Intervention de Philippe Watteau

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 3 novembre 2011 : 1ère réunion
Evolution de la consommation électrique et économie d'énergie

Philippe Watteau, adjoint au directeur de la recherche technologique, CEA :

Je vous propose d'aborder, au travers du partenariat entre Renault et le CEA, les principaux défis posés par le véhicule électrique ainsi que les apports du CEA et de la recherche française en matière d'innovation, pour aider notre industrie nationale à se positionner comme leader sur ce marché.

Je traiterai d'abord du coeur du véhicule électrique, les batteries, puis de ses autres dimensions, ce véhicule étant une nouvelle approche de l'automobile.

Premièrement, les batteries. En la matière, il n'existe pas de batterie miracle, qui révolutionnera l'automobile pour en faire un véhicule universel. De fait, il existe différents types de batteries, tout comme il existe différents types de moteurs thermiques, diesel, à essence, avec plusieurs niveaux de cylindrés. De même, il existera différents types de véhicules électriques pour différents usages. Vous mentionnez la Kangoo ZE pour le secteur public : elle répond à certains types d'usage. Les constructeurs, notamment Renault, offrent déjà une gamme qui répond à différents besoins.

Pour ces différents usages, différents types de batteries vont se développer. C'est un point essentiel. Le partenariat entre la recherche française, via le CEA, et l'automobile, se fait au travers d'un cahier des charges technico-économique très précis, qui répond au besoin d'un constructeur français et à celui de ses clients. C'est ainsi qu'une batterie présente une certaine durée de vie, un coût, une autonomie.

Pour autant, des défis sont assez partagés au sein de la communauté automobile de recherche. Le premier défi est celui de la sécurité. Un véhicule à moteur thermique peut toujours prendre feu et comporte toujours un certain degré de dangerosité. Cela dit, pour des véhicules innovants, comme le véhicule électrique, la sécurité s'avère encore plus importante. Ainsi, les explosions dans des parkings de véhicules GPL ont cassé le marché. Il faut donc éviter à tout prix cet effet pour le véhicule électrique.

Nous avons donc un point d'attention très poussé sur la sécurité. La chimie constitue une partie de notre réponse. Le CEA dispose ainsi de brevets pionniers au plan mondial sur le fer/phosphate, solution très sûre sur le plan chimique, par opposition à d'autres, comme le cobalt, susceptible de s'enflammer facilement.

Le deuxième défi est celui de l'autonomie. Un véhicule électrique doit non seulement être sûr, mais aussi pouvoir rouler sur une certaine distance. En matière de recherche, dans les laboratoires du CNRS comme du CEA, des performances intéressantes, de 250 à 280 km d'autonomie, sont atteintes. La question est celle du passage à l'échelle industrielle : passer de la construction de batteries en laboratoire et en petite quantité à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires. En la matière, la filière industrielle joue un rôle essentiel. Il faut être capable de produire les matières premières, notamment les poudres, à grande échelle, pour assurer une production de batteries en grande quantité, défi qui prendra plusieurs années.

On a parlé du temps politique et du temps énergétique. Au moins trois années sont nécessaires pour passer du laboratoire au stade industriel. Le CEA est aujourd'hui en mesure de produire des batteries à plusieurs centaines d'unités. Mais avant que l'usine de Flins produise des tranches de 10 000 batteries, il faudra passer à un stade pré-industriel de 3 à 4 000 unités : c'est la prochaine étape qui se présente devant nous, les résultats en laboratoire étant intéressants.

Le troisième défi est celui de la durabilité. Quelle est la durée de vie de ces batteries ? C'est la grande question. Imaginez des batteries de 300 kilomètres d'autonomie seulement les deux premières années, autonomie suivie ensuite par une décroissance. Une telle innovation serait de peu d'intérêt, surtout dans le modèle économique de Renault, où la batterie est louée. Le client de Renault, je le rappelle, paye 80 € par mois pour un véhicule électrique. Dès que la batterie n'est plus performante, le constructeur la remplace. La transparence est assurée pour le consommateur, pas pour le constructeur. Voilà pourquoi la durabilité est un critère fondamental, une batterie devant durer dix ans. Du coup, la question du coût de la batterie est directement liée à celle de sa durée de vie.

