Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 23 janvier 2012 à 15h00
Répression de la contestation de l'existence des génocides — Article 1er

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Nous sommes convaincus que les conséquences du texte que nous examinons n’ont pas été bien mesurées. Les propos que nous venons d’entendre illustrent bien ce que j’ai déjà dit à plusieurs reprises depuis le début de l’après-midi. Et force est de constater que mon opinion correspond à la stricte réalité : la prochaine échéance présidentielle a vicié ce débat.

J’en viens à l’amendement de suppression de l’article 1er.

Cet article, qui modifie de manière importante la loi de 1881 sur la liberté de la presse, comme l’a rappelé Catherine Tasca, dispose : « Les peines prévues à l’article 24 bis sont applicables à ceux qui ont contesté ou minimisé, de façon outrancière, […] l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide défini à l’article 211-1 du code pénal ».

Or, je l’ai déjà indiqué, la notion de « minimisation de façon outrancière » est une véritable aberration juridique. Il est bien évident que son introduction dans notre droit aboutirait à des difficultés d’application fondamentales.

Indépendamment des problèmes que pose cette notion, une loi ainsi libellée signifierait que toute démonstration qui tendrait à établir, par exemple, qu’un massacre impitoyable et méthodique a eu lieu mais que celui-ci ne paraît pas relever de la catégorie juridique du génocide pourrait donner lieu à des poursuites. Je fais très clairement référence aux explications qu’a exposées, à juste titre, notre collègue Jean-Claude Peyronnet. Ce n’est pas raisonnable !

Pour le dire différemment, si la loi a reconnu un génocide, aucune autre qualification ne sera plus possible, sous peine de sanctions pénales. Or le Conseil constitutionnel a toujours considéré, s'agissant de la liberté proclamée à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que « cette liberté implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l’expression de sa pensée ». L’énoncé de cet article 1er n’est donc pas neutre, et son adoption aurait des conséquences pour des principes fondamentaux de notre République. C'est pourquoi la suppression de cet article est parfaitement justifiée. §

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