Intervention de Alain Milon

Réunion du 24 janvier 2012 à 14h30
Exercice des professions de santé par des titulaires de diplômes étrangers — Adoption définitive d'une proposition de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, dans sa décision du 15 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, considérant qu’il constituait un « cavalier social ». Or cet article encadrait les conditions d’exercice de certains professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne.

Si aucune disposition législative n’est prise rapidement, près de 4 000 professionnels de santé vont devoir cesser leur activité, car ils se trouvent dans une situation d’illégalité que les chefs de service ne pourront plus couvrir longtemps sans risquer de voir engager des actions en responsabilité.

Aussi la proposition de loi que nous examinons vise-t-elle à répondre à une double nécessité.

En premier lieu, sur un plan conjoncturel, aux termes de l’article 83 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, les professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu hors de l’Union européenne n’étaient habilités à poursuivre leur activité, sous des statuts d’exercice restreint, que jusqu’au 31 décembre 2011, au titre d’une procédure dérogatoire d’autorisation. La censure du Conseil constitutionnel ayant empêché la mise en œuvre du dispositif transitoire initialement prévu, ces professionnels de santé sont maintenus dans un statut pour le moins précaire. Nous sommes donc face à un vide juridique.

En second lieu, sur un plan structurel, les établissements de santé ont besoin de recourir aux professionnels en question en raison du manque d’attractivité de l’hôpital public. Il serait irresponsable de laisser partir un personnel formé, qui a démontré ses compétences et son engagement auprès des patients.

Pour ces raisons, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le Gouvernement avait présenté à l’Assemblée nationale un amendement visant, d’une part, à proroger le dispositif transitoire d’autorisation d’exercice jusqu’au 31 décembre 2014, et, d’autre part, à introduire de nouvelles épreuves de vérification des connaissances pour les médecins étrangers titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne.

Le groupe UMP du Sénat était allé plus loin dans cette logique en déposant un amendement qui avait permis d’élargir et d’assouplir le dispositif.

D’une part, il incluait dans le champ du nouveau dispositif l’ensemble des sages-femmes recrutées jusqu’à la date de publication de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

D’autre part, il tendait à alléger la portée de l’obligation, pour les lauréats de l’épreuve d’aptitude, d’effectuer une période probatoire. En effet, l’amendement ouvrait à la commission habilitée à accorder l’autorisation d’exercice compétente la possibilité de prendre en compte les durées de service précédemment accomplies, afin qu’elles vaillent année probatoire.

Nous rappellerons, pour nous en féliciter, que cet amendement avait été adopté à l’unanimité par le Sénat, ce qui témoigne d’un large consensus sur ce sujet.

La proposition de loi aujourd’hui soumise à notre examen vise à reprendre ce dispositif introduit en première lecture dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Elle comporte en outre un second article prévoyant, de manière rétroactive, une application au 1er janvier 2012, afin de tenir compte du vide juridique dans lequel nous nous trouvons actuellement.

Si le souci de la sécurité juridique nous pousse d’ordinaire à ne pas demander l’application rétroactive des textes votés, la situation particulière dont il s’agit ici le justifie, car il convient de régulariser a posteriori la période d’exercice des praticiens concernés comprise entre le 1er janvier 2012 et la date d’entrée en vigueur de la présente proposition de loi.

Ce texte permettra ainsi de prolonger le système dérogatoire consistant à soumettre les praticiens concernés non à un concours, mais à un examen, puisque les lauréats aux épreuves de vérification des connaissances ne se verront pas opposer une limitation du nombre de postes ouverts. Ce dispositif s’appliquera aux médecins, aux chirurgiens-dentistes, aux sages-femmes et aux pharmaciens.

En outre, comme je l’ai précisé, la proposition de loi introduit une nouvelle épreuve de vérification des connaissances distincte de celle que prévoit la procédure de droit commun et elle tend à réduire la période probatoire à un an, durée pendant laquelle les praticiens travailleront sous des statuts d’exercice restreint.

Mais il est nécessaire que le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière informe précisément les praticiens, afin qu’ils puissent accéder à cette procédure et clarifier ainsi leur situation. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous assurer que cette information sera bien dispensée ?

Par ailleurs, je souhaite insister sur le fait que l’épreuve d’évaluation des acquis doit être bien adaptée à la spécialisation du médecin. Il serait paradoxal de faire passer des épreuves théoriques à des médecins qui exercent depuis de nombreuses années et dont la qualité du travail est reconnue.

Néanmoins, repousser de deux ans la date butoir pour la porter au 31 décembre 2016, comme le proposent les députés, me paraît plus réaliste. Cela devrait permettre de faire diminuer au plus vite le nombre de professionnels ne bénéficiant plus de la plénitude d’exercice dans les établissements de santé. Même si la procédure d’autorisation d’exercice a permis de régulariser la situation de la majorité des médecins étrangers en fonctions dans nos hôpitaux, il en demeure encore dont la position n’a pas évolué, soit parce qu’ils ont échoué à l’examen, soit parce qu’ils ne se sont pas présentés aux épreuves. Or nous ne pouvons décemment pas les accuser de dilettantisme : leurs journées extrêmement chargées ne leur permettent pas de préparer l’examen dans de bonnes conditions et, dans certains cas, les empêchent même d’en passer les épreuves. Souvent, par crainte d’échouer, faute de préparation suffisante, ils n’osent pas s’y présenter.

Pourtant, ces médecins représentent, dans certaines zones géographiques, jusqu’à 30 % du personnel des établissements de santé. La prorogation du dispositif transitoire jusqu’en 2016 prévue par cette proposition de loi donnera donc une bouffée d’oxygène aux hôpitaux, en laissant cinq années supplémentaires pour parachever le processus de régularisation de ces professionnels de santé.

Avant de conclure, je souhaite saluer la détermination du Gouvernement à trouver une solution au problème de l’accumulation, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2002 ayant institué les 35 heures à l’hôpital, des journées de congé dues aux médecins hospitaliers au titre de la réduction du temps de travail. Je suis convaincu que cette loi a contribué à déstabiliser l’hôpital. Nous nous félicitons donc de l’accord trouvé avec les praticiens hospitaliers sur ce point.

Le groupe UMP votera naturellement le présent texte. §

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