Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 23 janvier 2012 à 15h00
Répression de la contestation de l'existence des génocides — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Il faut surtout souligner que la proposition de loi sur laquelle nous nous prononçons aujourd’hui vise à incriminer la contestation ou la minimisation d’un génocide quand elle est faite de façon outrancière.

Le fait d’ajouter par rapport au texte de mai dernier l’élément intentionnel, fondamental en droit pénal, permet au législateur de démontrer qu’il ne vise pas tant la contestation du génocide en tant que telle que l’incitation à la haine raciale dont elle est porteuse.

Pour ce qui serait une atteinte à la liberté d’expression, personne ne saurait contester que dans tout État démocratique la liberté d’expression connaît des limites. Ces limites ont ici, pour objet de prévenir toute incitation à la haine induite par le négationnisme.

Par ailleurs, cette proposition de loi ne transformera pas le Parlement en tribunal.

En effet, alors que la précédente proposition rejetée le 4 mai dernier était muette sur les éléments constitutifs du génocide contesté, l’actuelle proposition incrimine la contestation ou la minimisation d’un crime de génocide tel qu’il est défini par l’article 211-1 du code pénal. Le fait de renvoyer à une définition pénale du génocide lève le grief d’inconstitutionnalité relatif à une violation du principe de légalité des délits.

On ne peut donc plus accuser le Parlement de vouloir se muer en tribunal ; c’est seulement le juge qui, sur le fondement de l’article 211-1 du code pénal, sera amené à qualifier juridiquement les faits.

Rappelons qu’existent les verdicts des cours martiales de Constantinople en 1919 et en 1920 à l’encontre des principaux responsables et organisateurs du génocide. C’est précisément au cours de ces procès qu’a été reconnue la nature des crimes « contre la conscience de l’humanité » et « contre les normes universelles ».

La France ne sera pas, en outre, comme j’ai pu le lire dans le rapport de la commission des lois, le premier pays à mettre en place un tel dispositif législatif. La Slovaquie dispose d’une telle législation et la Suisse a déjà condamné un négationniste en considérant que la négation du génocide arménien était un motif qui appartient à la catégorie des « mobiles racistes et nationalistes qui ne relèvent pas du débat historique ».

Un autre argument employé contre ce texte serait que le vote de cette proposition de loi pourrait conduire à l’inconstitutionnalité de la loi de 2001. Ce fut, notamment, un des motifs avancés par Robert Badinter lorsqu’il vota l’exception d’irrecevabilité le 4 mai dernier contre la précédente proposition de loi. Je veux le remercier de la précieuse contribution qu’il continue d’apporter à nos débats, même hors du Sénat.

Cependant, je le souligne une nouvelle fois, le texte que nous examinons aujourd’hui diffère substantiellement de celui qui a été rejeté le 4 mai dernier. La présente proposition de loi vise à amender la loi de 1881 sur la liberté de la presse en y insérant un nouvel article, l’article 24 ter, alors que la précédente proposition exposait la loi de 2001, en l’amendant, à un risque de censure.

Certains considèrent que la France ne devrait pas intervenir faute d’avoir été directement impliquée dans les crimes perpétrés en 1915.

Je rappelle qu’un génocide est un crime contre l’humanité tout entière et non simplement un crime contre le groupe de personnes visées. Nous sommes donc tous concernés !

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