Intervention de Olivier Cottet

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 3 novembre 2011 : 1ère réunion
Evolution de la consommation électrique et économie d'énergie

Olivier Cottet, directeur marketing et filières du programme HOMES, Schneider-Electric :

J'en reviens aux travaux sur les systèmes techniques et leur pilotage, et, plus particulièrement, à la dimension humaine. Deux situations extrêmes sont catastrophiques : d'une part, le bâtiment entièrement manuel est énergivore, d'autre part, un bâtiment entièrement automatisé est anxiogène et génère de fortes insatisfactions. Le bon compromis est un individu, au centre du bâtiment, qui décide de son environnement perçu, les éléments techniques du bâtiment optimisant les consommations, le confort et les systèmes. Pour donner ce pouvoir à l'usager du bâtiment, il faut aussi lui donner le retour des conséquences de ses actes, le faire passer de la connaissance à la conscience. Imaginons que cette pièce soit en surconsommation. De quel moyen disposons-nous pour agir ? D'aucun. Si l'on veut entrer dans l'occupation, il faut donner les moyens d'agir et l'information.

Il s'agit de passer d'un statut de consommateur à celui de « consomm-acteur », dans le résidentiel comme dans le tertiaire. Soit l'exemple de la gestion d'un hôtel. Sur dix gestionnaires d'hôtels, tous m'ont dit qu'ils ne toucheraient pas au confort de leurs clients, à l'eau chaude, à l'éclairage et au chauffage. Je leur ai présenté une argumentation sur les usages du bâtiment : chambres, restaurant, buanderie, etc. Six m'ont dit qu'il y avait là des postes sur lesquels ils pouvaient travailler. Une même information, présentée de manière différente, n'induit pas le même comportement. Parler de comportements et de responsabilité, cela s'instrumente, en donnant les outils de compréhension et les moyens d'action.

Comment passer de la théorie à la réalité ? Le programme Homes a travaillé sur cinq bâtiments en exploitation, dans la vraie vie, en les instrumentant intégralement pour mesurer les consommations et le confort. Il a pris en compte des bâtiments du XIXe siècle, d'avant 1975, des années 90 ou tout neuf, sous quatre climats différents, plusieurs systèmes énergétiques et secteurs d'activité. Mesurer les performances énergétiques d'un bâtiment, ce n'est pas seulement mesurer les consommations, mais aussi leurs usages. L'ensemble des données recueillies a permis d'établir des tableaux de bord, que l'on testera l'an prochain, pour savoir s'ils permettent de changer les comportements. Surtout, il s'agissait de travailler sur le simulateur de bâtiment existant, celui de la vraie vie, qui permet de reproduire les consommations énergétiques et le confort des bâtiments, sur lequel nous avons évalué le potentiel des algorithmes mis au point par les chercheurs.

Les résultats sont d'ores et déjà significatifs. Pour le résidentiel, on atteint 23 % d'économies d'énergie, pour les bureaux, 36 %, pour les écoles 56 % et sur les deux hôtels testés 30 et 37 %. Ce sont des résultats significatifs, seulement en travaillant à réduire la demande dans les locaux, adapter le confort, l'usage à la présence et l'activité des gens qui y vivent.

En extrapolant ces résultats sur l'ensemble du parc européen, soit 30 000 millions de m², on constate que les trois leviers que sont le travail sur le bâti, sur les équipements et sur la manière dont on s'en sert, ont le même potentiel de gain. Celui-ci ne s'applique pas de la même manière selon les secteurs. Sur un bâtiment occupé de façon permanente, il vaut mieux travailler l'isolation et le rendement des machines. Pour un bâtiment occupé seulement quelques heures, il vaut mieux travailler sur les modes de contrôle.

Par secteur d'activité, on s'aperçoit que la performance est d'autant plus forte que les bâtiments sont cloisonnés, ce qui suppose d'identifier des zones de bâtiments inutilisés ou mal utilisés. Pour des bâtiments mal cloisonnés, dans le commerce ou la logistique, il s'avère préférable de travailler sur le rendement des machines.

Nous avons enfin travaillé sur une maquette numérique résidentielle, soit un laboratoire virtuel dans lequel on peut faire varier l'intégralité du paramètre d'un bâtiment. Un premier exercice a consisté à tester trois enveloppes différentes : types qualité 80, RT 2005 ou 2012. Sans système de contrôle, on constate que l'amélioration de l'enveloppe fait progresser la consommation énergétique des bâtiments.

Le deuxième exercice a ajouté les fonctions de contrôle développées par Homes. Quelle que soit la qualité de l'enveloppe, on s'aperçoit que le potentiel de gain est à peu près le même. On gagne 40 % sur chacun des types de bâtiment, que ce soit sur le bâtiment des années 80 ou celui de type RT 2012. Avec le contrôle actif, et c'est paradoxal, on atteint un certain niveau où l'amélioration de l'enveloppe ne sert plus à rien, tout se passant comme si tous les plus gros gains se faisaient sur les premiers éléments de travaux. Nous en tirons une conséquence pour le parc existant : l'ordre dans lequel on mène les opérations d'amélioration n'a pas d'importance. On peut commencer par isoler, contrôler la présence ou changer les équipements, peu importe, étant entendu qu'il est préférable de jouer sur les trois piliers plutôt que d'en saturer un.

Nous tirons enfin de l'exercice plusieurs constats. En premier lieu, les gens réfléchissent à la consommation globale de leurs bâtiments, bref, ont en tête leur facture. En deuxième lieu, des travaux sont développés sur l'ensemble des bâtiments existants de par le monde, bien souvent malgré l'existence de réglementation. Les deux moteurs du marché sont actuellement les économies d'énergie, le rendement des capitaux investis sur les bâtiments, mais aussi les investissements pour diminuer l'empreinte carbone, extraordinaire moteur de développement sur le marché. Du coup, nous recommanderions que la mesure de la performance énergétique du site sur l'ensemble des postes de consommation soit le coeur qui permette de travailler sur l'optimisation. Pour inciter, enfin, à l'amélioration en pourcentage, plutôt qu'en valeur absolue, nous observons que la diversité des bâtiments est extraordinaire. Deux bâtiments ne sont pas identiques. Il suffit qu'il existe un restaurant d'entreprise, que l'informatique soit externalisée ou internalisée, pour disposer d'objectifs de consommation totalement différents, le meilleur référentiel d'un bâtiment étant lui-même. J'ajoute enfin que 93 % des bâtiments non résidentiels en Europe sont d'une superficie inférieure à 1 500 m². Ajouter une barre de rénovation ? Il n'y aura pas d'effets.

J'en viens à quelques recommandations techniques pour le neuf. On construit aujourd'hui des bâtiments très performants, où les occupants ne peuvent pas éteindre leur chauffage, un seul système ayant été mis en oeuvre pour les zones jour et nuit. Dans le même ordre d'idées, la surventilation inutile est responsable d'un quart du gaspillage des bâtiments en Europe. Il est donc essentiel de construire des bâtiments pilotables. Par ailleurs, il faut bien dissocier la qualité intrinsèque du bâti et la performance énergétique du site, en mettant en avant le besoin énergétique, pour ne pas induire des frustrations et des insatisfactions. Une norme a été élaborée sur les systèmes de contrôle technique du bâtiment, donnant des classes d'efficacité en fonction de la granulométrie des différents locaux, chaque bâtiment devant être en mesure de contribuer au marché de capacité. Avec des systèmes de contrôle de mesure, on est capable à tout instant d'affirmer que tel ou tel bâtiment est susceptible d'effacer 25, 30 ou 40 kWh en conservant les services rendus de manière optimisée.

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