Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 23 janvier 2012 à 15h00
Répression de la contestation de l'existence des génocides — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Il ne s’agit aucunement de faire ingérence dans les rapports entre la Turquie et l’Arménie, mais il s’agit de veiller à préserver les valeurs de respect et de tolérance à l’intérieur de nos frontières.

Cette proposition de loi ne fera pas non plus obstacle à ceux qui s’emploient à une réconciliation arméno-turque. Ce n’est certainement pas en nous taisant que nous aiderons la Turquie à faire un travail de mémoire. Le mouvement de reconnaissance internationale du génocide arménien, qui est en marche depuis une vingtaine d’années, contribue fortement à influencer la société civile turque. Surtout, c’est pure naïveté ou cynisme de s’en remettre au seul dialogue des autorités turques et de la communauté arménienne pour que la Turquie reconnaisse enfin ce crime. Le sociologue et historien turc Taner Akçam nous exhorte au contraire à réveiller ce « fantôme » qui « hante » la Turquie pour mettre fin à la grande « solitude » des chercheurs, historiens et journalistes.

Hrant Dink, la veille de son assassinat disait justement : « Les seuls moments où on se souvient, c’est quand il y a une pression extérieure. »

Et le droit turc fait encore, je le rappelle, obstacle à ce dialogue, car tout débat est sanctionné ou risque de l’être au nom du délit de « dénigrement de la turcité ». Cette incrimination, insérée à l’article 301 du code pénal, fait pourtant l’objet de condamnations régulières par la Cour européenne des droits de l’homme, comme ce fut encore le cas le 25 octobre dernier sur saisine de Taner Akçam.

Enfin, certains estiment qu’il s’agit d’une loi à visée électoraliste. Un tel reproche ne peut être adressé aux socialistes, car nous sommes constants dans notre action. Mais il est vrai qu’on peut légitimement se poser la question pour le Chef de l’État, compte tenu de ses volte-face depuis 2007.

Nous aurions dû disposer de plus de temps pour mener un débat serein. Mais, je l’ai dit, seul le résultat compte, et il faut parfois profiter de ces moments particuliers que sont les campagnes électorales pour obtenir des soutiens auxquels on ne croyait plus. C’est le miracle de la démocratie !

Mes chers collègues, j’espère avoir démontré qu’aucun argument ne s’oppose finalement à l’adoption de cette proposition de loi.

Il y a un siècle, sidéré par le déchaînement de violence qui frappait les populations arméniennes de la Turquie ottomane, Jean Jaurès déclarait : « Nous en sommes venus au temps où l’humanité ne peut plus vivre avec, dans sa cave, le cadavre d’un peuple assassiné. » Cette phrase est toujours d’actualité.

Serge Klarsfeld nous a rappelé, le 18 janvier dernier, lors de son audition, combien la négation d’un crime contre l’humanité est toujours porteuse d’oubli et donc source de malheurs futurs.

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