Intervention de François Grémy

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 3 novembre 2011 : 1ère réunion
Evolution de la consommation électrique et économie d'énergie

François Grémy, délégué général, COPREC :

Je représente la COPREC et la fédération des sociétés tierce parties de contrôle et de certification, qui regroupe les leaders mondiaux en la matière, soit 175 000 salariés dans le monde, répartis sur 140 pays. Nos métiers concernent l'évaluation de conformité dans tous les secteurs d'activité. Par exemple, nous contrôlons 95 % du parc automobile en France dans le cadre du contrôle technique automobile, les centrales nucléaires et 70 % des ascenseurs.

Dans le secteur de la construction, nous réalisons des missions de contrôle de certification et d'assistance à maîtrise d'ouvrage. La nature même de l'existence de notre société est l'indépendance. Au titre de notre mission de contrôle construction, nous sommes missionnés par les pouvoirs publics, les ministères qui nous donnent un agrément pour contrôler si les dispositions en phase de construction ont été prises, tant sur la solidité des ouvrages, la sécurité incendie, l'accessibilité que dans bien d'autres domaines. Cela nous permet de disposer d'une vision globale sur l'ensemble des bâtiments en France, étant entendu que nous en contrôlons environ 90 %. Cette situation nous permet d'effectuer des remontées d'information régulières auprès des pouvoirs publics sur l'efficacité réelle, ou pas, de certaines dispositions législatives ou réglementaires.

S'agissant du sujet du jour, nous sommes dans une phase préalable à la mise en application réelle de la RT 2012. Nous ne pouvons pas effectuer des remontées de terrain. Néanmoins, l'enjeu repose pour nous essentiellement sur l'efficacité et la crédibilité des mesures engagées auprès des pouvoirs publics pour améliorer la performance énergétique des bâtiments. D'importantes dispositions ont été prises dans le cadre de la RT 2012 dans l'acte de construire, dont on peut distinguer la phase de programmation, de conception, d'exécution et de réalisation. Si nos efforts portent uniquement sur l'acte de construire, et non sur l'usage quotidien du bâtiment, qui représente pourtant 95 % de sa durée de vie, l'efficacité de ces mesures en phase construction pourrait être fortement altérée.

C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'une attention particulière devrait être portée dès à présent au suivi continu des bâtiments, sur la base d'une consommation réelle et non conventionnelle. Cette mesure réelle deviendrait alors un indicateur irréfutable, qui nous permettrait d'assurer un niveau de performance énergétique continu, voire de l'améliorer. Une consommation conventionnelle se distingue d'une consommation réelle sur plusieurs points. Les appareils d'usage, notamment l'électroménager, ne sont pas pris en considération. Or le taux d'équipement depuis trente ans est en constante croissance, même si l'on constate une amélioration de la consommation de ces mêmes équipements. Par ailleurs, l'usage standard de la température est fixé à 19 degrés. Si l'occupant souhaite augmenter, pour une raison de confort minimal, cette température d'un degré, l'impact sur la consommation d'énergie pourrait, même après rénovation, varier, selon la qualité du bâtiment, de 3 à 15 %. A titre de comparaison, l'écart entre la consommation conventionnelle et la consommation réelle des bâtiments est de même nature que l'écart entre la consommation théorique d'une automobile en condition d'essai et la réalité de son usage.

Nos observations sur l'importance d'une mesure réelle et l'objectif d'une performance mesurée sont de trois ordres, qui relèvent plutôt du bon sens que des éléments techniques. Le premier est le déficit de perception de la part des propriétaires occupants et des maîtres d'ouvrage. Si les factures des occupants s'éloignent des estimations théoriques affichées dans le cadre de l'attestation RT 2012, l'occupant, dès l'entrée dans son habitation, aura un ressenti négatif sur l'efficacité des travaux. Ce ressenti sera d'autant plus fort que l'occupant est le propriétaire, ayant accepté d'investir, dans un contexte économique compliqué. N'oublions pas que les citoyens n'ont pas encore été associés à ce dispositif de performance au même niveau que les professionnels. Leur première approche, avec la performance énergétique, sera d'appréhender ce sujet très complexe, le comprendre, payer, avec des surcoûts prévisibles, de constater que les factures sont plus élevées que les estimations, sans compter que des recours seront probablement engagés.

Ce premier enjeu débouche sur un second enjeu : le risque de rupture de dynamique. Les pouvoirs publics envisagent de faire évoluer la RT 2012 vers la RT 2020 pour améliorer les performances de l'ensemble des bâtiments. Pour cela, il faut conserver une dynamique générale de la part de tous les acteurs. Or, le déficit de confiance peut enrayer cette dynamique engagée, et affecter la mise en oeuvre des ambitions à long terme, telles que la RT 2020. A notre sens, la confiance doit être au coeur de nos priorités, car c'est l'ensemble des acteurs politiques, professionnels et citoyens qui garantiront la réussite de cette évolution. C'est ainsi que les diagnostics de performance énergétique (DPE) souffrent d'une communication négative. Inverser la tendance, même en modifiant les textes réglementaires, reste très compliqué sur le terrain, le déficit de crédibilité étant bien ancré.

Un autre enjeu : le risque d'une efficacité déclinante. Outre le comportement des usagers, évoqué à maintes reprises, il faut mentionner l'usure des bâtiments, des installations et des équipements qui peuvent influer fortement sur la consommation d'énergie. C'est la raison pour laquelle il importe d'assurer un suivi régulier, pour identifier les aléas, afin d'assurer la pérennité de la performance après travaux. Des dispositifs très hétérogènes existent aujourd'hui : contrat de performance énergétique, certification HQE, etc. Ils restent associés à une démarche volontaire, non universelle, sur des calendriers relativement courts.

Aussi souhaitons-nous faire passer un seul message : pour avancer dans ce dispositif lié à la performance, il nous paraît utile de réfléchir à la mise en place d'un suivi, quels que soient les acteurs, durant les 95 % de la durée de vie du bâtiment, de manière à conserver et accroître la confiance de l'ensemble des parties prenantes. Il nous paraît aussi essentiel de tendre à l'amélioration de la performance énergétique ou de la garantir sur le long terme. Tel est notre message principal, dont les détails techniques pourront être discutés dans des groupes de travail idoines.

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