Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 18 janvier 2012 à 14h30
Séjour des étudiants étrangers diplômés — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

Par ailleurs, l’intérêt premier de l’APS est d’accorder six mois de séjour aux jeunes diplômés pour leur permettre de trouver du travail. Or, jusqu’à présent, ces étudiants recevaient des offres d’emploi avant même d’avoir leur diplôme !

Enfin, à aucun moment la notion de « première expérience professionnelle » n’est définie. Le fait de changer d’intitulé de poste dans la même entreprise marque-t-il, par exemple, la fin d’une première expérience ? Peut-on affirmer, comme M. Wauquiez, qu’une première expérience professionnelle se caractérise par une durée de dix-huit mois maximum ?

La nouvelle circulaire ne précise pas ces points et fixe même une condition supplémentaire : l’attestation conjointe employeur-établissement de formation, laquelle sera facilement attribuée aux élèves des grandes écoles, mais plus difficile à obtenir pour les étudiants d’université.

C’est pourquoi les conditions ne sont toujours pas réunies pour inciter les étudiants à privilégier cette option. De toute évidence, la réglementation relative à l’application de l’article L. 311-11 dénature la volonté du législateur et s’apparente à un contournement du droit. C’est pourquoi les étudiants diplômés continueront, pour 95 % d’entre eux, à demander un changement de statut plutôt que l’APS.

Concernant le changement de statut, on déplore encore trop d’ambigüités, d’autant plus que, jusqu’au 31 mai dernier, il était rare que la demande d’un étudiant étranger diplômé à un niveau bac+5 – polytechnicien, diplômé d’HEC, ingénieur, titulaire d’un contrat ou d’une promesse d’embauche – soit refusée dans les conditions ubuesques qui nous ont été rapportées. L’application d’une politique du chiffre à l’examen de ces dossiers a engendré une situation aberrante.

En vérité, mes chers collègues, la circulaire « Guéant 1 » n’était pas le fruit d’un malentendu. Elle ne résultait ni d’un manque de perspicacité ni d’un manque de clairvoyance, mais probablement d’un simple calcul électoral. Ce dernier ne vous a manifestement pas profité et a eu pour effet collatéral de saborder les intérêts de la France. C’est pourquoi certains ont pu qualifier ce texte de faute économique. La nouvelle circulaire, pour sa part, entretient des ambiguïtés qu’il aurait fallu dissiper.

Vous me permettrez donc, monsieur le ministre, de vous poser quelques questions, afin que vous puissiez clarifier vos intentions.

En ce qui concerne l’application de l’article L. 311-11 du CESEDA, comptez-vous modifier le calendrier pour la procédure de demande d’APS ?

Comment définissez-vous une première expérience professionnelle ?

Surtout, pouvez-vous confirmer que la situation de l’emploi ne pourra être opposée aux demandes de renouvellement des titres de séjour ?

Pour ce qui concerne l’examen des demandes de changement de statut d’étudiants à salariés, pouvez-vous confirmer que des critères tels que l’intérêt stratégique de l’entreprise, la mobilité encadrée, l’excellence du parcours du candidat prévaudront sur la situation de l’emploi ? Autrement dit, les dossiers seront-ils examinés au regard de l’attractivité de nos universités et de nos entreprises, ou simplement au regard de la situation de l’emploi ?

Quelle est l’articulation entre les deux circulaires ? Puisque vous ne faites pas mention d’un remplacement de la première par la seconde, les préfectures pourront-elles toujours faire référence à la première ?

Pourquoi faire de Pôle emploi le référent en matière de situation de l’emploi alors même que cet organisme n’a plus de monopole dans ce domaine et que les entreprises concernées par ces profils spécifiques n’y ont pas recours ?

Enfin, qu’adviendra-t-il des quelque 700 étudiants qui ont déposé leur dossier ? À ce jour, soit ils n’ont pas encore eu de réponse, soit ils ont obtenu une réponse négative, souvent sans fondement. Leur dossier sera-t-il examiné d’office ou devront-ils recommencer l’ensemble de la procédure et s’acquitter une fois de plus des frais de dossier ? À qui doivent-ils s’adresser dans ce dernier cas ? Enfin, quel est le sort des étudiants qui avaient une promesse d’embauche, mais qui n’en disposent plus ?

Les étudiants et leurs employeurs attendent des réponses précises sur ces questions.

De toute évidence, la nouvelle circulaire ne résout ni les difficultés de mise en œuvre de l’autorisation provisoire de séjour ni les incertitudes entourant les critères recevables lors d’une demande de changement de statut. C’est pourquoi nous appelons non seulement à un retrait des deux circulaires, mais aussi à une nouvelle rédaction, moins restrictive, de l’article L. 311-11 du CESEDA relative à l’APS.

À regrets, la France constate depuis quelques mois que sa destinée est en partie entre les mains des agences de notation internationales. Nous le voyons tous : la mondialisation, réduite à sa seule dimension économique et financière, constitue, en l’absence de régulation, un facteur de désordre planétaire.

Pour le groupe socialiste, il est urgent de transformer la mondialisation en civilisation. C’est à cette seule condition que nous parviendrons à lutter contre le « choc des ignorances » qui gangrène notre avenir commun. L’accueil et la formation des étudiants étrangers, mais aussi la mise en œuvre d’une nouvelle politique des migrations, et non plus d’une politique d’immigration, fondée sur des critères justes, pertinents, lisibles et durables, répondent à cet impératif d’une mondialisation humanisée. Cela participe de notre ambition d’une France plus forte, contrairement à une politique du chiffre, qui, je le répète, est une défaite de la pensée.

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