Intervention de Didier Marginedes

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 3 novembre 2011 : 1ère réunion
Evolution de la consommation électrique et économie d'énergie

Didier Marginedes, conseiller du président du Groupe Bolloré :

Nous avons en effet développé une filière de batteries qui nous est propre, et je remercie l'intervenant précédant pour son cours de chimie et de nous avoir rappelé l'importance de la capacité, de la puissance de la batterie, comme de sa durabilité, son recyclage ou sa sécurité, points sur lesquels nous travaillons depuis une quinzaine d'années. C'est parce que nous sommes parvenus à un certain stade de performance que nous avons été retenus pour le projet Autolib, avec lequel la présence de véhicules dans les rues va devenir une réalité.

Ce projet a été lancé sur fonds propres voilà une vingtaine d'années. C'est la raison pour laquelle je n'avais pas répondu à votre invitation, notre président souhaitant conserver le secret sur ce sujet. Nous avons investi beaucoup d'argent sur ce projet, depuis de nombreuses années, avec l'argent du groupe et une volonté importante de Vincent Bolloré de travailler sur ce domaine.

Notre approche stratégique visait d'abord le développement de techniques de stockage d'énergie. Un véhicule électrique sans une batterie qui a des performances importantes n'existe pas. Pour mémoire, en 1899, un véhicule électrique a été mis au point, qui a dépassé les 100 km/h. Il avait pour nom la « Jamais Contente », et a lutté contre le véhicule thermique. Il ne s'est pas développé en raison d'un rendement insuffisant. En revanche, le pétrole s'est fortement développé, un kilogramme de pétrole représentant trois cents fois plus d'énergie qu'un kilogramme de batterie plomb, soit 10 kWh d'énergie contenue dans le premier, contre 30 Wh pour le second.

Aujourd'hui, nous disposons de batteries dotées de 100 à 120 Wh/kg. Dit autrement, faire un kilomètre exige un kilogramme de batterie. L'autonomie du véhicule électrique tel qu'on peut l'envisager à un horizon prévisible sera donc limitée. Mais c'est une étape importante qui a été franchie, la « Jamais Contente II », développée par Gildo Pastor, ayant dépassé les 500 km/h.

Cela dit, nous avons travaillé sur deux systèmes de stockage d'énergie, les batteries et les supercondensateurs, utilisés dans les systèmes stop/start, dont toutes les voitures seront équipées. Le système stop/start ? C'est le début de l'électrification du véhicule. C'est à dire qu'une voiture s'arrête au feu rouge, permettant ainsi d'éliminer la consommation du moteur pendant cette période.

Dans les années 1998-1999, où nos batteries avaient atteint un certain degré de performance, on n'a pas trouvé beaucoup de constructeurs automobiles intéressés par le véhicule électrique.

Notre président a donc décidé d'investir dans un véhicule électrique construit autour de la batterie, et pas de l'électrification d'un véhicule existant. Nous avons réfléchi au poids du véhicule, point critique, étant entendu qu'à des vitesses inférieures à 50 km/h, c'est essentiellement le poids qui consommera de l'énergie. Nous avons également réfléchi aux auxiliaires, qu'il faut minimiser. Dès que vous consommez un kWh, vous ne disposez plus d'un moteur thermique qui fournit de la chaleur gratuitement. Il faut payer pour toutes les énergies, ce qui suppose d'optimiser la consommation énergétique et de réfléchir à l'intérêt d'un certain nombre de fonctions de confort. Nous avons aussi travaillé sur une chaîne de traction adaptée à notre véhicule et à notre batterie, en l'absence de traction performante. Il a donc fallu intégrer toutes les lois de conduite d'un véhicule électrique.

Ce faisant, nous avons été retenus pour le projet Autolib, disposant d'une solution complète d'électro-mobilité, avec bornes de charge, de location, d'abonnement, un système de supervision complet pour optimiser la disponibilité des véhicules, et un système d'information qui permet d'assurer la facturation des services.

Quel est le paysage du véhicule électrique ? Il va du stop/start jusqu'au véhicule totalement électrique. Entre les deux, se trouve une maille d'hybrides, avec récupération d'énergie au freinage. Il s'agit là d'un gros consommateur et producteur d'énergie, ce qui suppose d'être en mesure de récupérer l'énergie à temps, la quantité d'énergie variant selon le degré du freinage, étant entendu, sécurité oblige, que vous ne différerez pas le freinage pour récupérer de l'énergie. Le « full hybrid », comme la Prius, permet d'ajouter quelques kilomètres électriques. Le « plugin hybrid », lui, commence à disposer d'une énergie stockée importante, de l'ordre de quelques kWh, ce qui permettra au véhicule de faire une dizaine de kilomètres en tout électrique. Et l'on finit par le véhicule tout électrique, disposant d'encore plus d'énergie, issue de la batterie, qui pourra faire de 200 à 300 km, suivant la capacité de la batterie et ses performances.

Il est important d'avoir ce paysage en tête. Si l'on veut réduire notre consommation et notre production de CO2, tous ces domaines doivent se développer. Disposer de millions de véhicules en stop/start permet déjà de gagner quelques grammes de CO2. Multiplier par des millions, les chiffres sont non négligeables.

