Intervention de Robert Durdilly

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 3 novembre 2011 : 1ère réunion
Evolution de la consommation électrique et économie d'énergie

Robert Durdilly, président de l'Union française de l'électricité (UFE) :

Comme vous l'avez rappelé, nous avons lancé une étude en début d'année. L'UFE, je le rappelle, rassemble des producteurs, commercialisateurs d'électricité qui interviennent en France, mais aussi les gestionnaires de réseaux que sont RTE et RTF. Nous avons donc un panel assez large de tout le secteur électrique, qui nous permet de conduire des études assez approfondies, avec des angles de compétences et de préoccupations complémentaires, gage de robustesse de nos approches.

Nous avions anticipé que la question du bouquet électrique serait un sujet important, notamment dans le cadre du débat préalable à l'élection présidentielle, l'accident de Fukushima ne faisant que renforcer cette exigence de débat et d'interrogation autour de la place du nucléaire. Nous avons engagé cette étude avec un horizon de temps à 2030, les solutions technologiques à cet horizon étant déjà connues et éprouvées. Nous avons eu l'ambition de traiter à la fois le volet production et consommation, en essayant d'évaluer chaque scénario avec ses conséquences en matière d'investissements, très lourds sur la période, mais aussi en matière d'émission de CO2, d'approche climat/énergie, d'indépendance énergétique, de sécurité d'approvisionnement et de balance des paiements.

Il s'agit d'une approche globale qui vise à la fois les aspects de production, de réseau de transport, de distribution, de commercialisation, mais aussi l'approche sur les énergies renouvelables. Nous en diffuserons les conclusions la semaine prochaine, et je n'en mettrai en avant que quelques éléments. Je me concentrerai sur le volet consommation, étant entendu que nous nous sommes basés sur trois scénarios très contrastés, d'une situation tendancielle que l'on connaît aujourd'hui, le nucléaire y occupant 70 %, jusqu'à un scénario de sortie partielle du nucléaire, avec un poids du nucléaire à l'horizon de 2030 de 20 %.

S'agissant de la croissance de la demande, nous sommes partis des 490 TWh de 2010, corrigés de l'aléa climatique, point de départ sur lequel nous avons projeté trois grandes évolutions. La première est une évolution de transfert d'usage. Lorsque le mix électrique est peu carboné, on a intérêt à déplacer les usages du fuel vers l'électricité, sujet qui renvoie au thème emblématique du véhicule électrique, qu'il soit individuel ou collectif. Il renvoie aussi aux pompes à chaleur en substitution des chaudières fuel, ou, dans le domaine industriel, à des pompes à chaleur industrielles ou toute une série d'applications où l'on gagne à convertir les moteurs industriels vers l'électricité.

Voilà une première donnée qui tend à augmenter la consommation électrique, en substitution d'une énergie fuel.

Deuxième facteur d'évolution : la croissance de la demande, très corrélée à l'activité économique. Les scénarios en la matière évoluent entre 1%, 1,5 % et 2,5 % de croissance, en prenant en compte le développement des nouvelles technologies.

Quant à la maîtrise de l'énergie (MDE), c'est un sujet central. En la matière, nous avons retenu comme hypothèse de référence l'atteinte, à 50%, des objectifs du Grenelle de l'environnement.

Avec ces trois facteurs d'évolution, nous parvenons, à l'horizon 2030, à 570 TWh, soit une légère évolution de 0,8 % par an de 2010 à 2030. Même en faisant beaucoup d'efforts, avec un scénario atteignant 100 % des objectifs du Grenelle de l'environnement, nous sommes toujours en progression de consommation. A l'heure où une directive européenne prévoit une baisse de 1,5 % par an, les enjeux, on le voit, sont très lourds, la faisabilité de ce type d'objectifs devant être appréciée autrement que par une décroissance.

