Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 25 janvier 2012 à 14h30
Agents contractuels dans la fonction publique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, il n’est pas si fréquent qu’un texte étudié et présenté dans les circonstances actuelles fasse l’objet d’un vrai consensus, ce qui mérite d’être salué haut et fort.

Oui, monsieur le ministre, je veux rendre hommage aux conditions d’écoute et de dialogue qui ont prévalu durant l’élaboration de ce projet de loi, un texte sensible, aux enjeux nombreux pour qui connaît l’histoire de la fonction publique depuis 1984, avec ses trois versants que sont la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, le un et le multiple, la diversité dans l’unité.

Exercice redoutable que de vouloir faire prévaloir des règles communes pour des institutions dont les besoins, les modes de gestion et de fonctionnement sont – personne ne saurait le contester – spécifiques et qui, cependant, nécessitent absolument de se retrouver sur des fondamentaux partagés.

Exercice largement réussi, parce que, sous votre autorité, monsieur le ministre, les acteurs principaux – je ne veux en aucun cas parler de « partenaires » –, chacun dans son rôle, ont écouté, entendu et agi dans l’intérêt de celles et ceux qui sont concernés au premier chef par ce projet de loi : les agents fragilisés de la fonction publique, dont les situations de précarité nécessitaient d’être corrigées.

Exercice doublement réussi avec la vigilance de notre excellente collègue rapporteur de ce projet à la commission des lois, qui a enrichi le texte pour qu’il soit réellement mis fin à ces enchaînements insupportables de contrats à durée déterminée, les uns après les autres, et que soient valorisés les acquis : ces deux principes paraissent évidents, mais il a pourtant fallu des années pour qu’ils soient inscrits dans ce texte !

Il est d’autant plus méritoire d’être parvenu à ce texte équilibré que le contexte de la révision générale des politiques publiques, telle qu’elle est appliquée actuellement dans la fonction publique d’État, c’est-à-dire au couperet, n’était pas le plus porteur.

Je n’étais probablement pas la seule à m’être inquiétée des récents propos tenus par le Président de la République lors de la cérémonie des vœux aux parlementaires pour inciter les élus locaux à suivre l’exemple de l’État en réduisant, mathématiquement parlant, le nombre d’emplois de leurs fonctionnaires territoriaux !

Monsieur le ministre, je voudrais réagir, comme d’autres l’ont fait avant moi, et réfuter l’idée que les 350 000 dernières créations d’emplois seraient intervenues dans la fonction publique territoriale, hors transferts de ressources entre l’État et les collectivités locales, de façon inconsidérée.

La RGPP s’applique, chacun le sait, autant aux collectivités locales qu’à l’État ; mais cette révision n’a pas pour objet de réduire les effectifs. Elle vise d’abord à la rationalisation, la réorganisation des modes de fonctionnement avec pour conséquence, le cas échéant, une réduction des effectifs, et non pas le contraire.

Je ne serai pas aux côtés de celles et ceux qui refuseraient d’admettre ou simplement de constater les créations d’emplois dans la fonction publique territoriale, mais je ne saurais pas davantage ignorer les métiers nouveaux, les compétences nouvelles que ces mêmes collectivités ont dû intégrer dans le paysage habituel des ressources humaines : tous les services à la personne par exemple, cela a été cité, les métiers de l’ingénierie, et tant d’autres…

Il n’est donc pas étonnant que les collectivités aient été incitées à employer un nombre de contractuels et d’agents non titulaires dont les compétences ou les fractions de temps plein d’activité étaient mal ou peu adaptées aux règles d’emploi imposées par les cadres d’emplois.

Dans la fonction publique hospitalière, une augmentation identique des effectifs d’agents contractuels ou non titulaires occupant des emplois permanents a été enregistrée en raison de l’évolution de la politique médico-sociale.

Il était donc grand temps d’actionner le levier du statut de la fonction publique pour redonner cohérence et stabilité à un dispositif qui a fait la fierté et la force de l’administration française.

Je ne reprendrai pas ici l’ensemble des mesures qu’il nous est proposé d’adopter – elles sont résumées dans le rapport de Catherine Tasca – dans le texte de la commission des lois. Je voudrais en revanche relever quelques-unes des dispositions qui me paraissent corriger de réels dysfonctionnements au rang desquels figurent : la précarisation d’une partie de la fonction publique, précarisation injustifiée au regard des conditions normales de recrutement – non-publicité des vacances d’emploi, emplois de contractuels déguisés, recours abusif à des remplacements – ; le cloisonnement excessif entre les fonctions publiques, et au sein même des fonctions publiques ; la rigidité appliquée au fractionnement des temps de travail, adaptation nécessaire aux besoins des collectivités locales en fonction de leur taille ; enfin, l’absence de lieux de dialogue pour la gestion et le suivi des situations d’emploi des non-titulaires.

Sur l’ensemble de ces points, le texte qui nous est présenté a dégagé des voies d’amélioration qui, sans imposer des mesures qui viendraient réduire l’autonomie des collectivités, clarifient les règles d’emploi, les harmonisent entre les trois fonctions publiques, facilitent la mobilité interne et externe, offrent la souplesse nécessaire à l’adaptation aux besoins propres aux différents employeurs.

De manière tout aussi opportune, sont créées les instances consultatives relatives au personnel contractuel et aux non-titulaires, agents jusqu’ici écartés de ces lieux d’évocation des situations et des parcours professionnels.

Au-delà de ce constat, je ne peux qu’émettre le vœu qu’à chacun des niveaux de décision et de gestion, les mesures inscrites dans ce projet de loi puissent être réellement mises en œuvre, qu’aucune frilosité, aucune attitude corporatiste ne vienne freiner les mesures auxquelles les acteurs concernés ont, unanimement ou presque, donné leur accord.

Enfin, j’évoquerai les dispositions spécifiques relatives aux membres du Conseil d’État, du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel et du corps des chambres régionales des comptes.

En la matière, le registre diffère, puisque ces mesures consistent en une amélioration du fonctionnement des juridictions administratives et financières, dont les membres manifestent leur impatience de voir vivre une réforme qu’on leur promet depuis trop longtemps.

Le présent texte tend à ouvrir ces juridictions à des promotions internes ou à des accueils en mobilité, dont l’objectif sera de revitaliser le vivier des hauts fonctionnaires, soumis à des contraintes et à un cloisonnement peu favorables aux confrontations d’expériences.

Au total, monsieur le ministre, même si ce projet de loi comporte encore quelques imperfections que les auteurs des différents amendements ne manqueront pas de souligner, le groupe auquel j’appartiens se plaît à reconnaître le bien-fondé des dispositions arrêtées. C’est pourquoi ses membres voteront ce texte, assurés que vous mobiliserez toute votre énergie pour que son application puisse être assurée à la fois vite et bien. §

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