Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les agents contractuels occupent une place importante au sein de la fonction publique. En 2009, celle-ci ne comptait pas moins de 890 598 agents non titulaires, soit 16, 8 % de ses effectifs, en augmentation de 2, 1 % par rapport à 1998.
Le ministère des affaires étrangères et européennes est particulièrement friand de cette catégorie d’agents.
Les contractuels constituent aujourd’hui près d’un tiers de ses effectifs, dont 80 % en CDD. Ainsi le Quai d’Orsay emploie-t-il plus de 1 800 agents contractuels, parmi lesquels des agents non titulaires de l’administration centrale et des services diplomatiques et consulaires ou des agents non titulaires du réseau culturel.
Or seuls cinquante d’entre eux pourront bénéficier d’une titularisation et un nombre identique d’une CDIsation, soit à peine 3 % dans chacun des cas.
De surcroît, il nous faut envisager aussi les assistants techniques, au nombre de 580, et, surtout, plus de 5 000 recrutés locaux, véritables prolétaires du MAE, qui ne seront pas éligibles au dispositif mis en place par le texte que nous examinons aujourd’hui.
Nous partageons effectivement la volonté du Gouvernement de réduire les situations de précarité dans la fonction publique, qui se sont largement développées ces dernières années non seulement à cause, comme je l’ai évoqué, de l’accroissement du nombre de contractuels, mais aussi, et il est important de ne pas l’oublier, du fait de la politique menée par la majorité présidentielle, ces dernières années, qui a engendré une baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires.
Mais cette analyse des bénéfices de la réforme pour les agents contractuels des affaires étrangères nous révèle que ce projet de loi ne saurait être la panacée, tant s’en faut.
Un autre exemple des limites de ce texte réside dans cet article 3, qui étend le bénéfice du dispositif de titularisation aux agents remplissant les conditions d’accès à un CDI, en application de l’article 7 du projet de loi.
En effet, contrairement aux plans de titularisation mis en œuvre par le passé, le dispositif prévu se double d’une proposition obligatoire par l’administration d’un CDI aux agents en CDD remplissant certaines conditions d’ancienneté qui n’auraient pas accès à l’emploi titulaire ou qui ne souhaiteraient pas y avoir accès.
Si cette disposition va dans le bon sens, elle recèle aussi un effet pervers : tout simplement le non-renouvellement de CDD par le ministère des affaires étrangères, précisément dans le but d’échapper à cette disposition.
Notre réseau culturel à l’étranger est particulièrement concerné, puisque, en l’absence d’une réelle professionnalisation des carrières, il compte une majorité d’agents contractuels, recrutés au sein de divers milieux professionnels. Ces agents sont les véritables artisans de cette diplomatie culturelle « à la française » que de nombreux pays nous envient, du moins encore un peu.
Or nombreux sont ceux à qui l’État a proposé, pendant des années, de véritables « chaînes » de CDD et qui se voient aujourd’hui refuser un dernier contrat, alors même que, pour citer une douloureuse situation qui vient de m’être soumise, seuls trois mois supplémentaires de contrat, sur douze ans d’emploi, auraient, par exemple, été nécessaires pour une CDIsation.
Ces agents ressentent une profonde amertume que je comprends bien, tant cette attitude du ministère des affaires étrangères est inacceptable : après s’être joué de la réglementation pendant tant d’années, il devrait aujourd’hui prendre ses responsabilités.
Il importe donc de bien garder à l’esprit que ce projet de loi, s’il vise à résorber les situations de précarité, va, dans certains cas, les multiplier davantage encore.