Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 23 janvier 2012 à 15h00
Répression de la contestation de l'existence des génocides — Article 1er

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

La Turquie vit depuis une dizaine d’années une transition démocratique. L’un des principaux moteurs de celle-ci a été l’ouverture de négociations en vue de son adhésion à l’Union européenne, une perspective bloquée depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Élysée.

Dénier une perspective européenne à la Turquie est une erreur historique : cela provoque des crispations remettant en cause l’aboutissement et la réalité de la transition démocratique portée par l’AKP depuis son avènement au pouvoir. Cette perspective a favorisé les intellectuels et les universitaires turcs qui, depuis des années, travaillent à la reconstitution de la mémoire et parlent sans tabou du génocide arménien. Certains, comme Hrant Dink, ont donné leur vie pour cela. Avec les arrestations de journalistes ou de militants des droits de l’Homme, l’on ne peut que constater aujourd’hui les effets de la dérive autoritaire de l’AKP.

Je refuse de participer à une opération où MM. Sarkozy et Erdogan construisent leur antagonisme pour aller à la recherche des voix nationalistes dans leurs pays respectifs. D’ailleurs, quand M. Sarkozy est à Erevan, M. Guéant est à Ankara pour appuyer, sous couvert de coopération « anti-terroriste », la Turquie dans la politique de répression qu’elle mène envers sa population d’origine kurde.

Trois préoccupations devraient guider nos relations avec la Turquie.

Premièrement, il faut prendre en compte le rôle que peut jouer la Turquie dans la solution à la tragédie vécue actuellement par le peuple syrien ou dans la relation de la communauté internationale avec l’Iran. Peut-on aujourd’hui, au regard de ces deux sujets qui doivent mobiliser la communauté internationale, sacrifier la capacité de la France d’agir en commun avec la Turquie ?

Deuxièmement, une gestion humaine de l’immigration dans l’Union européenne nous oblige à établir des relations d’un autre niveau avec la Turquie. En effet, ce pays est aujourd’hui la première porte d’entrée de l’immigration illégale dans l’Union. Si l’Europe est incapable d’offrir de nouvelles perspectives à la Turquie, ce sont les plus faibles des migrants qui feront les frais de politiques antagonistes de la France et de la Turquie.

Troisièmement, il faut inciter les sociétés civiles turque et arménienne ainsi que les diasporas à dialoguer pour redécouvrir des réflexes, des traditions, des principes partagés. Le rôle de l’Europe est d’être avec la diaspora arménienne et aux côtés des 20 000 Turcs qui manifestaient le 19 janvier dernier à Istanbul pour commémorer les cinq années de la mort de Hrant Dink et protester contre un procès tronqué et partial qui protège les complicités établies au sein même de l’État turc. En refusant les antagonismes et en faisant émerger le dialogue, nous serons utiles à l’Arménie, qui souffre tant du blocus de sa frontière avec la Turquie, et nous apporterons notre soutien à la transition démocratique en Turquie.

Je récuse l’approximation juridique et la précipitation politique qui a inspiré ce texte.

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