En outre, des évènements majeurs sont intervenus depuis le Livre blanc, à commencer par la crise économique, qui se traduit par la réduction des moyens aux Etats-Unis et dans les pays européens, alors même que de nouvelles inconnues apparaissent. Ces dernières portent par exemple sur la montée de l'influence de la Chine en Afrique, en Amérique latine, ou même en Europe.
Par ailleurs, force est de constater qu'un an après la conférence de New York, les menaces liées à la prolifération nucléaire n'ont pas disparu, puisqu'il semble qu'il n'y ait plus de majorité au Sénat américain pour ratifier l'accord sur l'interdiction des essais nucléaires, et que la perspective de la signature d'un traité relatif aux matières fissiles à usage militaire s'éloigne, alors que se renforcent les arsenaux nucléaires en Asie.
J'entends aussi que l'on parle beaucoup de l'Iran, le président de la République française ayant même fait état, il y a cinq ans, de l'existence d'un dilemme entre la bombe iranienne et le bombardement de l'Iran. Or, rien ne dit que nos moyens de dissuasion qui nous ont protégés de l'Union soviétique ne constituent pas aussi des moyens efficaces face à un pays dont les armes seraient de toute façon moins sophistiquées.
D'une façon plus générale, j'estime que le discours actuel prend insuffisamment la mesure du véritable déplacement du centre de gravité vers l'Asie du Sud et du Sud-Est auquel nous assistons.
Les révolutions arabes ont fait naître de nouvelles inconnues, comme en témoigne l'exemple de l'Egypte, où, moins d'un an après les évènements de la place Tahrir, que nous avions trop tendance à considérer à l'aune de nos propres valeurs, les partis islamistes ont emporté plus de 70 % des suffrages, les élections tunisiennes et marocaines traduisant globalement le même mouvement.
Quant à la révolution libyenne vantée par M. Bernard-Henri Lévy, elle n'a, pour le moins, pas encore porté tous ses fruits...
Nous devons donc réévaluer nos analyses pour prendre en compte la réalité des bouleversements qui affectent l'ensemble du bassin méditerranéen.
Il faut partir de ce que sont véritablement ces sociétés au sein desquelles une fracture sépare la partie moderne, qui regarde vers l'Occident, d'une partie plus traditionnelle. Face à ces évolutions, une politique de coopération en matière de logement, d'urbanisation, de diversification économique de notre part, constituerait sans doute une réponse plus adaptée en tout cas que le développement de systèmes de lutte contre les « engins explosifs improvisés ». La dimension militaire est bien loin de résumer l'approche que nous devons avoir de sociétés qui connaissent des mutations aussi globales.
Enfin, ayant animé le groupe de travail de la commission sur les perspectives budgétaires, je tenais à souligner qu'il sera difficile de concilier la poursuite de l'effort financier prévu par la loi de programmation militaire, et les engagements qui sont contractés aujourd'hui sans doute de façon un peu rapide. Je vois mal comment il serait possible d'aller plus loin dans le sens de la diminution de l'effort que nous avons déjà connue.