Intervention de Francis Grignon

Réunion du 11 janvier 2012 à 14h30
Voies navigables de france — Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Francis GrignonFrancis Grignon, rapporteur :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, le projet de loi relatif à Voies navigables de France. Le 20 décembre dernier, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté sans modification la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. En effet, les députés nous ont très largement suivis, et nous avons été sensibles à leur attitude constructive. De petites améliorations seraient encore possibles, mais, compte tenu du calendrier, il me semblerait plus prudent et, surtout, plus utile au développement des voies navigables d’adopter conforme ce projet de loi, plutôt que de prendre le risque de reporter cette réforme.

La rédaction à laquelle nous sommes parvenus est fidèle aux accords qui ont été passés, au début de l’été dernier, avec les agents du secteur fluvial, c’est-à-dire les 400 salariés de droit privé qui travaillent aujourd’hui pour l’établissement public industriel et commercial VNF et les 4 000 agents de droit public qui travaillent principalement dans les services de la navigation.

Ce projet de loi a pour objet principal de regrouper au sein de VNF, à partir de l’an prochain, l’ensemble de la « communauté du fluvial ». Les organisations syndicales ont négocié cette fusion et obtenu des garanties que nous avons confortées en première lecture ; VNF a établi un plan stratégique crédible qui donne une chance nouvelle à la voie d’eau dans notre pays : dans ces conditions, il me semble – et la commission s’est exprimée en ce sens le 20 décembre dernier – que notre responsabilité est bien de ne pas retarder le processus.

Ce qui a également motivé notre décision, c’est le fait que toutes les organisations syndicales signataires de l’accord, CGT en tête, nous ont dit préférer ce texte, même perfectible, à pas de texte du tout ou à un mauvais texte.

Je rappellerai les cinq principaux points de l’accord social signé au début de l’été dernier et composant la feuille de route de l’élaboration de ce projet de loi.

Premier point : VNF deviendra un établissement public administratif, ce qui se justifie par la nature de ses financements, publics pour la plus grande part, par le statut de son personnel, dont la très grande majorité, à la suite de la fusion, relèvera du droit public, et par certaines de ses missions, qui demeurent régaliennes.

Deuxième point : le domaine public fluvial demeurera propriété de l’État ; il sera confié à VNF, comme aujourd’hui, plutôt que transféré en pleine propriété.

Troisième point : les agents de droit public et de droit privé conserveront leurs avantages individuels et collectifs, ce qui a des conséquences directes sur l’organisation de leurs institutions représentatives du personnel. Nous avons beaucoup travaillé sur ce point lors de la première lecture, en instaurant un comité technique unique qui jouera le rôle d’un comité d’entreprise et d’un comité technique. Les députés nous ont très largement suivis sur ce sujet, auquel les personnels sont très sensibles.

Quatrième point : toutes les voies d’eau seront maintenues et la « relance de la voie d’eau » concernera l’ensemble du réseau, et pas seulement le réseau « magistral » dévolu au transport. Nous avons conforté cet engagement en rappelant le rôle des voies secondaires dans la gestion hydraulique et dans le tourisme ; nos collègues députés sont allés dans le même sens.

Enfin, cinquième point : aucun agent ne se verra imposer une mobilité géographique.

Je me félicite de ce que nous soyons parvenus, après certes quelques péripéties, à préserver dans ce projet de loi l’intégralité des cinq points de l’accord social. Nos collègues députés ont apporté quelques changements à notre rédaction, en allant presque toujours dans notre sens, avec le souci de parvenir à une adoption du texte avant la fin de la session parlementaire.

Je me contenterai de signaler les quelques nouveautés ajoutées par nos collègues députés, qui ne devraient pas faire débat.

Les députés ont conféré la personnalité juridique à la formation du comité technique unique représentant les salariés de droit privé. Ils ont précisé plusieurs règles de désignation des représentants du personnel, pour garantir que les salariés du privé seront effectivement représentés.

En première lecture, nous avions précisé que « seule la formation représentant les salariés du privé est compétente pour gérer les activités culturelles et sociales » de l’actuel comité d’entreprise. Nos collègues députés sont allés plus loin : la personnalité juridique rassure les salariés de droit privé, qui veulent légitimement continuer à gérer eux-mêmes leurs activités sociales et culturelles. Dès lors que cette personnalité juridique ne constitue pas un obstacle au bon fonctionnement de l’ensemble, il n’y a guère de raison de s’y opposer : l’objectif, c’est bien que tous les salariés, de droit privé comme de droit public, travaillent et s’organisent ensemble durablement.

Les députés ont ensuite prévu que les ports fluviaux situés sur une voie navigable « non transférable » puissent « mener des opérations de coopération transfrontalière ». Cela répond à une demande tout à fait légitime des collectivités territoriales concernées ; j’en sais quelque chose puisque, dans ma région, la coopération entre ports rhénans est une réalité quotidienne.

