plutôt que de main-d'oeuvre : l'industrie chinoise a profité de 30 milliards de dollars de prêts à bon marché.

Toutes les filières cherchent à se doter de procédés et d'équipements de plus en plus productifs (fours de cristallisation de 800 kg au lieu de 400) et d'usines plus automatisées - l'usine Bosch de montage de modules à Vénissieux est impressionnante.

La tendance est donc à la baisse des coûts : en 2020, le coût final de l'électricité produite sera d'environ 1,5 euro par watt. Dans le sud de l'Europe, le coût de génération descendra alors à 10 centimes par kWh. Le rendement des différents types de modules va continuer à progresser, et le stockage passera sous les 15 centimes par kWh, ce qui réglera le problème de l'intermittence. On reproche encore à l'énergie solaire un temps de retour énergétique relativement long, puisqu'il faut de l'énergie pour fabriquer les équipements ; mais de deux à trois ans en France, il devrait passer à moins d'un an.

L'Allemagne et l'Espagne sont confrontées à la question de l'intermittence. Quant la part du solaire augmente, cela peut déséquilibrer le réseau. Mais on le constate en observant le profil de consommation journalier, le photovoltaïque a vocation à effacer le pic journalier. On pourra donc produire 25 GW à l'horizon 2020 sans attaquer la base, et sans concurrencer le nucléaire. Pour aller au-delà, il faudra développer les réseaux intelligents et décaler les charges - véhicules électriques, réfrigération... - ou encore augmenter les capacités de stockage.

Le photovoltaïque est appelé à être une industrie importante, donc la France ne saurait s'exclure. Photowatt, seul fabricant français de cellules, est en crise. Mais nous avons beaucoup de PME qui produisent des matériaux, des équipements, des cellules, avec une capacité de 800 MW crête, et de grands groupes comme Saint-Gobain ou Soitec, lequel procède plutôt par rachats et implantations à l'étranger. Le coût de la main-d'oeuvre comptant peu, comme pour l'éolien, il est possible de développer cette industrie en France. Puisque les modules sont lourds, les charges de transport et de logistique importantes, il est utile d'implanter les usines de montage au plus près du marché, en France si la demande existe. On aperçoit des signes encourageants : un gros investissement de Soitec, la vente d'une usine clé en mains au Kazakhstan, l'ouverture de l'usine Bosch de Vénissieux.

Bref, le coût du solaire ne sera bientôt plus un obstacle, si les efforts de recherche-développement et d'industrialisation se poursuivent. Ne mettons pas tous nos oeufs dans le même panier, mais continuons à développer toutes les filières : silicium, couches minces, photovoltaïque concentré, thermodynamique. Quelle part reviendra finalement au solaire dans le mix ? C'est à voir, mais au moins la part correspondant à l'effacement du pic journalier : 4,4 GW, c'est peu. Enfin, le déplacement de la production en Asie n'est pas inéluctable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion