Intervention de Daniel Lincot

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 24 novembre 2011 : 1ère réunion
Energies alternatives : gestion de l'intermittence et maturité des technologies

Daniel Lincot, Institut de recherche et développement sur l'énergie photovoltaïque :

Parmi les technologies photovoltaïques, il faut distinguer d'une part celle, majoritaire, qui est fondée sur le silicium cristallin - plaquettes découpées qui proviennent à l'origine de l'industrie électronique, le rendement des cellules atteignant 25 % et celui des modules entre 13 et 20 % -, d'autre part trois techniques fondées sur les couches minces, donc sur le revêtement au lieu de la découpe : cellules au silicium amorphe, utilisées d'abord pour les calculatrices, et qui connaissent un développement important ; cellules au tellurure de cadmium depuis 2005 ; cellules composées d'un alliage de cuivre, d'indium et de selenium sur lesquelles on travaille actuellement.

La filière connaît une croissance exponentielle, avec un chiffre d'affaires de 100 milliards d'euros en 2010. Les capacités installées sont inférieures à celles du gaz, mais supérieures à celles de l'éolien. En 2020, le photovoltaïque pourrait produire 12 % de l'électricité dans l'Union européenne : c'est dire l'importance de ce secteur.

Les coûts de production baissent : un module revient à 1,2 euro par watt, contre 4,2 en 2000. Il y a eu un léger rebond lorsque la filière s'est affranchie du secteur électronique : le silicium est désormais produit par des usines spécialisées. On produit aujourd'hui 200 000 tonnes de silicium pour le photovoltaïque, 30 000 seulement provenant de l'électronique. Si l'on prend en compte l'ensemble des coûts, on constate là encore une diminution : selon l'Agence internationale de l'énergie (IEA), de 2 à 3 euros par watt en 2009, on devrait passer à 1,5 ou 2 euros en 2020.

Il y a dix fois plus d'installations en Allemagne qu'en France : 7,4 GW contre 700. Cela peut s'expliquer, en partie, par un différentiel de coût des petits comme des grands systèmes : entre 2,6 et 3,2 euros par watt outre-Rhin, entre 4 et 5 euros ici.

Quand le photovoltaïque deviendra-t-il compétitif par rapport aux autres sources d'électricité ? La décennie à venir sera décisive. Après le Moon Shot du président Kennedy en 1962, les Etats-Unis ont lancé le Sun Shot en 2011 : il s'agit de réduire le coût du photovoltaïque jusqu'à 1 dollar par watt en 2020, en jouant sur tous les tableaux. Voilà un objectif très ambitieux, mais l'Europe aussi veut réduire le coût à 1,2 ou 1,5 euro par watt en 2020. Si les Américains réussissent, le coût du kWh ne sera plus que de 4 à 8 cents, ce qui rendra le solaire compétitif par rapport aux énergies fossiles, y compris le charbon. Ils espèrent ainsi pouvoir construire des usines en Chine. En Europe, le projet de l'EPIA (European Photovoltaic Industry Association) est de ramener le coût du kWh entre 8 et 18 centimes d'euros : nous serons donc bientôt à la parité réseau.

Le photovoltaïque emploie 133 000 personnes en Allemagne contre 24 000 en France ; on a dénombré 200 000 installations en France en 2010.

Grâce à la technique du revêtement sur métal ou sur verre, les couches minces permettent de s'affranchir de certaines étapes de la production, qui coûtent cher. On fabrique aujourd'hui des plaquettes de 6 mètres carrés, issues de la technologie des écrans ! Grâce à la technologie CdTe, développée par EDF Energies Nouvelles, on construit à toute vitesse des plaques d'un demi-mètre carré. Les prix diminuent : pour un même volume de production, par exemple 3 MW, le delta est de 2 environ entre couches minces et silicium. Mais si les progrès technologiques favorisent les couches minces, les effets d'échelle et la courbe d'expérience servent la compétitivité du silicium. La technologie du tellurure de cadmium est en plein essor : les coûts de production n'étaient plus que de 0,6 dollar par watt en 2010.

Toutes les filières de couches minces progressent, et il y aura à l'avenir un mix. Leur développement est lié en particulier à la construction de bâtiments à énergie positive. La stratégie consiste à abaisser les coûts jusqu'à 0,15 euro par watt dans toutes les filières. Les couches minces peuvent même être installées sur des supports flexibles : on fait aujourd'hui de la « moquette solaire ». Les couches minces à l'indium, dont le rendement atteint 20 %, peuvent être posées sur du plastique, ce qui laisse espérer des rendements encore plus importants ; parmi les entreprises françaises spécialisées, il y a Nexcis et Avancis, mais aussi des PME. Considéré comme émergent, le photovoltaïque offre des marchés de niche jusqu'à ce qu'il contribue à l'équation énergétique.

La filière connaît donc un développement industriel accéléré et irréversible. Les coûts de production reculent, grâce aux effets d'échelle et aux innovations technologiques. Ce développement sera autosupporté d'ici 2020. L'électricité ainsi produite pourrait à cette date représenter entre 3 et 13 % du mix : l'incertitude est grande. La marge d'innovation est importante, la concurrence internationale intense : les entreprises européennes ne sont pas seules à souffrir. L'on doit anticiper. Le stockage, la connexion aux réseaux, les carburants solaires : autant de problématiques d'avenir. A la Réunion, on va vers l'autonomie énergétique grâce aux batteries sodium-soufre. Il faut créer rapidement une filière française multi-technologies, performante et intégrée, destinée au marché intérieur et à l'exportation.

Un mot enfin sur le programme de 2009 du NEDO japonais (New Energy and Industrial Technology Development Organization). Les Japonais commencent à produire de l'électricité photovoltaïque connectée au réseau avec un plus grand degré d'autonomie ; ils ajoutent à cela des batteries. Vu le dynamisme du secteur, des scénarios accélérés ont été élaborés.

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