Intervention de Ambroise Dupont

Réunion du 23 janvier 2012 à 15h00
Répression de la contestation de l'existence des génocides — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Ambroise DupontAmbroise Dupont :

Notre pays a mis des années à reconstruire une relation de confiance avec la Turquie après le vote de la loi de 2001 comme après chaque texte qui visait à la répression de la contestation de l’existence du génocide arménien, aspect que le rapport du Sénat de juin 2008 a parfaitement souligné.

De plus, nous jouons un rôle particulier dans le Caucase du Sud : la France copréside, sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le groupe de Minsk, lequel est chargé de trouver une solution négociée au conflit « gelé » du Haut-Karabagh, qui oppose l’Arménie et l’Azerbaïdjan. En 2011 encore, des pertes humaines ont été à déplorer de part et d’autre. Cette médiation sensible contraint la France à une neutralité exemplaire.

En tant que président du groupe d’amitié France-Caucase du Sénat et connaissant plus spécialement l’Azerbaïdjan, je suis naturellement très attentif à ce dossier et souhaite un retour à la paix dans les meilleures conditions possibles pour les populations. Tous les contacts que j’ai pu avoir au fil des années m’ont démontré à quel point ce conflit était aigu.

Quels que soient les efforts des négociateurs français, américains et russes, la réunion de ces conditions relèvera, bien sûr, de la bonne volonté des deux parties. Mais l’initiative dont nous débattons aujourd’hui, aussi louable soit-elle dans ses intentions, risque d’être contreproductive. Je crains qu’elle ne radicalise, de fait, les positions et n’affaiblisse ainsi l’action de la France. En fin de compte, la proposition de loi ne desservirait-elle pas la paix, que les pays de la région ont le droit de connaître et qu’ils attendent ?

Ici et là, des voix s’élèvent pour tirer argument de ce texte, dénoncer une prétendue partialité de la France et réclamer son éviction du groupe de Minsk. Des manifestations ont ainsi eu lieu devant notre ambassade à Bakou. Je déplore cette instrumentalisation.

La mission du nouveau négociateur français, l’ambassadeur Jacques Faure, n’en sera que plus délicate. À l’heure où celui-ci prend ses fonctions, je veux rendre ici hommage au travail de son prédécesseur, l’ambassadeur Bernard Fassier, qui aura tout entrepris, en toutes circonstances, pour montrer aux parties la neutralité et la détermination de la France.

Les présidents Sarkozy, Obama et Medvedev avaient appelé également les parties au conflit « à franchir un pas décisif vers un règlement pacifique » lors du dernier G8 de Deauville. C’est dire quelle action mène la France dans la résolution pacifique de ce conflit.

Comme beaucoup, j’estime qu’il faut encourager et soutenir les initiatives en Turquie qui tendent à rendre possible un examen dépassionné du génocide arménien, sujet qui, il faut le dire, demeure sensible. Un important travail de recherche historique et de pédagogie reste en effet à accomplir sur cette période troublée ; la France doit mettre tout son poids pour qu’il puisse s’accomplir.

Mieux vaut aussi favoriser les actions arméno-turques destinées à permettre l’établissement de relations apaisées entre les deux États. Souvenons-nous de la manière dont Français et Allemands ont su surmonter des décennies de rivalité et trois terribles guerres pour devenir des partenaires « clés » en Europe. J’entends encore le président Poncelet le rappeler à chaque occasion à ses visiteurs ici !

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