M. Peyronnet, entre autres, a évoqué la sacralisation, en quelque sorte, du rôle des historiens. Comme d’autres collègues présents dans cet hémicycle, je me sens quelque peu concerné et je voudrais que l’on en revienne à des choses plus simples.
C’est une évidence, il revient aux historiens de faire le travail d’analyse, d’étude, d’approfondissement. Ce n’est pas le rôle du Parlement de déterminer si tel ou tel événement s’apparente à un massacre ou à un génocide.
En revanche, il n’appartient pas aux historiens – ils connaissent du reste des désaccords, ce qui est normal dans la mesure où les écoles historiques diffèrent partout, y compris en France –, après avoir reconnu un génocide, de prendre ensuite les mesures de lutte contre sa négation. Ainsi, tous les historiens ont admis l’existence de la Shoah. Mais ce ne sont évidemment pas eux qui vont édicter les dispositions étatiques nécessaires pour lutter contre le négationnisme en ce domaine. Ils n’en ont ni le pouvoir ni la capacité.
Les historiens sont des mains transparentes, des esprits savants, qui, par définition, ne peuvent pas concrètement protéger. Tel n’est pas leur rôle.
À l’échelon international, comme cela a été indiqué tout à l’heure, trois génocides sont reconnus, dont celui des Tutsis commis au Rwanda. Si, demain, le Parlement français voulait en reconnaître un autre, à quel titre le ferait-il ?
Au regard de la Shoah, la France est naturellement concernée, la communauté juive étant en cause. D’aucuns soutiennent que tel n’est pas le cas pour le génocide arménien, qui n’a pas eu lieu sur notre territoire et dont notre pays n’est pas responsable. Pour ma part, je n’ai jamais soutenu le contraire, fort heureusement.
Quoi qu’il en soit, sur notre territoire résident 500 000 ou 600 000 Français d’origine arménienne. Je ne me livre à aucune attaque contre l’État turc, auquel je ne demande pas d’avancer aussi vite que nous. Je soutiens seulement que les politiques doivent prendre les mesures de précaution et de protection nécessaires. Quelles que soient toutes les analyses auxquelles peuvent procéder les historiens, ils n’adopteront pas des dispositions de cette nature. Il revient au Parlement français de les édicter.
Oui au travail des historiens aussi approfondi qu’on le souhaite. Non à l’immixtion du Parlement dans un travail d’historien qui ne serait pas abouti. Mais lorsqu’un tel travail historique a été réalisé, il faut bien que des décisions politiques soient prises ! §