Mais notre approche porte aussi sur la puissance. Dans le système électrique actuel, la puissance croît plus vite que la consommation. Pour faire simple, 1 % d'augmentation de consommation correspond à environ 2 % d'augmentation de la puissance de pointe. Au total, donc, notre scénario met en avant un besoin supplémentaire de 30 GW en pointe si rien n'est fait. Toutes les actions de maîtrise de la demande d'énergie (MDE) contribuent à la maîtrise de la puissance, notamment celle visant à supprimer les ampoules à incandescence par des ampoules à économie d'énergie, qui représente une grande partie de la maîtrise de la puissance.

J'en reviens à l'hypothèse des 50 %. Elle repose sur un constat simple. Nous avons examiné, action de MDE par action de MDE, compte tenu des prix de l'énergie, les temps de retour des actions. Bien évidemment, on observe une grande dispersion. La moyenne de ces temps de retour est supérieure à vingt ans. Nous avons pris comme hypothèse les actions dont le temps de retour serait inférieur à quinze ans, en supposant que des dispositifs d'incitation complémentaires seraient mis en oeuvre. En gros, on atteint 50 % des objectifs du Grenelle.

Nous sommes allés plus loin, pour évaluer où la France en est par rapport aux objectifs et aux dispositifs existants, notamment les certificats d'économie d'énergie. S'agissant des gisements, notre étude s'est nourrie du retour d'expérience des certificats d'énergie, qui constitue une base de données très utile pour évaluer le coût et les effets bénéfiques de chacune de ces actions. Ce faisant, nous avons réévalué l'ensemble du potentiel, toutes énergies confondues. Nous avons mis en évidence des décalages entre les objectifs du Grenelle et le gisement possible. En résidentiel, nous étions plutôt au-dessus, avec un objectif de l'ordre de 150 TWh, pour un gisement théorique de l'ordre de 120 TWh. Pour le tertiaire, le sens est inverse. Il y a donc une question autour du calage de ces objectifs par rapport au potentiel réel, même si, pour le bâtiment, l'objectif global est à peu près calé par rapport au potentiel.

Une fois qu'on a défini un objectif cohérent, quelle chance a-t-on de l'atteindre ? Sur ce point, nous avons effectué une approche type d'action par type d'action, pour essayer d'évaluer l'efficacité propre de l'action, et le retour de cette action, en prenant un taux d'actualisation de 10 %. On a ainsi mis en lumière trois grandes catégories d'actions : celles naturellement rentables, celles économiquement pertinentes, raisonnablement accessibles, étant entendu qu'il faut un euro d'aide pour un euro investi, et celles plutôt hors de portée, compte tenu de l'état des technologies, nécessitant dix euros d'aides pour un euro investi. Sur ce type d'action, la priorité est de mettre l'accent sur la R&D pour faire baisser le coût des technologies correspondantes. C'est le cas de l'isolation des fenêtres ou des combles habitables.

Ce faisant, nous avons quelques messages simples. Il est d'abord important de bien donner la priorité aux actions de MDE efficaces. Le dispositif de certificat d'économie d'énergie, même s'il a permis de démarrer, apparaît complexe et pointilleux, et pas à la mesure des enjeux qui sont devant nous. Le système repose aujourd'hui essentiellement sur les fournisseurs, et l'on voit bien qu'il ne s'agit pas d'une question que les fournisseurs maîtrisent. Il faut faire baisser les coûts des équipements, structurer une filière de fabrication des équipements qui soit compétitive, structurer les filières d'installation en aval, la qualité de la réalisation et le meilleur coût de réalisation étant prépondérant pour que ces actions de MDE se traduisent efficacement. Il faut enfin avoir une action sur les comportements en incitant les propriétaires à agir.

Tels sont quelques éléments de réflexion que je souhaitais évoquer pour avoir une politique de MDE ambitieuse et la plus efficiente possible, à l'heure où l'on se préoccupe de manière de plus en plus aiguë des investissements et des mesures d'aides publiques à des hauteurs très significatives. Pour les objectifs MDE du Grenelle de l'environnement les investissements sont évalués à 150 milliards d'euros, un chiffre considérable. Il est donc primordial d'avoir une approche centrée sur l'efficacité et l'efficience de chacune des actions.

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