Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi soumis aujourd'hui à votre examen, à la suite de son adoption par la commission, fixe au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France.
L’objectif est de rassembler, dans un même hommage annuel, tous les morts pour la France : quelle que soit leur situation personnelle, quel que soit leur statut, quelle que soit la localisation des conflits, sur le territoire national ou sur des territoires extérieurs, quelle que soit la génération du feu à laquelle ils appartiennent.
Il s’agit d’abord des morts des conflits du passé : ceux de la Grande Guerre, la plus meurtrière bien sûr – elle a fait 1, 4 million de morts –, mais aussi des conflits postérieurs, comme la Seconde Guerre mondiale, soldats et résistants, et des guerres d’Indochine et d’Algérie, ainsi que – pourquoi pas ? – dans notre cœur, ceux de conflits antérieurs qui ont forgé notre Nation – comment exclure, par exemple, ceux de Valmy ? –, et même ceux des guerres que nous avons oubliées et dont il nous faut, pour nous souvenir, ouvrir un livre d’histoire.
Il s’agit ensuite des morts des conflits du présent, ceux des opérations extérieures. Je pense bien entendu à nos militaires tombés en Afghanistan, à qui le Sénat vient de rendre hommage par une minute de silence.
Il s’agira enfin de ceux qui, hélas ! tomberont demain.
Tous auront eu la force, le courage, l’abnégation de servir leur patrie jusqu’au sacrifice suprême. Tous auront eu la volonté de servir la République et ses valeurs. Tous seront « morts pour la France ».
Il s’agit donc d’honorer non pas les guerres, mais les morts, de créer non pas une commémoration unique, mais une commémoration commune.
Le Président de la République, dans son discours du 11 novembre, a bien pris soin de le préciser : « Qu’il soit bien clair qu’aucune commémoration ne sera supprimée et qu’il s’agit seulement de donner plus de solennité encore au 11 novembre, alors que tous les témoins ont disparu ».
Cette assurance a été donnée à de nombreuses reprises, notamment par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, à l’occasion des entretiens et échanges que vous avez eus avec les associations d’anciens combattants, lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, et à l’instant même au Sénat.
Si un certain nombre de ces associations ont très vite manifesté leur adhésion à ce projet, qui allait dans le sens de leurs réflexions, d’autres ont émis la crainte que cela ne préfigure l’instauration d’un Memorial Day, journée unique du souvenir à la française, et ne conduise à l’abandon progressif des autres commémorations nationales.
Il est important, cela a été rappelé en commission, de maintenir la singularité de ces commémorations. Outre l’attachement des anciens combattants à la perpétuation du souvenir des combats qu’ils ont menés et des camarades qui ont perdu leur vie, les spécificités de chaque conflit doivent être prises en considération pour en faire connaître les caractéristiques essentielles, parfois avec des appréciations différentes, qui reflètent la pluralité des mémoires de ceux qui les ont vécus. Elles donnent aussi l’occasion, renouvelée chaque année, de faire œuvre d’enseignement, d’histoire, d’instruction civique et de patriotisme au profit, notamment, des jeunes générations.
C’est pourquoi, après une discussion très ouverte, marquée par une volonté d’écoute et de dialogue à laquelle je vous remercie, monsieur le vice-président de la commission, ainsi que vous, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir contribué, votre commission a souhaité formaliser cet engagement en votant un amendement de notre collègue Alain Néri et du groupe socialiste, qui précise que cet hommage « ne se substitue pas aux autres journées de commémoration nationales ».
S’agissant de la date retenue pour cette commémoration de tous les morts pour la France, le choix du 11 novembre semble le meilleur.
Cette date reste, en effet, ancrée dans la mémoire collective comme la manifestation la plus emblématique d’hommage aux combattants morts pour la patrie.
Elle est la date de commémoration des morts de la guerre qui a engagé le plus de combattants et fut la plus meurtrière. C’est d’ailleurs à l’occasion de cette guerre que fut instituée, par la loi du 2 juillet 1915, la mention : « Mort pour la France ».
Elle est aussi, et peut-être surtout, la commémoration de l’unité nationale autour de la défense de la patrie et de la République, la commémoration d’une nation retrouvée dans l’épreuve, qui a su faire preuve de cohésion malgré ses divisions, la France de l’Union sacrée.
Cette date n’a jamais été contestée, ni lors de son instauration ni depuis.
Elle englobe, en outre, la mémoire d’autres événements, à commencer par le sursaut patriotique des étudiants et lycéens parisiens, qui convergent vers l’Arc de Triomphe le 11 novembre 1940 malgré l’interdiction de l’Occupant, et qui sera considéré comme l’un des premiers actes de la Résistance, jusqu’aux hommages rendus régulièrement aux forces engagées dans les différents conflits. Le dernier, en date du 11 novembre 2011, était adressé aux unités engagées en Côte d’Ivoire, en Afghanistan et en Libye.
Si, le 14 juillet, ce sont nos armées qui, par le défilé militaire, rendent hommage à la République, le 11 novembre, qui en constitue en quelque sorte le pendant, la Nation rend hommage à ceux de ses enfants qui sont morts pour la défense de son territoire et de ses valeurs.
Le projet de loi initial a été complété par l’Assemblée nationale pour rendre obligatoire l’inscription du nom des morts pour la France sur les monuments aux morts des communes et en organiser les modalités pratiques s’agissant des demandes d’inscription. Cela permettra d’inscrire, notamment, le nom des militaires morts pour la France en opérations extérieures, ou OPEX. Au-delà de l’hommage collectif annuel de la Nation, la mémoire de chacun d’eux sera ainsi conservée par cette inscription.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’image de votre commission, qui a voté ce projet de loi à l’unanimité, je souhaiterais que nous soyons le plus nombreux possible à nous rassembler pour commémorer le souvenir de ceux qui ont donné leur vie pour notre pays et pour les valeurs qu’il défend. Ce serait non seulement un beau témoignage adressé à ceux que nous honorons chaque année ainsi qu’à nos concitoyens, qui attendent de la représentation nationale l’expression de son unité autour des valeurs essentielles de la République, mais aussi la marque de notre reconnaissance envers ceux qui, sur des théâtres d’opérations extérieures, connaissent la dure réalité de la guerre.
En la circonstance, légiférer, c’est, d’une certaine manière, commémorer. C’est aussi, quel que soit notre point de vue sur les conflits passés ou en cours, reconnaître la valeur du sacrifice de nos enfants et le caractère sacré de leur vie.
L’ancien combattant d’Algérie que je suis a été honoré de vous présenter ce texte.
Je vous demande, mes chers collègues, de m’accompagner dans cette démarche d’union en hommage à nos morts pour la France, démarche qu’attendent la quasi-totalité des associations d’anciens combattants, démarche qui honore le Sénat.