Intervention de Christian Bataille

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 17 novembre 2011 : 1ère réunion
Sécurité nucléaire et avenir de la filière nucléaire

Christian Bataille, député :

Ce matin, nous avons pu juger de l'importance de la filière nucléaire pour notre économie et la maîtrise de nos émissions de CO2 qui, je le rappelle, sont de 3 à 4 fois inférieures à celles de nos voisins allemands et danois par kilowatt produits. Ce qui s'est dit ce matin quant aux empreintes carbones qui seraient plus dramatiques en France qu'en Allemagne, ne me paraît ainsi pas crédible, sauf à tordre les chiffres. La filière nucléaire représente pour notre pays un atout industriel majeur. Elle reste, après l'accident de Fukushima, pourvoyeuse d'activité économique, d'exportation et d'emploi. Certains nous décrivent un avenir radieux, où, après l'abandon de notre industrie nucléaire, les emplois bien réels perdus se trouveraient opportunément compensés par d'autres, encore hypothétiques, dans le secteur des énergies renouvelables.

Pour ma part, je suis convaincu de la nécessité de continuer à bâtir de véritables filières industrielles créatrices d'emploi dans des secteurs comme l'éolien ou le solaire. A l'occasion de notre prochaine et dernière audition, le 24 novembre, nous pourrons d'ailleurs mesurer les efforts réalisés en ce sens dans notre pays. Pour autant, je ne pense pas que nous devions lâcher la proie pour l'ombre en renonçant, sans aucune garantie de compensation, à l'un des fleurons de notre industrie nationale.

Dois-je rappeler, à ce sujet, les difficultés qui touchent, depuis quelques mois, l'industrie photovoltaïque européenne face à la concurrence chinoise ? C'est le cas en France, avec le dramatique dépôt de bilan de la société Photowatt. Mais c'est aussi le cas en Allemagne, où les résultats d'entreprises telles que Q-Cells et SolarWorld - entreprises qui nous étaient encore tout récemment présentées comme des symboles de la réussite industrielle allemande dans ce secteur - viennent littéralement de s'effondrer. La position de premier plan de notre filière nucléaire fait incontestablement l'envie de nombreux concurrents étrangers, en Asie comme en Amérique, mais aussi en Russie. Si demain, pour des motifs de courte vue, nous devions prendre, contre nos propres intérêts nationaux, une décision d'arrêt de nos installations nucléaires, ces concurrents en tireraient mécaniquement les bénéfices sur nos marchés d'exportation.

Compte tenu de l'importance des intérêts en jeu, des milliards en exportations et des milliers d'emplois, il serait naïf de considérer que ces concurrents étrangers ne s'intéressent pas de très près au débat en cours sur l'avenir de notre production énergétique. Aussi devons-nous, plus que jamais, rester vigilants sur ces questions et exiger que l'ensemble des conséquences pour nos concitoyens des décisions qui pourraient être prises leur soient présentées en toute transparence, et non avec un a priori idéologique, comme cela est malheureusement trop souvent le cas.

A cet égard, l'abandon annoncé, supposé, du chantier du réacteur EPR à Flamanville, constituerait une décision particulièrement dommageable. Ce réacteur, de conception franco-allemande, représente en effet non l'avenir, mais le présent de notre filière nucléaire. Le problème de retard et de surcoût des deux têtes de série française et finlandaise ne remet d'ailleurs aucunement en cause la conception de l'EPR, comme le montre l'exemple des deux unités construites en Chine dans les délais annoncés.

Nous ne reviendrons pas sur ce réacteur de troisième génération que nous avons déjà eu l'occasion d'étudier de près, au cours de la première partie de notre mission, dont le rapport a été déposé fin juin. J'en présenterai donc ici les principales caractéristiques. S'il reprend le principe des réacteurs de deuxième génération équipant le parc français, le réacteur à eau pressurisée EPR offre de nouveaux dispositifs de sûreté, tels qu'une double enceinte de confinement, un récupérateur de corium et quatre systèmes indépendants de refroidissement. A l'exportation, dans le contexte de l'après Fukushima, il permet, mieux qu'aucun modèle concurrent, de répondre aux attentes des pays souhaitant s'équiper de nouveaux réacteurs présentant un haut niveau de sûreté.

En France, l'autorité de sûreté nucléaire a, quant à elle, déjà fixé pour les nouveaux réacteurs, tout comme pour la prolongation de ceux déjà construits, l'exigence du respect des objectifs de sûreté associés à la conception du réacteur EPR. Si les réacteurs les plus anciens ne pouvaient être prolongés, le réacteur EPR deviendrait ainsi leur remplaçant naturel.

Quant à l'abandon du procédé du recyclage, il correspondrait à la perte d'une technologie dans laquelle la France tient la première place mondiale. Qui plus est, elle hypothéquerait les perspectives de séparation et de transmutation des déchets nucléaires de haute activité, qui permettent d'envisager une réduction de leur radioactivité et de leur durée de vie. Pourtant, même les écologistes allemands n'ont pas voulu remettre en cause l'utilité des recherches dans ce domaine. Une décision d'arrêt des centrales ne fait en effet pas disparaître comme par enchantement le problème de gestion des déchets auquel je me suis beaucoup consacré depuis deux décennies.

La table ronde de cet après-midi traitera de l'avenir de la filière nucléaire, et sera l'occasion de nous intéresser au réacteur de quatrième génération et, au-delà, à la fusion nucléaire, à travers le projet ITER.

Je donne d'abord la parole à M. Sylvain David, de l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules au CNRS, membre de notre comité d'experts, qui va nous expliquer les enjeux des réacteurs nucléaires de quatrième génération.

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