Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le 25 janvier dernier, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté, il est vrai avec un certain nombre de modifications, la proposition de loi portant diverses dispositions d’ordre cynégétique, telle qu’elle est issue de la discussion à l’Assemblée nationale.
Avant d’aborder les principales dispositions du texte et les modifications apportées par la commission, je ferai au préalable quelques remarques.
Je note tout d’abord l’absence de Mme Kosciusko-Morizet. M’interrogeant sur les raisons de cette situation, je n’osais imaginer que l’absence de Mme la ministre était due à un manque de considération à l’égard du Sénat, pas plus qu’à un défaut d’intérêt pour ce sujet, puisque le Président de la République lui-même, voilà quelques heures, a fait irruption dans ce débat.
Cela dit, la Haute Assemblée semble gagner au change, puisque le ministre chargé des relations avec le Parlement, présent aujourd’hui, s’intéresse par définition au Sénat, et que, étant chasseur lui-même, il se soucie au sujet en discussion. Mais ce qui est patent, c’est que Mme la ministre a participé ô combien aux travaux à l’Assemblée nationale, et qu’elle ne prendra pas part à ceux du Sénat.
Pour autant, je reste persuadé, comme l’immense majorité de nos collègues présents dans cet hémicycle, que la légitimité du Sénat pour aborder ce thème de la chasse reste totale et entière : il s’agit en effet d’une pratique – vous l’avez souligné, monsieur le ministre – dont l’impact est important dans un grand nombre de communes rurales, sur le plan tant de l’économie que de la gestion des espaces forestiers, agricoles et ruraux. Tous les acteurs concernés par ce sujet reconnaissent en effet que la chasse, au-delà de son enracinement dans la culture et les traditions françaises, constitue une activité économique à part entière et une activité environnementale essentielle pour le maintien et la mise en valeur de nos territoires ruraux.
Avec 1, 3 million de chasseurs, le poids économique de la chasse atteint un montant d’environ 2, 2 milliards d’euros par an et génère plus de 24 000 emplois. Il convient de noter en outre que l’activité cynégétique peut représenter jusqu’à 5 % du budget de certaines communes rurales.
Le Sénat, représentant constitutionnel des territoires, est donc en première ligne sur ce sujet. La plus-value de son regard en la matière est indiscutable et ses apports sont essentiels afin de tenir compte de la dimension économique et territoriale de cette activité.
Ma deuxième remarque concerne non pas le problème de fond mais les modalités dans lesquelles se déroule ce débat. J’ai déjà déploré en commission que le cheminement législatif de ce texte n’ait pas été satisfaisant. En effet, chacun le sait, le Sénat a eu l’occasion de se prononcer sur ce sujet lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Pierre Martin, que nous avons adoptée en mai dernier. Cette proposition de loi, déposée presque un an auparavant, a subi une longue attente défiant toute logique. Manifestement, un dysfonctionnement s’est produit dans ce processus législatif qui n’est pas de nature, on l’avouera, à crédibiliser notre travail, avec à la clef une perte de temps préjudiciable. Et maintenant, il nous faut courir après le temps pour adopter définitivement ce texte dans des délais raisonnables.
Ma troisième remarque consiste à replacer le thème de notre discussion dans le contexte de la crise financière que nous traversons actuellement, afin d’être à même de relativiser son importance en sortant du volet passionnel qu’il a trop souvent connu.
Cela étant dit, il faut constater que ce texte représentera – vous l’avez indiqué, monsieur le ministre – la sixième loi relative à la chasse adoptée en douze ans, soit une loi tous les deux ans ! On peut dire aujourd’hui – c’est d’ailleurs dans cette optique que j’ai travaillé – que la période d’adaptation du droit de la chasse aux évolutions de la société, en phase avec un nouveau droit de l’environnement, tant interne qu’européen, a franchi un palier et qu’une pause législative est souhaitable pour stabiliser enfin la réglementation et les passions. C’est la raison pour laquelle le rapporteur que je suis a délibérément écarté tous les sujets à caractère polémique relevant notamment du cadre réglementaire ou ceux qui seraient – c’est un euphémisme ! – trop liés à l’actualité.
Je voudrais par ailleurs souligner le caractère « pragmatique » de ce texte, qui vise avant tout à achever la modernisation du droit de la chasse, à faciliter la pratique de cette dernière et, surtout, à entériner cet équilibre que vous appeliez tout à l’heure de vos vœux, monsieur le ministre, et auquel sont parvenus les différents usagers de la nature, après des années d’une polémique qui doit à présent trouver son apaisement. C’est également l’une des ambitions affichées de ce texte et du rapporteur qui s’adresse à vous.
Je voudrais m’arrêter un instant sur la question des dégâts de gibier aux récoltes agricoles, qui constitue un problème récurrent sur nos territoires depuis des années. Les dispositions contenues dans le présent texte à ce sujet constituent une véritable avancée. Mais depuis quelque temps, ce problème a pris une dimension très inquiétante du fait de l’augmentation des dégâts, devenant une source de désaccords parfois vifs entre le monde des chasseurs et le monde agricole. Les fédérations de chasseurs, qui supportent le poids d’une indemnisation de plus en plus lourde de ces dégâts, …