Nos collègues de l’Assemblée nationale ont encore prévu qu’un « arrêté du ministre chargé des voies navigables réglemente la navigation dans les eaux intérieures des bateaux traditionnels lorsque ceux-ci sont possédés par une association dont seuls les membres ont vocation à embarquer à leur bord ». Cela est limpide : il s’agit seulement d’assouplir la réglementation pour la circulation des bateaux d’intérêt patrimonial.

Les députés ont enfin prévu qu’une organisation interprofessionnelle de la filière fluviale puisse faire l’objet d’une reconnaissance par le ministre chargé des transports et que cette organisation interprofessionnelle soit habilitée à passer des accords, à condition que les professions qui y sont représentées soient unanimes. Là encore, cette précision va dans le sens du développement de la filière fluviale : nous ne pouvons qu’y être favorables.

J’en viens aux deux points qui, au regard des amendements déposés en séance aujourd'hui, paraissent encore poser des difficultés à certains de nos collègues : ils concernent l’un et l’autre, à l’article 1er, les activités que VNF est autorisé à développer pour valoriser le domaine public fluvial, au besoin en créant des filiales et en prenant des participations dans des sociétés.

En premier lieu, les députés ont supprimé l’obligation, pour VNF, de construire une « quantité minimale de logements » dans le cadre de ses opérations comportant des bureaux ou des locaux d’activité – ce sujet avait fait l’objet d’un large débat en première lecture au Sénat – et ajouté celle de constituer une « réserve en vue de futurs aménagements utiles au trafic fluvial ».

Nous avions introduit la notion de « quantité minimale de logements » en séance publique. J’avais alors souligné combien cette notion était floue, peu opératoire, et pouvait même s’avérer contradictoire avec les documents d’urbanisme existants : en effet, les aménagements peuvent très bien porter sur des zones où ces documents ne prévoient pas de logements. Notre débat, cependant, avait fait apparaître une volonté commune d’associer les collectivités locales aux opérations d’aménagement engagées par VNF.

Je crois que la rédaction actuelle du texte nous donne satisfaction. Nos collègues députés ont conservé la référence aux organismes publics d’aménagement que nous avions introduite, de même que l’obligation, pour les opérations d’aménagement, d’être compatibles avec les principes d’aménagement définis dans le schéma de cohérence territoriale, voire dans les plans locaux d’urbanisme. Ils n’ont fait que supprimer la notion de « quantité minimale de logements », dont j’ai souligné le caractère peu opératoire. Ils ont ensuite étendu la consultation des collectivités territoriales : notre rédaction prévoyait une concertation sur la seule « quantité minimale de logements » ; il s’agit désormais de consulter les collectivités territoriales pour toute opération comportant des locaux d’activité ou des bureaux, a fortiori des logements. Enfin, VNF doit constituer des réserves foncières, dans l’intérêt du trafic fluvial. La rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale est donc satisfaisante.

En second lieu, les députés ont restreint la condition de capitaux en majorité publics que nous avions introduite en séance plénière pour les filiales que VNF est autorisé à créer et pour les sociétés auxquelles il est autorisé à s’associer.

La rédaction initiale du texte donnait à VNF une très large marge de manœuvre pour valoriser le domaine public : il s’agissait, ni plus ni moins, de transposer une compétence dont VNF dispose actuellement en tant qu’établissement public industriel et commercial. En première lecture, lors de l’examen du texte en commission, nous avions précisé celui-ci pour mieux relier cette faculté aux missions mêmes de l’établissement. En séance plénière, cependant, contre mon avis personnel, le Sénat avait subordonné la faculté de créer des filiales ou de s’associer au respect d’une condition stricte : les filiales de VNF et les entreprises auxquelles l’établissement pourrait s’associer devraient être à capitaux majoritairement publics. C’est cette condition que nos collègues députés ont assouplie, en précisant qu’elle ne s’appliquerait qu’aux filiales et aux sociétés dont la vocation est de réaliser des opérations d’aménagement.

Leur raisonnement est le suivant : si les opérations d’aménagement urbain justifient le pilotage public, comme cela a été le cas pour celle du port Rambaud à Lyon, où VNF s’est associé à la Caisse des dépôts et consignations, d’autres opérations ne verraient pas le jour sans l’intervention du secteur privé, en particulier des projets ayant trait au développement des énergies renouvelables ou à la valorisation urbaine, et il était dès lors utile d’assouplir cette condition pour les opérations accessoires.

Ce raisonnement me paraît acceptable, et je veux souligner l’attitude constructive de nos collègues députés, qui ont préservé cette condition de capitaux en majorité publics pour les opérations principales. Avec la présente rédaction, c’est seulement pour des opérations accessoires que VNF serait autorisé à prendre des participations ou à créer des filiales à capitaux majoritairement privés : il s’agit, de manière très pragmatique, de lui donner toutes les chances de valoriser le domaine public, tout en restant dans le cadre strict du contrôle public qui est celui dont relèvent les établissements publics administratifs.

Voilà, mes chers collègues, pourquoi je vous proposerai d’adopter le texte dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, sans modification.

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