Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 24 janvier 2012 à 14h30
Commémoration de tous les morts pour la france le 11 novembre — Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Quatrièmement, ne craignez-vous pas, par cette confusion mémorielle, de légitimer les guerres impérialistes menées par la France ?

Certes, depuis plus de vingt ans, notre pays se trouve engagé sur de multiples théâtres d’opérations extérieures : Liban, ex-Yougoslavie, Afghanistan.

Beaucoup de soldats, trop bien sûr, sont morts : depuis la fin de la guerre d’Algérie, ce sont plus de 600 militaires qui sont tombés pour la France, et quatre encore à la fin de la semaine dernière.

Leur sacrifice mérite respect et reconnaissance de la part de la Nation tout entière.

Cependant, ma conviction est que ces engagements n’ont pas la même portée historique, humaine et géopolitique que la Grande Guerre.

L’ampleur inégalée du drame qu’a représenté pour la France la Première Guerre mondiale justifierait, s’il en était besoin, que soit maintenue la spécificité de la cérémonie du 11 novembre.

Selon moi, le 11 novembre aurait dû rester consacré à la commémoration de l’armistice de la guerre de 1914-1918, terrible carnage qui fit plus de 10 millions de morts et qui devait toucher presque toutes les familles. Souvenons-nous des écrits d’Henri Barbusse, pour la France, et d’Erich Maria Remarque, pour l’Allemagne.

Le 11 novembre aurait dû rester l’occasion du rappel des ravages des nationalismes, des esprits de revanche et des haines entretenues pour de mauvaises causes.

Par ailleurs, la Première Guerre mondiale marque véritablement l’entrée dans le XXe siècle. La carte de l’Europe a été redessinée par le traité de Versailles, les empires allemand, austro-hongrois et russe ont disparu, des alliances se sont nouées, de nouveaux États ont vu le jour et la Société des nations a été créée.

En outre, monsieur le secrétaire d’État, adopter ce texte sans la garantie du maintien des autres dates mémorielles, dont celle du 8 mai, serait en contradiction avec les efforts que nous faisons, en tant qu’élus, dans nos communes sur la Première Guerre mondiale, mais aussi sur la Deuxième Guerre mondiale, la Résistance, la Libération ou encore la Déportation.

N’était-il pas plus urgent de revenir sur les réformes des programmes d’histoire ayant conduit, depuis 2009, à un appauvrissement et à un affaiblissement inquiétants de cet enseignement, qui demeure pourtant l’un des meilleurs remparts contre les dérives de toute nature ?

Pour autant, nous sommes également persuadés qu’un hommage spécifique doit être rendu aux soldats morts ou blessés en opérations extérieures. C’est pourquoi nous regrettons que l’organisation d’une cérémonie en leur mémoire n’ait pas fait l’objet d’une réflexion approfondie, comme ma collègue l’a souligné, et d’un véritable débat, non seulement avec les associations patriotiques, avec les élus, mais aussi avec le milieu enseignant.

Toutefois, je ne crois pas que cet hommage puisse se faire au détriment de la réalité historique, de la confusion et de la mémoire d’un conflit dont il ne reste plus aujourd’hui de témoins. Je suis intimement persuadé que le souvenir et le sens des conflits ne doivent pas s’effacer avec la disparition des combattants.

Par ailleurs, j’ai constaté dans mon département, notamment dans ma commune, que l’idée de commémorer à une même date l’ensemble des morts pour la France est loin de faire consensus.

Certes, monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez rassurés en annonçant qu’aucune commémoration ne serait supprimée. Nous en prenons acte. Cela étant, nous préférons que la précision figure noir sur blanc dans la loi, car nous savons ce que valent les engagements du Gouvernement et du Président de la République, ce quinquennat ayant été marqué par une longue suite de reniements !

Nous n’avons pas à écrire une histoire officielle. En revanche, un double constat unanime peut, à mon sens, être fait : le peu d’appétence de nos concitoyens pour les commémorations et un sens de ces dernières quelque peu brouillé.

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