Sans revenir sur l'électrochimie, je veux simplement rappeler les points importants que sont la sécurité et la performance de la batterie, et son intégration dans un pack qui a une intelligence, pour assurer l'optimisation de sa charge, de sa décharge , de sa durée de vie, et veiller en permanence à son état de santé. La batterie étant à l'extérieur, elle va subir des variations climatiques, être utilisée un jour pour faire 10 kilomètres, un autre pour en faire 100. Les états de charge seront donc complètement différents, situation qui n'est pas celle des batteries d'ordinateurs ou de téléphones portables, qui restent à température ambiante et ont des performances qui varieront en capacité. Bref, le cahier des charges est très particulier pour la batterie du véhicule électrique, très difficile à tenir.

Pour réaliser ces batteries, nous disposons de deux usines, nous permettant de construire 5 000 packs de batteries en Bretagne, et 7 500 au Canada, soit un nombre conséquent de voitures. Nous avons mis au point deux véhicules : celui que nous avons construit avec Pininfarina et un bus qui commence à rouler au Luxembourg et à Laval. C'est un petit bus de ville, avec un plancher très bas, qui permet un accès facile aux personnes à mobilité réduite ou avec poussettes. Ce bus de 8,50 mètres peut contenir 22 personnes, avec une autonomie de 120 kilomètres. Ses batteries situées sur le toit contiennent 90 kWh. Par comparaison, une voiture en contient 30. La régénération au freinage est très élevée, dans la mesure où la vitesse du bus est limitée, le freinage électrique étant bien développé dans un bus.

Le véhicule individuel pèse moins de 1 100 kg, étant entendu que du chemin reste à parcourir pour atteindre 800 kg. Sa vitesse est limitée à 110 km/h. Son accélération est conséquente, et son autonomie est de l'ordre de 250 km en cycle urbain.

Autolib est une solution intégrée et complète, d'autopartage.

Il s'agit d'un service public de location de point à point. Vous prenez un véhicule au point A, vous le rendez au point B, sans obligation de restitution du véhicule au point de départ. Les véhicules sont sans émission, sans bruit et sans odeur. 3 000 véhicules représentent une réduction estimée de 22 500 véhicules privés et plus de 150 millions de kilomètres par an parcourus par des véhicules propres.

C'est un service qui s'étend sur 46 communes : Paris et les communes limitrophes. Certaines devraient rejoindre le syndicat mixte dans les mois à venir pour compléter le panorama. Toutes ces villes sont équipées de bornes de recharge.

Trois types de bornes seront installées. Vous vous rendez à une borne d'accueil puis d'abonnement, muni de votre permis de conduire, d'une pièce d'identité et d'une carte de crédit. Puis on vous délivrera une carte RFID, qui vous permettra de vous identifier, de vous attribuer un véhicule et de vous réserver une place à l'arrivée. Une troisième borne sert à charger le véhicule. Lorsque vous prenez le véhicule qui vous a été attribué, vous le déconnectez de la borne, et la location commence. Celle-ci s'arrête lorsque vous reconnectez le véhicule au point d'arrivée.

Ce service, vous le voyez, est simple. Nous avons démarré le 2 octobre avec 66 voitures et 33 stations. Le premier jour, ce sont 1 500 personnes qui ont pu essayer les voitures, presque que des gens qui ont trouvé l'expérience positive. Ils ont préféré ce système au taxi, estiment qu'il ne pollue pas et qu'il leur permettra de remplacer une deuxième voiture. L'accueil a été favorable.

L'inauguration officielle aura lieu le 5 décembre, avec 250 stations et autant de voitures. En juin 2012, nous aurons déployé plus de 1 000 stations pour 2 000 voitures. En 2013, nous atteindrons 3 000 voitures, 1 200 stations et 6 000 places de parking. L'abonnement est de 12 euros par mois. La première demi-heure coûte 5 euros, la deuxième 4 euros, et les autres 6 euros. Un abonnement à la semaine coûte 15 euros, avec un prix de 7 euros pour la première demande, 6 euros la deuxième, et 8 euros pour les autres. Un abonnement découverte existe pour le touriste d'un jour, pour 10 euros. Il pourra utiliser sa voiture à raison de 7 euros la première demi-heure, 6 euros la deuxième et 8 euros les suivantes.

Ce dispositif fera travailler près de 1 000 personnes, dont 250 dans un centre opérationnel et 750 à 800 sur le terrain, pour répondre aux demandes des clients et rééquilibrer le parc. Nous ne savons pas encore comment les véhicules seront utilisés : l'expérience nous le dira. Quant à la charge, elle est lente, à hauteur de 3 kW, étant entendu qu'on disposera de 6 000 points de charge et qu'on optimisera en essayant de charger de nuit plutôt que de jour. Ce faisant, nous ne tirerons pas sur le réseau de façon inconsidérée. Notre véhicule sera soit en train de rouler, soit de se charger. S'il roule 20 heures par jour, d'aucuns diront qu'on n'aura pas le temps de le recharger. Mais dans un premier temps, on pense qu'il roulera de 8 à 10 heures par jour, ce qui nous laisse largement assez de temps.

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