Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 24 janvier 2012 à 14h30
Exercice des professions de santé par des titulaires de diplômes étrangers — Adoption définitive d'une proposition de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Toutefois, cette impérieuse nécessité de légiférer en urgence ne doit pas nous empêcher de nous interroger sur le dispositif proposé et de réfléchir à la situation des personnes concernées.

Tout d’abord, l’adoption à la hâte de cette mesure de court terme ne nous dispensera pas d’aborder réellement, et dans les délais les plus brefs, le problème de la démographie médicale, qui se pose de manière de plus en plus flagrante.

En effet, on ne pourra pas toujours traiter les professionnels de santé formés à l’étranger comme une véritable variable d’ajustement et se servir d’eux comme d’une béquille. Les mots que j’emploie ici sont durs, mais ils reflètent bel et bien la réalité, car c’est malheureusement ainsi que ces personnels sont considérés.

Certes, ces professionnels ont obtenu leur diplôme dans un pays extérieur à l’Union européenne, mais ils n’en sont pas pour autant moins compétents que leurs collègues. Or leur statut est extrêmement précaire : du jour au lendemain, ils peuvent être mis à la porte si l’on estime n’avoir plus besoin d’eux, bien qu’ils travaillent sans compter, enchaînant les gardes de nuit et du week-end, sans bénéficier d’aucune perspective. Animés d’une grande motivation, ils consacrent toute leur énergie à assurer la continuité des soins et l’accès à la santé pour nos concitoyens, tout en étant souvent payés au SMIC, soit trois voire quatre fois moins que leurs collègues détenteurs d’un diplôme français, alors que, dans les faits, leurs missions et leurs compétences sont identiques.

On m’objectera qu’il existe une porte de sortie pour ces personnes : une procédure en trois étapes, qui a été décrite par M. le rapporteur, leur permet d’obtenir l’autorisation pleine et entière d’exercer en France. Cependant, il s’agit d’un concours exagérément sélectif, puisque dix postes pour deux cents candidats sont offerts en médecine générale et cinq pour trois cents candidats en gynécologie, tandis qu’aucun poste n’a été ouvert en anesthésie-réanimation depuis trois ans. Réussir ce concours est donc quasiment impossible pour les professionnels de santé concernés, d’autant que leur rythme de travail ne leur laisse que peu de temps pour réviser dans la sérénité.

Par ailleurs, pour pouvoir se présenter aux épreuves, il leur faut justifier d’une période d’exercice suffisamment longue, qui est par exemple de trois ans pour les médecins. Or nombre de diplômés étrangers, ne trouvant pas de poste de médecin à leur arrivée en France, exercent des fonctions d’infirmier, d’enseignant ou de chercheur. Leur situation ne leur permet donc pas de passer le concours en question.

Autre injustice, il existe deux dérogations à cette procédure extrêmement sélective, au bénéfice des réfugiés et des apatrides, d’une part, et des personnes dont l’entrée en fonctions est antérieure au 10 juin 2004, d’autre part : dans ces deux cas, il suffit aux intéressés d’obtenir la moyenne à un examen. Pour les bénéficiaires de ces dérogations, une solution existe donc, mais quelle injustice pour les autres ! Depuis des années, parfois depuis 2005, ces derniers exercent dans le système de soin français avec dévouement. Ils maîtrisent parfaitement notre langue, ont fondé une famille, se sont intégrés. Souvent, ils ont continué à se former dans les universités françaises, nombre d’entre eux obtenant des diplômes universitaires de troisième cycle et des capacités en médecine.

La situation actuelle est donc vécue par beaucoup de praticiens comme une lourde injustice, doublée d’une discrimination entre médecins titulaires de diplômes équivalents. Je demande solennellement un assouplissement de la procédure d’autorisation d’exercice, madame la secrétaire d'État, car je sais que le décret d’application prévu par le texte que nous examinons aujourd’hui pourrait permettre à de nombreuses personnes d’assurer leur mission de soin dans des conditions plus sereines.

En conclusion, mes chers collègues, le groupe écologiste vous appelle bien sûr à adopter cette proposition de loi dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, afin d’éviter de perdre encore du temps. Nous espérons toutefois que le Gouvernement aura entendu nos remarques et qu’il saura les prendre en compte pour assurer plus d’équité, plus de justice ; les détenteurs de diplômes étrangers, dont je salue le dévouement, le professionnalisme et la détermination, doivent pouvoir exercer sereinement leur métier, conformément à leur vocation. §

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