Intervention de Robert Gleitz

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 24 novembre 2011 : 1ère réunion
Energies alternatives : gestion de l'intermittence et maturité des technologies

Robert Gleitz, vice-président d'Alstom Power :

L'éolien progresse sur le plan technologique et économique. Si l'on replace cette tendance dans l'histoire de la production électrique, on observe qu'après le développement du nucléaire en France dans les années 1970, le gas boom aux Etats-Unis vers l'an 2000 et plus récemment celui du charbon en Chine, d'autres technologies - éolien, photovoltaïque, biomasse - sont en expansion, sans qu'une seule s'impose comme la recette miracle du point de vue de l'efficacité productive et du respect de l'environnement. Chez Alstom, nous sommes convaincus que seule une combinaison de ces énergies peut répondre aux défis de l'avenir. Dans les prochains temps, les commandes représenteront chaque année 250 GW dans le monde, soit deux fois la puissance installée de la France ; la moitié proviendra de sources d'énergies non émettrices de CO2, mais la base installée de 5 200 GW génère 40 % des émissions mondiales, et il faudra du temps pour la renouveler.

Dans le secteur éolien, les turbines ont beaucoup évolué. La taille des machines a été multipliée par plus de 100, et leur production est passée de 30 kW à 3 MW - et je ne parle pas des rotors. Tout cela a demandé du sang et des larmes, mais le secteur est arrivé à maturité. Les plus grandes machines atteignent 100 mètres, et fonctionnent à 13 ou 14 tours-minute. Notre dernière éolienne marine produit 6 MW avec un rotor de 150 mètres.

Chaque éolienne est une petite centrale, qui requiert des compétences en mécanique, en électricité, en électronique. Dans cette industrie, les employés sont plutôt jeunes, ce qui contribue à son dynamisme. Il serait facile de la développer davantage en France.

Pendant des années, les boîtes de vitesse devaient causer la faillite de l'éolien, mais le socle technologique du secteur est aujourd'hui solide. Les coûts ne diminuent pas aussi vite que dans le photovoltaïque, mais ils baissent tout de même de 7 % à chaque doublement de la base installée. De 1984 à 2011, le prix des machines a reculé de moitié. Le facteur d'utilisation - c'est-à-dire la relation entre l'énergie générée par une machine et celle qu'elle produirait si elle était utilisée à 100 % pendant toute l'année - a progressé de 13 points en 27 ans. Les coûts de maintenance ont été divisés par 5 et celui de cette énergie l'a été par 4 en 30 ans.

A l'avenir, on espère l'augmentation du productible, grâce à l'agrandissement des rotors et à la hausse de leur capacity factor. Notre machine de 3 MW était à l'origine dotée d'un rotor de 100 mètres et conçue pour la classe 2, c'est-à-dire pour des vents soufflant en moyenne à 8,5 mètres/seconde. Mais nous nous sommes rapidement aperçus que, sans agrandir les machines, nous pouvions changer de classe, ce qui a naturellement augmenté leur capacity factor. Plusieurs rotors ont été installés sur une même machine, avec des résultats spectaculaires. Grâce à ces progrès technologiques, pour une même surface au sol, on peut installer moins de turbines et produire plus d'électricité. L'heure n'est plus à la multiplication de toutes petites machines.

Nous nous adaptons aussi à l'offshore, en suivant trois principes : robustesse des machines, simplicité et efficacité. Les technologies existantes ont été développées : pour un rotor de 150 mètres, la pale atteint 73,5 mètres. Nous travaillons à rendre les machines plus aérodynamiques, donc plus efficaces et moins bruyantes, et nous voulons les structures les plus légères et les plus rentables possibles. Tirant profit de notre expérience dans l'éolien terrestre, nous avons cherché à ce que la ligne d'arbre ne transmette pas de mauvais efforts, et nous avons installé un alternateur qui tourne à la même vitesse que le rotor. Le prototype est en train de devenir réalité, la plupart des composants ayant été fabriqués en France. Pour développer l'industrie française de l'éolien et créer des emplois, encore une fois, il suffit d'appuyer sur le bouton ! Il faut mener à bien le programme des 6 GW. Cette technologie off shore devrait être rapidement validée. Je suggère au législateur de tenir compte du besoin de disposer de petites centrales pour tester les machines, avant un développement plus important.

L'intégration dans le mix ne pose pas problème : les machines sont aujourd'hui conformes aux codes réseaux les plus stricts et peuvent rester connectées, même en cas de perturbation. D'ailleurs, une éolienne reste une petite machine, et en cas de problème l'impact sur le réseau est moins important que, par exemple, lors du déclenchement d'une centrale au charbon.

L'intégration à l'environnement s'est améliorée. Les éoliennes sont moins bruyantes qu'avant, grâce à leur meilleur aérodynamisme, au gouvernement par machine ou par ferme, et à l'adaptation de la vitesse des rotors. A 500 mètres, le bruit est de 35 dBA, pas davantage qu'une conversation chuchotée, et il est couvert par le bruit du vent.

L'éolienne du futur produira 10 à 15 MW et son rotor dépassera 170 mètres. La taille constitue un vrai défi technologique : contrairement aux turbines à gaz, il n'y a pas de problème lié aux hautes températures ou aux hautes vitesses, mais il faut travailler sur les structures (pale, ligne d'arbre, tour, fondations) et sur l'électronique (contrôle des machines, anticipation des variations du vent, électronique de puissance pour l'intégration au réseau, prévision de la production). Il faut se souvenir que l'investissement initial représente 80 % du coût de l'électricité éolienne : chaque baisse des coûts se répercutera dans le prix de l'énergie produite.

Quand l'on compare les coûts de production des différentes sources d'électricité, on constate que l'éolien terrestre est compétitif, même s'il y faut des ressources naturelles : il n'est pas question d'implanter des éoliennes partout. Sur l'éolien marin, il y a encore des progrès à faire : M. Chevet espérait un prix de 150 à 180 euros par mégawatheure, j'espère qu'il aura de bonnes surprises en janvier.

Alstom produit aussi de l'électricité solaire thermique : nous avons investi dans les tours solaires, où des miroirs reflètent des rayons dans une chaudière, transformant l'eau en vapeur, celle-ci actionnant une turbine qui produit de l'électricité. Mais en France les conditions ne sont pas favorables. Quant au solaire photovoltaïque, ses coûts de production sont en baisse constante.

Il faut d'ailleurs tenir compte des variations de coûts : si le cours du combustible d'une centrale classique peut évoluer, dans le domaine des énergies renouvelables les variations sont maîtrisables et connues pour toute la durée de vie d'une centrale. L'éolien est techniquement et économiquement crédible, au sein d'un mix respectueux de l'environnement.

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