Intervention de Raphaël Berger

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 17 novembre 2011 : 1ère réunion
Sécurité nucléaire et avenir de la filière nucléaire

Raphaël Berger :

Je souhaite avant tout remercier l'Office de permettre à AREVA de s'exprimer, étant entendu que nous n'avons pas vocation à nous substituer au politique dans le débat énergétique actuel. Cela dit, nous n'hésiterons pas à y contribuer, au niveau qui est le nôtre, celui d'un grand groupe industriel public.

Au-delà de la fourniture abordable, sûre et respectueuse de l'environnement, l'objectif de la politique énergétique doit être de développer des filières énergétiques nationales. Il s'agit à la fois de promouvoir l'emploi, l'activité économique, de préserver la balance commerciale et de contribuer au rayonnement du pays sur la scène internationale.

Dans un premier temps, je souhaite mentionner une étude qui a été réalisée à l'initiative d'AREVA par le cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC) sur le poids socioéconomique de l'électronucléaire en France. Cette étude a été réalisée de manière totalement indépendante par PwC, à l'initiative d'AREVA, pour fournir, grâce à une méthodologie robuste, des éléments quantitatifs sur la place du nucléaire dans l'économie française. Il s'agissait de fixer une photographie de l'industrie française et de réaliser une projection de son évolution possible dans les prochaines décennies.

Le développement de notre parc électro-nucléaire a permis d'assurer à l'industrie française une position de leadership mondial sur tous les maillons de la chaîne de valeur. Sont présents dans cette salle les trois principaux donneurs d'ordre de cette filière française : premièrement EDF, le plus grand exploitant de centrales nucléaires au monde, avec un parc installé de plus de 70 gigawatts; deuxièmement AREVA, qui a développé un modèle intégré, leader sur les marchés de la construction de nouvelles centrales nucléaires, et contribué à installer plus du quart du parc historique de centrales, de l'ordre de 100 gigawatts, mais aussi leader sur le marché des services aux centrales installées et sur le cycle du combustible nucléaire ; troisièmement le CEA, un des organismes de recherche les plus expérimentés et reconnus au monde, point fondamental, dans la mesure où la recherche permet la pérennité de long terme de la filière nucléaire et de son avance technologique.

Cette filière n'entraîne pas que des donneurs d'ordre. On dispose de plusieurs milliers de fournisseurs. Parmi eux, PwC a dénombré environ 500 entreprises qui sont parties intégrantes de la filière, au sens où elles ont développé des savoir-faire spécifiques dans le nucléaire, dont 20 % de PME.

Pour l'économie nationale, PwC a dénombré 125 000 emplois directs - ceux des entreprises de la filière - soit à peu près autant que l'aéronautique, soit encore 4 % des emplois industriels en France. A ces emplois directs, il convient d'ajouter les emplois de nos fournisseurs, et ceux soutenus par la consommation des employés de la filière, soit un total de 410 000 emplois - 2 % de l'emploi français. En termes de contribution à la valeur ajoutée, au PIB, l'industrie française génère une valeur ajoutée de 34 milliards d'euros annuellement, soit 2 % du PIB national. J'ajoute que l'implantation du nucléaire est essentiellement locale, autour des installations nucléaires, implantation qui contribue au développement de bassins d'emplois, soit un tissu très dense de fournisseurs et d'employés, comprenant des « clusters » locaux. Je pense à la Bourgogne, pour la fabrication de gros composants, à la Basse Normandie, pour les activités de retraitement. L'usine d'AREVA à La Hague assure ainsi près de 20 % des emplois du Nord Cotentin, ce qui en fait le premier employeur de la région.

Cela dit, La filière française a une très forte contribution à l'export. En 2010, le groupe AREVA a réalisé plus de 60 % de son chiffre d'affaires en dehors de France. Les autres PME de la filière sont particulièrement dynamiques et fortement exportatrices, plus que la moyenne des PME nationales. C'est ainsi que le pourcentage du chiffre d'affaires des entreprises françaises réalisé à l'international s'élève à 30 %, contre 50 % pour les PME de la filière nucléaire. Il faut ajouter les exportations d'électricité permises par le parc électronucléaire français, qui génère un bénéfice et améliore la balance commerciale de l'ordre de 2 à 3 milliards d'euros.

Les entreprises de la filière nucléaire exportent. Le nucléaire contribue à l'amélioration de la balance commerciale française. La facture pétrolière et gazière en France s'élève à 45 milliards d'euros pour 2010, soit 90 % du déficit commercial de la France. C'est un chiffre qui n'est pas appelé à diminuer, notamment dans la mesure où le prix des hydrocarbures est appelé à augmenter à l'avenir. Ces filières continueront durablement à détériorer la balance commerciale du pays. A l'inverse, le recours à l'énergie nucléaire permet d'éviter une grande quantité d'importations de combustibles fossiles. Aussi, l'étude de l'UFE (Union française de l'électricité) évalue entre 25 et 30 milliards d'euros la dégradation de la balance commerciale imputable à une sortie du nucléaire. Si l'on considère la balance des biens et services, notre pays est dans les tout premiers exportateurs mondiaux d'équipements, avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 6 milliards d'euros à l'export, soit un des postes les plus bénéficiaires en France.

En termes de potentiel, l'étude PwC nous montre que, où qu'elle soit, l'implantation d'un EPR créée des emplois et de la valeur ajoutée pendant près de 90 ans. C'est encore plus vrai en France, où la construction d'un EPR génère plus de 8 000 emplois sur le territoire national, et 650 millions d'euros de valeur ajoutée annuellement. C'est également vrai à l'export. Exporter un EPR peut générer un nombre d'emplois qui variera en fonction des capacités du pays où le réacteur est exporté, en fonction de son appétit pour une localisation d'une partie de la construction du réacteur. Pour PwC, une telle activité génère environ 4 000 emplois en France et 300 millions d'euros de valeur ajoutée. J'ai mentionné les emplois et la valeur ajoutée générée pendant la phase de construction. La filière nucléaire étant intégrée, elle contribue à la durée de vie des centrales, y compris exportées, avec des services de maintenance et du cycle de combustible.

Pour évaluer le potentiel de la France à l'export, il faut se pencher sur les perspectives du nucléaire à l'international pendant les prochaines années. Si l'accident de Fukushima réitère l'impératif de sûreté pour l'industrie nucléaire, les fondamentaux du secteur énergétique n'ont pas changé. La demande en énergie va croître mondialement. La sécurité d'approvisionnement restera une inquiétude pour les États. La préoccupation liée au changement climatique est toujours aussi prégnante. Dans le contexte actuel d'augmentation structurelle des coûts de l'énergie, et dans le contexte macroéconomique actuel, les questions de pouvoir d'achat des ménages et de compétitivité des industries sont encore plus fondamentales et doivent présider aux choix énergétiques.

L'accident de Fukushima n'a pas représenté un coup d'arrêt au nucléaire.

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