Intervention de Christian Favier

Réunion du 25 janvier 2012 à 14h30
Agents contractuels dans la fonction publique — Article 1er, amendement 36

Photo de Christian FavierChristian Favier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article 1er, il nous est proposé de déroger à l’article 19 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.

Ce dernier article est pourtant fondamental, puisqu’il organise le mode de recrutement au sein de la fonction publique, lequel n’est pas anodin ! Il constitue même un élément essentiel du service public, puisqu’il permet de le différencier du secteur privé tout en étant un paramètre d’égalité entre les citoyens.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’a été reconstruite la fonction publique, trois principes se sont dégagés : ceux de responsabilité, d’indépendance et d’égalité.

Les services publics et la fonction publique se sont, dès le début, inscrits en rupture avec le secteur privé.

Alors que ce dernier répond à des impératifs de rentabilité financière, les services publics se sont construits autour d’un principe fondateur et rassembleur : la défense de l’intérêt général. La fonction publique est alors considérée comme l’opérateur chargé de donner corps à ce principe.

Cette conception du service public impose naturellement que les fonctionnaires ne puissent en aucun cas se voir imposer par quiconque des mesures qui détourneraient le service public de sa mission universelle. C’est la raison pour laquelle la loi prévoit clairement : « Le fonctionnaire est, vis-à-vis de l’administration, dans une situation statutaire et réglementaire. » Cela veut dire que les fonctionnaires ne sont pas dans une position contractuelle et que leur statut est entièrement et uniquement défini par la loi, seule celle-ci faisant l’objet d’un débat démocratique, alors que le contrat est une affaire privée.

Voilà pourquoi nous sommes attachés au statut général de la fonction publique et opposés à la multiplication des contrats inspirés du droit privé, y compris le CDI.

L’accès par concours est un élément fondamental de ce statut. D’une certaine manière, c’est même une condition de la réalisation de l’objectif des services publics.

Tout d’abord, il correspond au principe d’égalité fondé sur l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel : « Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. ». Or, vous en conviendrez, mes chers collègues, le concours est, par nature, la seule manière en droit d’assurer l’égalité d’accès des citoyens à la fonction publique.

Mais l’accès par concours est également une condition de la réalisation même de la mission de service public, à savoir la poursuite de l’intérêt général. Par conséquent, les services publics n’appartiennent à personne ou plutôt ils appartiennent à tous. Et, si tel est le cas, on ne peut laisser à personne le choix, potentiellement arbitraire, de sélectionner les femmes et les hommes qui se voient confier cette mission. Départager les postulants est donc le rôle du concours.

Pour autant, rejeter cet article qui organise temporairement une dérogation au principe de l’accès par concours à la fonction publique au bénéfice de la reconnaissance des acquis professionnel des agents publics non titulaires reviendrait – il faut bien le dire ! – à interdire à ces agents de rompre avec la précarité et, de fait, à les renvoyer à un contrat, contrat que nous dénonçons comme étant une atteinte au statut général de la fonction publique.

Nous sommes face à une situation paradoxale ! En effet, il nous faut arbitrer entre deux atteintes au statut : soit rejeter cet article et accepter que des non-titulaires occupent des emplois permanents, soit l’adopter et accepter que l’on puisse devenir titulaire sans passer par le concours. De ces deux entorses au statut, cette dernière nous paraît évidemment moins grave et plus juste socialement.

Cet article organise la titularisation par la reconnaissance des qualités professionnelles et des compétences d’hommes et de femmes qui concourent déjà à l’accomplissement des missions du service public. Leur fermer la porte de la titularisation reviendrait à nier leur apport au service public et, d’une certaine manière, à les rendre responsables d’une situation qu’ils subissent plus qu’ils ne l’ont choisie.

Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de cet article 1er. Madame la présidente, j’ajoute que, compte tenu des éléments qui nous ont été fournis ce matin en commission des lois, nous retirons l’amendement n° 36.

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