Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la semaine dernière, la France a perdu quatre soldats. J’ai reçu la dépêche alors que je préparais cette intervention, et croyez-moi, chacun des mots qui la composent a été accompagné par l’émotion et par la consternation ressenties face à cet assassinat commis par des terroristes dont le cynisme n’a d’égal que la lâcheté.
Pour commencer, je tiens, bien sûr, à témoigner à nos soldats, à leurs familles et à leurs compagnons d’armes, ma plus sincère affliction et mon plus profond respect.
Nous connaissons leur professionnalisme, leur engagement et leur courage. Sur le sol national ou en opérations extérieures, à des milliers de kilomètres, ils sont la fierté de notre pays.
C’est pour chacun de ces hommes tombés au combat et pour ceux qui n’en reviennent jamais indemnes que nous nous réunissons aujourd’hui afin de tisser le souvenir de leur engagement avec la mémoire de la France.
Je forme le vœu que cette mémoire soit vivante et quotidienne.
Depuis 2007, grâce à l’impulsion donnée par le chef de l’État, les rendez-vous de notre pays avec son histoire ont été revitalisés et sont, chaque année, l’occasion de vivifier notre passé, qu’il soit glorieux ou douloureux.
Dans cette perspective, le Président de la République a souhaité faire du 11 novembre un jour de mémoire de tous les morts pour la France.
À cet égard, je souhaite rendre un hommage particulier à notre rapporteur, Marcel-Pierre Cléach, qui, sur ce projet de loi comme pour celui qui est relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, a su créer les justes conditions législatives envers ceux qui ont servi, hier, la République.
Ce projet doit attirer la bienveillance de chacun d’entre nous. Les morts ne sont pas ceux de la gauche ou ceux de la droite. Ils sont les morts de la France. C’est donc collectivement et en faisant taire les querelles politiciennes que nous leur devons honneur et respect.
Donner sa vie pour protéger sa patrie, c’est la rencontre de l’humilité et de la gloire.
Ces dernières années, notamment - du fait de l’envoi de nos troupes en Afghanistan - mais pas seulement - notre pays a dû réapprendre ce qu’était la spécificité de l’engagement militaire.
Cela, nous le devons au fait que les Français ont la chance de vivre en paix sur le sol national et n’ont entrevu le phénomène de guerre et le prix du sang qu’à travers les médias. Cette paix, si précieuse, si douce, a pourtant un ennemi, l’oubli.
Il est bon que nous scellions ce lien douloureux entre les morts de la guerre et l’existence même de notre nation, existence de nos villes, de nos territoires, de notre civilisation et de nos frontières.
La France a plus que jamais besoin de se retrouver avec elle-même, de toucher ce lien sacré qui, dans l’histoire, a enfanté des miracles d’inspiration, de dévouement et d’héroïsme.
Honneur à vous, soldats morts pour la France, à Verdun ou en Kapisa ! Honneur à vous, soldats qui reposez dans la mémoire des siècles ! Honneur à vous, qui avez mis votre vie au service de la paix !
Les législateurs que nous sommes ont le devoir d’entretenir cette chaîne du souvenir, qui réunit les morts d’hier et ceux d’aujourd’hui. Nous avons la responsabilité de créer les conditions d’union et de rassemblement pour que nos concitoyens puissent témoigner à ces morts la reconnaissance de la Nation entière. Nous avons le devoir de porter leur mémoire avec fierté et avec grandeur.
Cette date doit devenir le socle solennel de ce souvenir. Elle doit rassembler la Nation dans l’épreuve autour de valeurs et de codes qui sont les fondements de notre République.
Il ne s’agit pas, bien sûr, de hiérarchiser les commémorations, pour la bonne et simple raison qu’on ne hiérarchise pas les morts.
Comme le soulignait le Président de la République, « quel que soit le lieu, quel que soit le moment de notre histoire, ce don est sacré et il mérite le même hommage, la même reconnaissance, la même ferveur. La mort au service de la France ne fait pas de différence. Le champ d’honneur est de toutes les guerres et de tous les conflits qui ont impliqué notre pays ».
Le choix de commémorer le même jour tous les morts pour la France permet de n’en oublier aucun. À ce titre, la date du 11 novembre me semble adéquate pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, un tel choix permet de ne pas alourdir le calendrier commémoratif, le nombre de dates ayant doublé depuis dix ans.
Ensuite, au-delà du simple fait de commémorer l’armistice qui mit fin aux souffrances de la Grande Guerre, le 11 novembre célèbre « le sacrifice consenti pour une nation qui représentait non seulement son territoire, mais surtout l’union d’un peuple autour des principes indéfectibles de liberté, d’égalité et de fraternité ».
Quel meilleur symbole que celui-ci pour abriter nos morts ? Quelle plus grande solennité pour honorer la mémoire de chacun de ces hommes tombés au combat ? Quel plus beau rendez-vous que celui de la paix et du peuple pour célébrer le lien charnel de la patrie et de son armée ?
C’est sans doute cette évidence qui a amené le projet de loi à être adopté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par Jean-Louis Carrère, et qui donne aussi aujourd’hui toute sa ferveur au groupe UMP pour voter en faveur de ce texte.
Je finirai avec ces quelques mots empruntés à Lamartine : « En récapitulant par la pensée toutes ces passions instinctives dont se compose pour nous l’amour de la patrie, et en y ajoutant encore une passion naturelle à l’homme, la passion de sa propre mémoire, […] de la gloire de la postérité qui inspire et qui récompense dans le lointain les grands sacrifices, les dévouements jusqu’à la mort à son pays, on comprend que, de toutes les nobles passions humaines, celle-là est la plus puissante, parce qu’elle les contient toutes à la fois, et que, s’il y a dans l’histoire des efforts surnaturels à attendre de l’humanité, il faut les attendre du patriotisme ».