Intervention de Raphaël Berger

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 17 novembre 2011 : 1ère réunion
Sécurité nucléaire et avenir de la filière nucléaire

Raphaël Berger :

En Europe, un très grand nombre de pays ont confirmé leur motivation à poursuivre leur programme électronucléaire, comme le Royaume-Uni, la Finlande, la République Tchèque, les Pays-Bas, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie, la Suède et la Lituanie. Des pays comme la Suisse ou l'Italie se sont montrés plus réservés. Quant à l'Allemagne, c'est un cas isolé en Europe de par le caractère irrévocable de sa décision. Encore faut-il souligner que cette décision avait été prise dès 2001. L'Allemagne est donc revenue à une position ancienne sur le nucléaire. La Chine, elle, n'a absolument pas remis en cause, bien au contraire, la nécessité du nucléaire. Elle réfléchit au choix de sa technologie, ce qui est une bonne nouvelle pour les réacteurs comme l'EPR proposé par la filière française. L'Inde est dans une situation identique. Aux États-Unis, AREVA vient de signer un contrat pour achever la construction d'un réacteur en Alabama. Nous devons terminer la construction d'un réacteur au Brésil. Je pourrais aussi citer la Corée du Sud, la Russie et l'Afrique du Sud, parmi les pays émergents, qui ont fait état de leur souhait d'avoir recours au nucléaire et l'ont confirmé après Fukushima.

Ces déclarations se confirment dans les projections des organisations internationales, notamment de l'AIE, qui a publié la semaine dernière ses scénarios du World Energy Outlook, et qui prévoit une augmentation de 50 % du parc nucléaire d'ici à 2030. Ces projections tiennent compte de l'impact de Fukushima, mais l'augmentation n'est que de 2 % inférieure à la même prévision de l'année précédente. C'est bien la preuve que le nucléaire n'a pas subi un coup d'arrêt à la suite de Fukushima. Ce résultat sur la croissance du parc mondial, je le souligne, est en ligne avec les projections réalisées par AREVA et publiées cet été.

Si l'accident de Fukushima réitère l'impératif absolu de sûreté pour l'industrie nucléaire, on peut imaginer que l'EPR étant reconnu internationalement comme le réacteur le plus sûr du marché, cette exigence de sûreté réitérée constituera un avantage compétitif pour la filière nucléaire française à l'export.

D'ici à 2030, PwC estime que la filière française pourra bénéficier de 30 000 emplois directs supplémentaires, à comparer aux 125 000 emplois sur la période. Les 410 000 emplois soutenus par la filière pourront se transformer en plus de 500 000 emplois, augmentation de 20 % qui vaut aussi pour la valeur ajoutée.

Toutes ces données correspondent au potentiel de la filière française à l'international. Bien évidemment, les choix de politique énergétique auront un impact sur la façon dont la filière française sera capable de réaliser ce potentiel. Jean-Paul Bouttes interviendra sur les conséquences de la sortie du nucléaire en France. Elles seraient importantes en termes d'augmentation de prix de l'électricité, d'impossibilité à satisfaire nos engagements climatiques, de dégradation de sécurité d'approvisionnement, de disparition d'un grand nombre d'emplois et de poursuite de la désindustrialisation de la France.

Je m'attacherai, pour ma part, à l'impact sur le potentiel de la France à l'export. La filière française, il faut le rappeler, est positionnée sur un très grand nombre d'appels d'offres à l'international et dans des négociations pour la fourniture de réacteurs EPR. C'est le cas au Royaume-Uni, où EDF a sélectionné l'EPR pour la construction de réacteurs, en Chine, où l'électricien CGNPC pourrait ajouter deux réacteurs supplémentaires sur le site de Taishan où deux EPR sont déjà en construction. C'est le cas en Inde, où nous sommes en train de finaliser nos négociations pour la fourniture de deux EPR pour le site de Jaitapur. L'EPR est aussi présent sur tous les appels d'offres en cours ou à venir, au Royaume-Uni, en Finlande, en Pologne, en République Tchèque, en Inde et en Afrique du Sud. Bien évidemment, la filière française se positionnera quand les appels d'offres démarreront dans un certain nombre de pays comme la Suède, la Hongrie, la Turquie, l'Arabie Saoudite, le Brésil ou le Vietnam.

Les choix nationaux ont nécessairement des conséquences à l'export. Nous sommes positionnés sur un grand nombre de ces appels d'offres. Si la France devait entrer dans une politique de désengagement manifeste, toute l'industrie française serait privée de ventes des réacteurs à l'export. Les électriciens qui nous sollicitent et font appel à notre technologie le font parce qu'ils savent que nous sommes en mesure de les accompagner dans la durée. Les durées sont longues, l'EPR étant construit pour être exploité pendant au moins 60 ans. Si nous devions annoncer un désengagement de la France du nucléaire, les électriciens ne nous feraient plus confiance de par le monde pour les accompagner dans la durée. C'est toute l'industrie française qui se trouverait menacée.

A l'opposé, des pays comme la Russie, la Chine, la Corée du Sud et l'Inde se mettent en ordre de bataille pour gagner des contrats à l'export. Ils le font sur la base de compétences que leurs industries sont capables d'acquérir, parce qu'elles les ont acquises sur leur marché national. A l'inverse, Siemens a pris la décision de sortir du nucléaire, conséquence partielle de la nature de son marché domestique, rendant cette entreprise peu crédible à l'export.

En conclusion, l'industrie nucléaire française a de belles perspectives à l'export, dans la mesure où les choix de politique énergétique les lui permettent.

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