Intervention de Romain Vernier (Brgm)

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 24 novembre 2011 : 1ère réunion
Energies alternatives : gestion de l'intermittence et maturité des technologies

Romain Vernier (Brgm) :

Le BRGM, établissement public de référence dans les sciences de la terre, est en pointe depuis le début des années 1980 dans le développement de la géothermie, technique qui consiste à exploiter la chaleur du sous-sol pour produire de la chaleur, du froid ou de l'électricité. A faible profondeur, la température n'est pas très élevée, et l'on se limite à la production de chaleur grâce à des pompes : c'est un des moyens de diminuer la consommation d'énergies polluantes, car, en France, une bonne partie de l'électricité sert au chauffage des bâtiments. Il y a également une géothermie profonde, dont on a l'expérience en Ile-de-France : l'eau du Dogger, à 1 700 mètres de profondeur, est à 80°C et permet de produire de la chaleur, mais pas de l'électricité. Pour cela, il faut atteindre des aquifères plus profonds, ou les toits de socle, plus fracturés. La température étant comprise entre 120 et 160°C, l'on combine production d'électricité et exploitation de la chaleur résiduelle à très faible coût pour que l'entreprise soit rentable. Dans les zones volcaniques, la source de chaleur est plus proche de la surface : on atteint rapidement 200 °C. Enfin, il existe une technologie EGS (Enhanced Geothermal System) à très grande profondeur, où l'eau est à 200 °C mais rare : l'on doit donc en augmenter la quantité pour obtenir une puissance suffisante.

Les atouts de la géothermie en tant que source d'électricité sont nombreux : c'est une énergie renouvelable, et de base puisque le taux de disponibilité est de 85 %, avec 8 000 heures d'exploitation par an. Par conséquent, les besoins de stockage sont faibles. Le potentiel de production est important, l'occupation foncière faible, l'impact environnemental limité. C'est une énergie locale, ce qui peut être un inconvénient, mais aussi une source de compétitivité territoriale, puisque les entreprises qui s'implantent autour des centrales bénéficient d'électricité à bas prix, comme on le voit très bien en Islande. Les coûts de fonctionnement sont réduits. En revanche, l'investissement initial est lourd, et les risques géologiques nécessitent une couverture du risque. Enfin les délais de réalisation des projets sont longs.

Si l'on observe les capacités installées jusqu'ici dans le monde, on constate que la France est distancée, mais c'est parce que jusqu'ici on a surtout construit des centrales sur des terrains volcaniques : elles sont concentrées sur la fameuse ceinture de feu du Pacifique, en Amérique - des Rocheuses jusqu'à la Cordillère des Andes - et en Asie du sud-est. En Europe, c'est en Islande et en Italie que les capacités sont les plus importantes.

Toutes ces capacités installées représentent 10 GW ; les coûts évoluent selon les technologies, de 50 à plus de 300 dollars le MWh. Mais il n'y a pas de stockage à prévoir. L'investissement est de 3 millions d'euros par mégawatt, soit 3 euros le watt. Les unités sont plutôt de dix MW ou de plusieurs dizaines de MW.

Incitatif, le tarif français a été réévalué à 130 euros le MWh dans les DOM, 200 en métropole. Les installations avaient été conçues pour une durée de vie de 15 à 20 ans, elles sont en marche depuis plus de 30 ans. Leur coût de fonctionnement étant limité, elles fournissent une énergie bon marché. Le développement s'accélère, mais moins que celui d'autres énergies renouvelables, en raison des exigences capitalistiques. Il convient de multiplier les démonstrateurs et les retours d'expérience à l'échelle mondiale. La géothermie haute température est la plus courante, mais multiplier les expériences dans les autres catégories, dans des environnements géologiques variés, nous permettra d'obtenir un large portefeuille de stratégies possibles, et réduira la part de risque. La dynamique est enclenchée et dans le cadre des investissements d'avenir, les démonstrateurs y compris à une taille industrielle, ont fait l'objet d'une manifestation d'intérêt, car il reste à lever des verrous scientifiques - forage, accès à la ressource, augmentation du rendement des centrales, gestion durable de la ressource, baisse des coûts de rendement, etc.

Il n'y a pas de limite au potentiel naturel : plus on fore profond, plus on trouve d'énergie. Mais l'accès à la ressource doit faire l'objet d'une optimisation technico-économique. La France a connu une expérience de géothermie haute température : la centrale de Bouillante, d'une capacité de 15 MW, satisfait 6% de la demande totale de la Guadeloupe. La géothermie vient là en substitution de l'énergie fossile - les groupes diesel - le coût de revient est élevé, entre 270 et 200 euros le MWh et il y a l'impact sur l'environnement et le réchauffement climatique. Le potentiel de géothermie haute température est limité à la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, ainsi qu'à la Dominique voisine, de laquelle nous pourrions importer via des câbles sous-marins. Mais la filière française peut proposer des applications dans toutes les régions volcaniques.

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