Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 24 janvier 2012 à 14h30
Exercice des professions de santé par des titulaires de diplômes étrangers — Adoption définitive d'une proposition de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rendre hommage à tous ces praticiens qui, ayant obtenu leur diplôme dans un État non membre de l’Union européenne, exercent en France. C’est en partie leur travail, accompli dans des conditions souvent précaires, qui permet de maintenir la qualité du système de santé français.

S’ils ont obtenu leur diplôme à l’étranger, nombre d’entre eux sont français et ont effectué au moins une partie de leur formation dans notre pays. Alors que leurs compétences n’ont rien à envier à celles des médecins diplômés en France et en Europe, leurs conditions d’exercice sont particulièrement difficiles et incertaines.

Le recrutement de praticiens à diplôme hors Union européenne – les PADHUE –, théoriquement interdit depuis 1999, s’est poursuivi dans la pratique, illégalement et en l’absence de statut. Et pour cause : ces professionnels pallient une véritable carence de l’hôpital public français, liée à l’insuffisance du nombre de praticiens formés en France et à l’inégale répartition de ceux-ci sur le territoire.

Le numerus clausus appliqué aux études de médecine et le manque d’attractivité des carrières hospitalières sont tels que, sans ces praticiens à diplôme hors Union européenne, certains hôpitaux et services seraient tout simplement amenés à fermer. Que l’on ne vienne pas nous dire que la récente augmentation de ce numerus clausus permettra, fût-ce à terme, de résoudre les problèmes : cela est faux, et il est facile de le démontrer !

En réalité, ces praticiens sont indispensables à l’existence d’un service public de la santé de qualité sur l’ensemble du territoire français. En effet, ils sont souvent affectés dans des zones de désertification médicale et sont parfois les seuls garants du maintien d’hôpitaux publics de proximité. Ces médecins sont injustement traités et leur besoin de reconnaissance est légitime, eu égard au rôle qu’ils remplissent.

La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, avait d’ailleurs estimé, dans un délibéré du 27 février 2006, que ces praticiens, cantonnés à des statuts précaires, sous-payés et empêchés d’exercer pleinement la médecine, sont victimes de discrimination. L’absence de statut a permis l’exploitation de ces professionnels de santé qui exercent pourtant des responsabilités identiques à celles de leurs homologues ayant obtenu leur diplôme dans un pays membre de l’Union européenne.

Afin de remédier à cette situation intolérable, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a instauré un processus d’autorisation d’exercice dérogatoire permettant aux praticiens à diplôme hors Union européenne, après examen, le plein exercice de la médecine et leur ouvrant la possibilité d’occuper officiellement les fonctions qui de fait sont déjà les leurs depuis de nombreuses années.

Reconnaissant la valeur probatoire de leur pratique professionnelle et l’injustice de leur situation, la loi leur a donné jusqu’au 31 janvier 2011 pour régulariser leur pratique. Au-delà de cette date, leur droit d’exercer dans les établissements de santé publics a pris fin s’ils n’ont pas satisfait aux épreuves de vérification des connaissances.

Alors que ce processus est arrivé à son terme, force est de constater qu’il n’a pas suffi : on peut estimer aujourd’hui à 4 000 le nombre de praticiens à diplôme hors Union européenne n’ayant pu bénéficier de cette autorisation d’exercice.

Qu’ils aient été remerciés ou qu’ils continuent d’exercer depuis le 1er janvier 2012 sans statut juridique, ces praticiens se trouvent dans une position très difficile. Quant aux hôpitaux qui continuent de les employer pour assurer la continuité du service public et la permanence des soins, ils se placent ainsi dans une situation juridique périlleuse.

La situation est connue depuis longtemps, mais ce n’est que voilà quelques mois seulement, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, que le Gouvernement a enfin consenti à déposer un amendement visant à proroger la procédure d’autorisation d’exercice jusqu’au 31 décembre 2014. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, qu’il a considérée comme un cavalier législatif. Il y a donc aujourd’hui urgence à légiférer, en raison de l’incapacité ou de la négligence du Gouvernement, qui n’a pas su traiter le problème à temps. Nous déplorons cette situation.

Nous sommes donc contraints d’adopter rapidement cette proposition de loi, qui reprend l’article censuré de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, afin de ne pas pénaliser davantage des hommes et des femmes plongés dans l’insécurité et la détresse. Ce débat est précipité, j’oserai même dire amputé, car si nous reconnaissons l’utilité du présent texte, nous en sommes également quelque peu prisonniers. L’urgence de son adoption interdit en effet de mener une véritable réflexion sur le sujet et nous réduit à voter une loi circonstancielle.

Portant exclusivement sur la procédure de validation dérogatoire, cette proposition de loi permet de faire oublier celle de droit commun et de contourner la question fondamentale des déserts médicaux. Or cette dernière se posera demain avec plus d’acuité que jamais, puisque le nombre des médecins formés en France restera insuffisant, tandis que les PADHUE, qui servaient jusque-là de variable d’ajustement, ne seront plus assez nombreux, à la suite de la régulation introduite par l’arrêté du 3 août 2010.

Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, nous veillerons avec beaucoup d’attention à ce que les décrets d’application donnent les même chances à tous les praticiens ayant obtenu leur diplôme dans un État non membre de l’Union européenne. En particulier, il importe que ces textes n’excluent pas les diplômés en médecine ayant accepté, en France, des postes d’infirmier ou exerçant dans le secteur paramédical, l’enseignement ou encore l’industrie pharmaceutique.

Ajoutons que la procédure de validation est un long parcours. L’examen n’en est que le premier pas, avant l’année probatoire et la délivrance de l’accord de la commission d’autorisation d’exercice, laquelle peut demander, si nécessaire, une prolongation de la période de formation. Quelles mesures d’accompagnement prévoyez-vous pour permettre au plus grand nombre possible des praticiens concernés de réussir dans cette démarche, eu égard à leurs conditions de travail difficiles ?

Par respect pour le travail de ces professionnels de santé, nous voterons la présente proposition de loi, qui tend à prolonger la procédure de validation dérogatoire jusqu’en 2016, ce qui devrait permettre de tous les régulariser. Cependant, nous continuons de déplorer les conditions de son adoption, liées à la situation regrettable dans laquelle l’incurie du Gouvernement a placé ces praticiens, et surtout l’absence de réflexion à long terme.

Bien que ce texte soit utile, il ne constituera qu’une rustine de plus sur notre système de santé, qui a un besoin urgent de réformes structurelles courageuses. §

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