À ce titre, je défendrai un amendement afin que la date butoir puisse être fixée au premier jour des épreuves, disposition qui, du reste, avait été validée par le protocole d’accord.
Le projet de loi prévoit également l’obligation d’accorder un CDI à un agent contractuel dès lors qu’il a été employé six années durant au sein d’un même ministère au cours des huit dernières années à la date de publication de la loi.
En outre, l’ancienneté exigée sera réduite à trois ans pour les agents âgés d’au moins cinquante-cinq ans à la date de la publication de la loi.
De plus, l’ancienneté pourra être acquise de manière discontinue, ce qui constitue une avancée, puisqu’une interruption de trois mois entre deux contrats sera désormais tolérée.
Toutefois, ce texte n’est pas encore voté que nous en constatons déjà des effets pervers : ainsi, certaines administrations – notamment dans l’enseignement supérieur ou au sein du ministère des affaires étrangères – refusent de renouveler des CDD afin d’empêcher leurs titulaires de bénéficier d’un CDI.
Monsieur le ministre, de semblables attitudes doivent être condamnées, car elles constituent une violation de l’esprit du projet de loi que nous discutons présentement. Dans ce cadre, je compte sur votre écoute pour résoudre les problèmes que nous pourrions être conduits à vous signaler.
C’est également pour cette raison que j’ai déposé, avec plusieurs de mes collègues, un amendement qui tend à empêcher l’administration de justifier le non-renouvellement d’un CDD par le seul intérêt du service. Le « CDD Kleenex », qui affranchit l’administration de toute gestion de ses ressources humaines, n’est acceptable ni pour les personnels ni pour la qualité du service et sa pérennité.
Voici le témoignage d’une enseignante en université : « Les universités emploient en effet de multiples intervenants en qualité d’enseignants contractuels. Ces enseignants possèdent la qualification et l’expérience requises pour pouvoir enseigner à ce niveau du système éducatif. Bien souvent, les cours dont ils ont la charge nécessitent par ailleurs une spécialisation particulière, peu répandue parmi les enseignants titulaires, qu’ils soient professeurs des universités, maîtres de conférences ou agrégés du secondaire.
« Au fil des années, les universités, pour pouvoir conserver ces enseignants, ont imposé différents types de contrats – lecteur, attaché temporaire d’enseignement et de recherche, contractuel d’enseignement, vacataire, et j’en passe – qui n’ont contribué qu’à pérenniser leur précarité. Parfois, l’enseignant en poste se voit attribuer un contrat à durée déterminée de six mois, à temps plein ou à temps partiel, à l’issue duquel il est rétrogradé à un autre régime encore plus fragile, celui de vacataire : il assure ainsi ses enseignements et les tâches adjacentes qui lui incombent, notamment le suivi des étudiants, pendant une année universitaire complète, mais en n’en étant salarié que durant la moitié de celle-ci.
« L’université conserve de la sorte des enseignants compétents, dont l’utilité est reconnue, sans pour autant leur fournir un statut stable, par exemple en leur proposant un contrat à durée indéterminée, ainsi que le prévoit la loi. Cette instabilité contractuelle permanente et le manque de reconnaissance statutaire ont pour conséquence que les enseignants ne disposent d’aucune perspective d’évolution de carrière et que leurs droits à la retraite deviennent sérieusement limités.
« Aujourd’hui, des enseignants contractuels, enseignants précaires, assurent les cours en master 1 et master 2, les cursus qui requièrent le plus de qualifications. Ils font partie des jurys de mémoires et de diplômes. On fait très souvent appel à eux pour remplacer les enseignants titulaires pour la surveillance des examens, pour assurer une permanence lors de journées portes ouvertes ou pour bien d’autres services, pour lesquels ils ne sont d’ailleurs souvent pas rémunérés. En un mot, ils effectuent les mêmes tâches que les titulaires et, dans de nombreux cas, depuis plus de dix ans.
« Mais, à cause des “pauses contractuelles” qu’on leur impose, ces enseignants contractuels se retrouvent bien souvent empêchés d’avoir les six années d’ancienneté requises par la nouvelle loi pour pouvoir être titularisés ou passer sur un contrat à durée indéterminée, alors même qu’ils ont une ancienneté bien supérieure dans la même université et que leurs activités professionnelles y ont été, de fait, continues. »
Pourtant, le texte actuellement en discussion ne corrige rien de tout cela. Au contraire, les effets pervers de la loi appliquée par une administration tétanisée par la RGPP vont aggraver de nombreuses situations. Les étudiants seront ainsi privés d’enseignants compétents, qui font de surcroît preuve, le plus souvent, d’une forte implication pédagogique, ce qui n’améliorera pas de ce point de vue la situation des universités françaises.