Le dernier défi est celui du recyclage, ou plutôt de l'éco-conception. Sur ce point, il s'agit d'intégrer en amont la possibilité de recycler facilement la batterie. Aussi les cellules doivent-elles être conçues en amont, pour que les batteries soient facilement recyclables en aval. L'objectif est de mettre au point des batteries 100 % recyclables. Cela ne signifie pas pour autant qu'elles seront recyclées à 100 %. C'est la raison pour laquelle j'insiste sur l'éco-conception et l'importance de l'intégration en amont de la facilité de recyclage.

De manière transverse, nous disposons de deux leviers forts d'innovation. Le premier touche aux matériaux, domaine qui relève de la recherche amont, des sciences de la matière et des grands équipements, type Synchrotron. Il s'agit d'exacerber les propriétés de la matière pour qu'elle donne le meilleur d'elle-même afin d'assurer l'autonomie, mais aussi la sécurité, de bien comprendre l'organisation des atomes pour que la batterie soit la plus performante. C'est une première rupture de type amont, qui impliquera beaucoup le CNRS et les grands équipements.

Le deuxième levier touche aux systèmes, à la gestion intelligente de la batterie. Aussi va-t-on placer des capteurs sur cette batterie, pour savoir comment elle évolue dans le temps, puis une couche d'intelligence pour modéliser sa situation. Il s'agit de répondre à deux questions simples : quelle est la taille et le niveau de mon réservoir, de manière à fournir des informations constantes au client ? Cette intégration système interne à la batterie, permettra d'en connaître l'état mais sera aussi une interface très forte avec le véhicule électrique.

J'en viens à mon deuxième point, en soulignant d'abord qu'un véhicule électrique doit avant tout être très économe en énergie. Plus il est économe en énergie, plus la batterie autorisera une autonomie et des prestations maximales.

Trois leviers sont identifiés à cette fin. Le premier est le poids. Un véhicule classique pèse 1,4 tonne, poids peu compatible avec l'utilisation de batteries. Renault travaille donc fortement sur la réduction du poids, l'idéal étant de passer à 800 kg. L'enjeu porte alors sur la sécurité des voitures, de passer d'une voiture dotée de moyens en sécurité passive, à des moyens de sécurité active, pour éviter l'accident. Cela suppose des dispositifs de communication, de véhicule à véhicule, et de véhicule à infrastructure, pour minimiser les accidents. Par ce biais, on réduira l'arsenal de sécurité passive.

Le deuxième levier est la consommation des auxiliaires. On a parlé de chauffage et de climatisation pour le bâtiment. La problématique est la même pour un véhicule électrique. En la matière, il faut trouver des moyens de chauffage et de climatisation qui soient bien plus en rupture, pour ne pas pomper sur la batterie pour chauffer et mettre de la climatisation dans le véhicule.

Le troisième levier est de donner au véhicule des capacités à s'autocharger. Il existe ainsi différents moyens de récupération d'énergie, au freinage, notamment, les petits ruisseaux pouvant faire de grandes rivières. Aussi sommes-nous en train de développer des technologies pour que la voiture puisse se charger au maximum.

Pour conclure, le partenariat Renault/CEA a été signé en 2010. Nous nous sommes donné cinq ans pour élaborer la deuxième génération de véhicules électriques avec de nouvelles batteries. Nous sommes sur la bonne voie, avec une dynamique de brevets très importante, de l'ordre de cinquante par an, la capacité à générer de l'innovation et à la protéger étant un point essentiel dans la compétition mondiale. Nous avons également engagé un travail sur l'articulation entre le véhicule et les smartgrids, notamment au travers de bornes de recharge intelligentes, capables d'articuler au mieux des capacités de stockage des véhicules par rapport au réseau.

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