Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pédagogie, c’est l’art de la répétition. C’est pourquoi je vais répéter à cette tribune quelques-uns des motifs de satisfaction soulignés par Mme le rapporteur de la commission des lois, dont je voudrais saluer le travail et le sens du consensus.
Je signalerai néanmoins les limites du présent projet de loi et l’importance de certains points, qu’il ne faut pas perdre de vue.
Tout d’abord, ce texte scelle un dialogue social bienvenu, même s’il intervient trop rarement dans notre pays. On peut cependant voir dans son examen une conséquence des échéances électorales qui doivent avoir lieu dans trois mois…
Oui, ce texte va réduire la précarité ! Or, il faut le dire, jusqu’à ce jour, l’État n’a pas toujours été un bon employeur. Bien qu’il se veuille exemplaire, il a souvent donné un mauvais exemple. J’en veux pour preuve les emplois précaires détenus par des centaines de milliers de personnes, le temps partiel subi, les conditions de travail dégradées, une mobilité imposée, l’impossibilité pour le contractuel de savoir si son contrat sera renouvelé ou non ou pour les enseignants de savoir s’ils retrouveront ou non un poste à la rentrée suivante.
Au-delà des chiffres qui ont été cités tout à l’heure, je veux insister sur une réalité. Dans la fonction publique, autour des 800 000 personnes exerçant un emploi précaire gravitent 4 millions de personnes, qui, elles aussi, connaissent la précarité. Contrairement à ce que l’on peut penser, la précarité affecte non seulement l’industrie, le secteur des services, mais aussi les services de l’État et des collectivités territoriales.
Certes, nous ne pouvons que saluer les avancées qui nous sont proposées, telle la résorption de cette poche de précarité devenue extrêmement importante au fil des ans. Nous ne pouvons que louer le souci de mieux définir le CDI applicable dans la fonction publique, afin de disposer d’une loi plus lisible, plus sûre, de contrats harmonisés, de conditions de renouvellement plus claires et de garanties de passage d’un CDD à un CDI.
Ainsi que l’a signalé Mme le rapporteur, sur tous ces points, les syndicats souhaitent – ils nous l’ont fait savoir – que la représentation nationale prenne acte des accords qui ont été trouvés. Nous ne pouvons que les entendre.
Pour autant, il nous semble important de ne pas remettre en cause le statut de la fonction publique, si malmené ces dernières années par des mesures ultralibérales, dissimulées derrière des expressions telles que « management » ou « nouvelle gestion des ressources humaines » ; malheureusement, la réalité n’est pas à la hauteur de ce que laissent entendre les mots !
Nous tenons à souligner l’attachement des écologistes au maintien du statut de la fonction publique, et nous sommes très satisfaits que, aujourd’hui, un certain nombre de personnes exerçant des fonctions au service de l’État ou des collectivités territoriales puissent quitter la précarité et bénéficier d’une situation plus digne, plus stable.
Pour l’avenir, nous ne sommes pas favorables à la casse systématique de la fonction publique, telle que l’organise notamment une RGPP aveugle, qui supprime mécaniquement un emploi sur deux, ce qui conduit ensuite à recruter des personnels précaires pour « boucher les trous », c'est-à-dire en fait pour assurer des missions du service public que des fonctionnaires en nombre insuffisant ne sont plus en mesure de remplir eux-mêmes.
Le texte que nous discutons aujourd’hui ne doit pas masquer la question très importante du statut de la fonction publique et du fonctionnement des services publics dans notre pays.
Autrement dit, la posture dogmatique que traduit la RGPP nous semble devoir être revue et, à cet égard, le présent projet de loi nous paraît extrêmement important.
Les écologistes demandent l’arrêt de l’hémorragie, notamment dans l’éducation nationale. Lorsque nous retournons dans nos départements, nous entendons parler de dizaines d’emplois supprimés. On supprime des emplois et l’on demande ensuite à Pôle Emploi de trouver des enseignants pour les embaucher sur des contrats précaires ! Monsieur le ministre, il y a quelque chose qui ne va pas dans cette logique ! L’éducation nationale exige, comme l’ensemble de la fonction publique, une autre façon de fonctionner !
Nous ne sommes pas favorables au démantèlement du service public que nous voyons actuellement se dessiner. Même si le présent projet de loi donne de nombreux motifs de satisfaction, il ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Nous voulons des services publics de qualité et une fonction publique de qualité. Même si nous nous réjouissons pour toutes les personnes à qui ce texte va permettre de sortir de la précarité, par une « CDIsation » ou par l’accès à la fonction publique via des concours adaptés, les mesures prises aujourd'hui ne doivent en aucun cas faire oublier ce qui se passe actuellement en France.
Nous aimerions également qu’une réflexion réellement approfondie soit menée sur les deux points suivants.
Tout d'abord, nous pouvons faire beaucoup mieux en matière d’égalité hommes-femmes dans la fonction publique. Comme l’a souligné Mme le rapporteur, en dépit des avancées notables prévues par le projet de loi, la situation reste préoccupante, l’État étant loin d’être exemplaire et les collectivités territoriales pouvant, elles aussi, faire des progrès.
Il faut également prendre en considération un problème que ce projet de loi ne traite pas, à savoir le fait que, lorsqu’une personne signe un CDI pour un poste de catégorie A, elle peut travailler à plein-temps, tandis que la personne qui a enchaîné plusieurs CDD et signe un CDI pour un poste de catégorie B ou C ne pourra travailler, dans certains ministères, qu’à 70 % du temps. Cela signifie que les plus précaires sont punis deux fois et sont obligés de trouver un emploi complémentaire pour vivre dignement alors qu’ils sont au service de l’État. Il me paraît indispensable de s’atteler aussi à cette question.
Le second point sur lequel nous souhaitons qu’on approfondisse la réflexion est l’emploi des personnes en situation de handicap. La commission des lois a essayé, sous la conduite d’un certain nombre de nos collègues, d’apporter des améliorations, mais elles nous paraissent très modestes, car nous pouvons faire beaucoup mieux.
Le système actuel est complètement ubuesque. Certaines normes sont inapplicables : un collègue a cité ce matin, de manière très pertinente, le cas des personnels de sécurité et des pompiers, chez qui un certain nombre de postes doivent être réservés à des personnes en situation de handicap, alors qu’il faut, pour être pompier, être en parfaite santé et, par exemple, avoir au moins 8/10 à chaque œil… On comprend bien pourquoi !
Tant que nous ne saurons pas réformer ce système qui comporte des injonctions complètement contradictoires – et c’est aussi ici que cela peut se faire –, nous ne parviendrons pas à favoriser davantage l’accès à l’emploi stable des personnes en situation de handicap.
Nous pensons donc que ce projet de loi, même s’il est intéressant, ne va pas assez loin. Il faut faire beaucoup plus, il faut faire beaucoup mieux ! En tout cas, concernant l’égalité hommes-femmes et l’emploi des personnes en situation de handicap, ce texte nous semble beaucoup trop modeste et nous laisse sur notre faim.
Le dernier sujet que je souhaitais aborder est la formation.
Nous prenons acte de l’accord très important qui permettra de « déprécariser » un certain nombre de personnes. Toutefois, nous pensons qu’il est aussi très important de ne pas négliger l’effort de formation de ces personnes qui, pour certaines, subissent un véritable traumatisme parce qu’elles ont enchaîné des contrats, ont été malmenées, ont vécu des situations stressantes et angoissantes.