En voulant lutter contre la précarité, on incite certaines administrations à ne pas renouveler les contrats avec les mêmes intervenants, afin que ces derniers ne puissent pas bénéficier de la loi : cela n’est pas acceptable !
Au ministère des affaires étrangères, les 5 000 recrutés locaux ne sont pas concernés par ce plan, ce qui est regrettable pour certains d’entre eux, compte tenu des fonctions fondamentales pour nos services qui leur sont confiées.
Les assistants techniques sont également exclus de ce plan. Cette exclusion est compréhensible lorsqu’il s’agit de faire appel à leurs compétences pointues pour une période donnée. Toutefois, certains d’entre eux répondent à des besoins récurrents et ne devraient pas entrer dans cette catégorie.
Et je ne parle pas des personnels à qui l’on propose un changement de contrat à l’occasion de la mise en place de l’Institut français.
Au demeurant, ce n’est pas seulement une histoire de statut. Si nous voulons conserver, préserver et renforcer notre capacité d’influence et d’action dans le monde, nous devons respecter tous ceux qui y contribuent.
Il ne faut pas oublier non plus le recours aux stagiaires et aux volontaires internationaux, qui acceptent ces emplois pour avoir une première expérience à l’étranger, mais qui se retrouvent souvent, après leur mission, sans emploi et sans aucune protection sociale.
Aucune personne qui effectue une mission, même provisoire, au sein d’une administration publique ou de l’un de ses établissements rattachés ne devrait être dans une telle situation, y compris à l’étranger.
Au ministère des affaires étrangères, sur les 1 800 agents qui sont encore en CDD, seuls 3 % sont susceptibles d’obtenir une titularisation, et 3 % un CDI. Cela souligne bien que, malgré les effets d’annonce, le projet de loi est profilé pour ne rien changer à la politique de gestion de la fonction publique du Gouvernement, bien au contraire.
Les administrations justifient souvent les CDD par des besoins spécifiques de personnels, qui ne sauraient faire l’objet de formations ou d’un suivi de carrière.
Lorsqu’ils ne sont plus assez opérationnels, l’administration les rejette et les remplace. C’est déplorable ! La formation professionnelle des personnels en CDD est donc indispensable. L’administration est un mauvais employeur, car elle ne prévoit aucune évolution de carrière pour son personnel contractuel.
La lutte contre la précarité est essentielle. C’est une question de dignité et d’efficacité.
Sur le plan de la dignité, il n’est pas concevable qu’un salarié accomplisse toute sa carrière avec la peur au ventre que son engagement ne soit pas renouvelé, jonglant entre différents types de contrats. Maintenir des personnels dans de telles situations, c’est en outre leur limiter, voire leur empêcher tout accès au crédit et au logement dans des conditions autonomes, ce qui devrait pourtant être le cas de tous ceux qui travaillent.
Sur le plan de l’efficacité, c’est les empêcher de s’impliquer totalement dans leur travail ; c’est renoncer à avoir une démarche d’amélioration progressive de leurs compétences et de leur projet professionnel ; c’est, finalement, une atteinte à la qualité du service public.
La demande que nous formulons à l’État n’est pas extravagante. Il s’agit simplement d’une exigence d’exemplarité. Pourquoi l’État s’affranchirait-il des règles qui s’imposent – qu’il impose – au secteur privé ?
L’État considérerait-il qu’il est préférable de recourir à « l’emploi Kleenex » plutôt que d’assurer un suivi de carrière, une progression et une formation pour tous ses contractuels ? C’est ce suivi qui permettrait d’avoir une gestion plus efficace des ressources humaines, gage à la fois d’économies et de qualité.
Malgré le principe de l’unicité de l’État, ce texte permet de multiplier les types d’employeur – département ministériel, établissement public… Cette solution de facilité permet d’échapper à une vision d’ensemble, qui imposerait une gestion plus rigoureuse mais aussi plus humaine de l’ensemble des agents travaillant pour l’État.
Pour l’heure, malgré toutes ces réserves et en dépit de son caractère ambigu au regard de la politique qui frappe la fonction publique depuis 2007 – qu’il s’agisse de son périmètre d’action ou de ses moyens –, nous voterons ce texte, par respect pour l’accord conclu avec les organisations syndicales, après lui avoir apporté quelques améliorations dont nous allons maintenant discuter.