Intervention de Catherine Procaccia

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 17 novembre 2011 : 1ère réunion
Sécurité nucléaire et avenir de la filière nucléaire

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia, sénateur :

Ce voyage a été très instructif. Comme l'a rappelé M. Bataille, nous avons rencontré les principaux intervenants, à la fois sur le plan politique, mais aussi technique. Nous sommes arrivés au moment de leur « N20 » - sorte de G20 - une rencontre qui existe depuis dix-huit ans entre les intervenants nucléaires français et japonais. Cela nous a permis d'échanger avec les Japonais et les Français, sans compter tous les entretiens prévus.

J'ai été frappée par la façon dont les Japonais abordent les conséquences de Fukushima et le sens collectif des responsabilités dont ils font preuve dans cette situation. Sans doute peut-on l'expliquer par la culture japonaise. Encore faut-il souligner que l'opérateur Tepco a fait preuve de négligence. D'une part, un tsunami d'une telle ampleur était déjà survenu au XIXe siècle ; d'autre part, des fuites sur les piscines étaient déjà intervenues. Aussi la transparence de Tepco est-elle très discrètement remise en cause par les autres opérateurs électriques.

L'arrêt des centrales nucléaires a pu être compensé par un effort de solidarité nationale. Les particuliers, comme les entreprises, ont joué le jeu pendant toute l'année 2011. D'aucuns craignent que les black-out, qui ne manqueront pas d'arriver en 2012, faute de centrales, ne provoquent une hausse importante du prix de l'électricité. Les Japonais, rappelons-le, importent massivement, sans avoir pu négocier, des énergies fossiles. Cette situation serait d'autant plus inquiétante que l'acceptation des efforts serait moindre.

Sur le plan de l'emploi, on observe peu de mouvements. Les salariés qui travaillaient dans les centrales sont tous encore employés à de la maintenance ou des travaux. Dans la centrale que nous avons visitée, en particulier, tout le personnel est sur place pour effectuer des travaux. Si en avril ou mai, aucune des centrales ne redémarre, des licenciements se produiront, qui s'agrégeront à ceux liés à la crise économique au Japon. L'économie japonaise, il faut le souligner, est une économie industrielle. Elle aura du mal à supporter une deuxième année de croissance économique ralentie. L'IEEJ (Institute of Energy Economics, Japan) a évalué la diminution du PIB à 1,6 % pour 2012 si les centrales redémarraient. Sans redémarrage, celui-ci diminuerait d'environ 3,6 %.

Les Japonais mesurent donc bien les conséquences économiques et sociales de l'arrêt complet du nucléaire. M. Bataille l'a bien souligné : nous avons été frappés par le système de prise de décision. C'est ainsi que le Premier ministre qui s'était déjà déclaré plutôt anti-nucléaire, a pris la décision d'arrêter progressivement toutes les centrales nucléaires. Ce sont les maires et les gouverneurs de province qui doivent donner leur autorisation au redémarrage des centrales. Les processus sont beaucoup moins formalisés et organisés qu'en France.

Nos interlocuteurs japonais semblent nous dire que les positions des maires et des gouverneurs des provinces seraient bien plus variées que ce que laisserait supposer la décision d'arrêt de l'ensemble des réacteurs. Ils placent leurs espoirs dans le nouveau Premier ministre, M. Yoshihiko Noda, qui semble vouloir ramener le gouvernement à une position plus neutre.

La conclusion principale que je tire de ce voyage est que nous avons la chance, en France, de disposer d'une autorité de sûreté nucléaire indépendante, l'ASN ; au Japon, ce type de décision n'est que politique, qu'il s'agisse de politique locale ou nationale.

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