Intervention de Jean-Paul Bouttes

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 17 novembre 2011 : 1ère réunion
Sécurité nucléaire et avenir de la filière nucléaire

Jean-Paul Bouttes :

Les chiffres que j'ai présentés, c'est un fait, n'incluent pas certains éléments qui, à mon sens, renforceraient l'opportunité de prolonger les centrales du parc existant, et je pense notamment à la prolongation de la durée de vie, donnée pas prise en compte. Plus fondamentalement, on imagine bien qu'un arrêt rapide d'une partie significative du parc français aurait un impact sur les prix du gaz et du CO2. L'essentiel des surcoûts que j'ai évoqués sont surestimés. De fait, nous avons refusé d'entrer dans cette problématique.

Cela dit, je souhaite revenir sur quelques questions de M. Cochet. S'agissant des emplois, je crois très important, comme économiste, de distinguer la maîtrise de la demande d'énergie du photovoltaïque. Il ne s'agit pas du tout du même type d'emploi, ni du même type de situations pour la France. Pour le dire rapidement, je suis complètement d'accord pour reconnaître avec vous le point relatif à la maîtrise de la demande d'énergie et d'électricité. Un potentiel économiquement accessible et des emplois locaux ? C'est du gagnant/gagnant. Or aujourd'hui, le photovoltaïque est bien plus cher et n'est pas économique en France. De surcroît, le contenu en emploi pour les technologies qui lui sont relatives se délocalise en Asie. C'est vrai aussi pour l'Allemagne, où les grands opérateurs sont en train de faire faillite, pour se délocaliser en Asie. Pour autant, il ne faut pas baisser les bras. Je fais partie de ceux qui sont convaincus qu'une partie de notre avenir se joue sur ce point, et j'y travaille depuis une dizaine d'années. On dépense autant en investissement dans les énergies renouvelables que dans le nouveau nucléaire. J'ai visité lundi dernier un laboratoire du CNRS où l'on prépare les technologies de demain. Un des points clés est de parvenir à trouver de nouvelles technologies renouvelables, qui ne soient pas trop chers, et dont le contenu en emploi soit tel qu'elles ne seront pas délocalisées en Asie, dès lors que les brevets seront prêts.

Le mensonge ? Je n'ai pas le sentiment d'avoir cherché à mentir. S'agissant des emplois, je suis d'accord qu'il y a débat, et j'ai été macroéconomiste. Mes propos rapides prennent appui sur de très nombreuses études d'économistes, qui mettent toutes en avant deux idées simples. La première est qu'un dispositif beaucoup plus cher, qui entamerait la compétitivité du pays, équivaudrait à un choc pétrolier, et ne manquerait pas d'avoir un impact fort sur le pouvoir d'achat et les emplois. La deuxième est que si l'on développe des technologies utiles pour la vie de la cité, dont l'essentiel des emplois sont créés ailleurs que dans un pays donné, il y aura un impact.

S'agissant du démantèlement, je ne suis absolument pas d'accord avec les propos de MM. Dessus et Laponche, pas plus que l'ensemble de la communauté des économistes. Le coût du démantèlement est estimé pour nous à 15 % du coût d'investissement de nos centrales, soit 15 milliards d'euros, qui seront dépensés à la fin de la durée de vie, soit 0,5 euro par mégawattheure en prenant pour base une durée de vie de trente ans. En Angleterre, on le sait bien, le prix du démantèlement est cinq à six fois plus cher, car il y a cinq ou six fois plus de matières à traiter. Pour avoir été impliqué dans la communauté du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), j'observe le même type de fonctionnement dans les communautés scientifiques d'économistes. Cette communauté existe, des voix différentes s'y expriment, ce dont on ne peut que se féliciter. Mais sur ce point, le consensus est plutôt la règle. De la même manière, le coût des assurances est peut-être de l'ordre de 2 à 3 euros par mégawattheure, le point clé étant qu'un Fukushima ne puisse pas se produire chez nous. Telle est bien notre conviction, et c'est la raison pour laquelle nous poursuivons dans cette voie et nous travaillons sur des tests de résistance. Un accident sérieux peut toujours arriver, mais pas avec les conséquences qu'on a observées au Japon.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion