Intervention de Philippe Esnol

Réunion du 11 janvier 2012 à 14h30
Voies navigables de france — Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe EsnolPhilippe Esnol :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en octobre dernier que nous avons été saisis en première lecture du projet de loi relatif à Voies navigables de France. En tant que maire de Conflans-Sainte-Honorine, capitale francilienne, pour ne pas dire nationale, de la batellerie, j’attache un grand intérêt à ce texte. Ce n’est d’ailleurs évidemment pas un hasard si c’est l’un de mes illustres prédécesseurs, Michel Rocard, qui a été à l’origine, en 1991, alors qu’il était Premier ministre, de la création de Voies navigables de France, en remplacement du vieil Office national de la navigation.

On comprendra ma satisfaction qu’ait été maintenue l’une des modifications que nous avions apportées au texte initial, à savoir la plus visible et la plus signifiante d’entre elles d’un point de vue symbolique, sinon la plus importante : l’appellation « Voies navigables de France » sera conservée, et l’établissement ne deviendra donc pas une énième agence nationale. Cette décision se justifie d’ailleurs pleinement par la grande notoriété et la bonne image dont bénéficie VNF dans son secteur d’activité ; un changement de nom aurait donc été préjudiciable et en outre coûteux.

Cela étant dit, au-delà du maintien de l’appellation de VNF, sur quoi ont débouché les discussions parlementaires, tant au Sénat qu’au Palais-Bourbon ? Sommes-nous parvenus à améliorer ce texte et à répondre à certaines problématiques réelles, en partant d’un projet de loi initial dont la portée était limitée – je le dis sans intention polémique – et qui n’était pas à la mesure des enjeux en termes de développement et de valorisation du transport fluvial de marchandises dans notre pays ?

Pour ma part, je pense que nous pouvons approuver la décision de faire évoluer VNF, dans le respect de ses missions. Il s’agit d’instaurer une nouvelle gouvernance, d’abord en conférant à VNF le statut d’établissement public administratif, ensuite en mettant en place un nouveau mode de gestion des personnels.

On a pu s’étonner que le Gouvernement opte pour le statut d’établissement public administratif plutôt que pour celui d’établissement public industriel et commercial, qui aurait mieux correspondu, nous semble-t-il, à la vocation naturelle de VNF. Nous avions déjà fait part de nos doutes à cet égard lors de la première lecture, mais le Gouvernement n’avait pas été en mesure de nous apporter de réponse de fond sur ce point ; peut-être M. le ministre le pourra-t-il à l’occasion de cette deuxième lecture ?

En ce qui concerne les personnels de VNF, notre groupe entend que leurs intérêts soient préservés : c’est un point crucial, non négociable. Cela passe par le respect des accords qui ont été conclus avec les organisations représentatives, tant des salariés de VNF que des agents publics concernés.

Nous avons été vigilants sur cette question. Le texte issu des travaux menés en première lecture au Sénat avait permis de lever quelques-unes des interrogations qui pouvaient subsister : la rédaction me semble à présent satisfaisante.

Cependant, alors que nous avions également veillé à apporter au texte certaines améliorations techniques, nos collègues de l’Assemblée nationale n’ont pas fait preuve de la même exigence. C’est pourquoi nous serons conduits, au cours de la discussion des articles, à introduire quelques garde-fous, à seule fin de garantir le bon fonctionnement de VNF et la poursuite de ses activités dans le respect de ses missions, qui sont d’intérêt général et doivent le rester.

Nous souhaitons par exemple éviter que l’établissement public ne prenne le risque de se disperser dans ses opérations de prises de participation et de filialisation. À cette fin, nous proposerons, comme nous l’avions déjà fait en première lecture, de prévoir que les capitaux des filiales de VNF ou des sociétés dans lesquelles l’établissement prendra une participation devront être majoritairement publics, y compris pour les activités annexes de valorisation urbaine, que l’Assemblée nationale a imprudemment exclues du champ d’une telle disposition.

Par ailleurs, nous souhaitons apporter des éléments de sécurisation aux collectivités territoriales travaillant avec VNF sur de grands projets d’aménagement et d’infrastructures. C’est un point important à nos yeux. Il convient, tout en permettant bien entendu à l’opérateur de valoriser ses emprises foncières s’il le souhaite, de lui rappeler qu’il doit agir en totale concertation avec les collectivités territoriales concernées, dans le respect notamment de leurs schémas de cohérence territoriale ou de leurs plans locaux d’urbanisme, lorsqu’ils existent.

Telles sont les grandes questions dont nous avons débattu et que nous avons en partie réglées. Nous reviendrons cet après-midi sur les points qui ne nous satisfont pas encore.

Je voudrais maintenant évoquer des sujets qui ne sont pas abordés dans ce projet de loi, où malheureusement l’essentiel est totalement laissé de côté. Nous sommes en effet en présence d’un texte technique relatif à la gouvernance de VNF, qui ne traite nullement des enjeux fondamentaux que recouvrent les missions premières de l’établissement : la gestion et le développement du transport fluvial.

La France demeure très en retard dans ce domaine, en termes de trafic, certes, mais aussi, plus fondamentalement, d’infrastructures, d’entretien et de développement du réseau –se pose notamment la question du gabarit –, ainsi que d’intermodalité avec la route et le rail, autre mode de transport écologique délaissé. Si le Gouvernement comparait la situation de notre pays en matière de transport fluvial à celle de notre voisin allemand, comme il se plaît tant à le faire dans d’autres domaines, cela lui permettrait de mesurer ce qu’il reste à faire !

Ce simple texte relatif à la gouvernance vient donc bien tard. Si l’on ne peut évidemment que souscrire au principe de la relance de la voie d’eau, on peut craindre que les grandes déclarations faites à ce sujet ne restent lettre morte, à l’instar des belles promesses du Grenelle de l’environnement, dont certaines concernaient très directement le transport fluvial : l’objectif était de porter de 14 % à 25 % la part cumulée du fret ferroviaire et du fret fluvial dans le transport de marchandises.

Ce texte tardif et de portée limitée masque donc de véritables enjeux en matière d’investissements pour l’avenir et de développement des modes de transport « doux » sur le plan environnemental. Nos infrastructures fluviales n’ont plus été modernisées depuis le programme Freycinet des années vingt !

Comment pouvons-nous espérer renforcer la compétitivité de nos entreprises de la batellerie, promouvoir le transport fluvial et développer la plurimodalité en donnant un hinterland à nos grands ports maritimes si nous ne consentons pas pour la voie fluviale un effort en matière d’équipement et d’infrastructures ?

C’est par exemple un enjeu vital pour ma ville de Conflans-Sainte-Honorine, où nous travaillons à une grande opération d’intérêt national avec Ports de Paris, qui favorisera à terme l’articulation entre les modes de transport, depuis le grand port du Havre jusqu’à l’Île-de-France.

Les enjeux sont énormes. Nous devons remettre en état un réseau qui ne répond plus aux normes internationales, accroître les capacités et les gabarits du réseau principal, sécuriser les voies, garantir la mise en conformité environnementale du réseau et de son exploitation, permettre l’essor du réseau secondaire dans les domaines du tourisme, des loisirs et de la plaisance, qui sont réellement porteurs à l’échelon local.

Je ne peux que me borner à évoquer ces grands enjeux, qui ne sont malheureusement pas l’objet principal du présent texte, mais auraient dû être celui d’un véritable plan de relance de la voie d’eau, dont nous avons beaucoup entendu parler mais que nous n’avons jamais véritablement vu venir…

Voilà pourquoi nous tenterons encore d’améliorer le projet de loi au cours de cette deuxième lecture, dans un esprit toujours constructif.

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