Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 21 décembre 2011 à 14h30
Quatrième loi de finances rectificative pour 2011 — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances :

En troisième lieu, quelques initiatives de la majorité sénatoriale ont été reprises par le texte final, même si le Gouvernement a parfois cherché à s’y opposer.

Il en est ainsi de l’article 21 bis C prévoyant le recouvrement des reliquats de redevance sur les consommations d’eau dans les DOM et leur versement aux offices de l’eau dans les DOM, qui résulte d’une initiative de Serge Larcher et du groupe socialiste-EELV.

À l’article 16, les pertes de bases au titre de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, l’un des sept impôts substitutif à la taxe professionnelle, ne seront pas compensées, comme nous l’avions voulu, mais un rapport permettra d’étudier l’évolution de l’assiette de cet impôt. Si cette dernière n’étai pas réévaluée régulièrement, elle rendrait cet impôt peu dynamique, ce qui pénaliserait les collectivités locales.

Le rapporteur général de l’Assemble nationale a su faire preuve de persuasion à l’égard du Gouvernement, ce dont je le remercie, et le convaincre de s’en tenir à la rédaction du Sénat sur l’article 17 quater relatif au service « PATRIM Usagers ». La vie privée de nos concitoyens en sera mieux protégée et des dérives possibles évitées.

Nous devons retenir que les votes de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture traduisent une nouvelle fois la méfiance de la majorité gouvernementale envers les collectivités territoriales.

Au Sénat, nous avions unanimement voté l’amendement de M. Pintat prévoyant un rapport sur les conséquences d’une transformation en établissement public du nouveau compte d’affectation spéciale hérité du Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACE. L’obligation de dépôt de ce rapport a été supprimée par l’Assemblée nationale. Les votes unanimes et motivés du Sénat – M. Pintat est président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies – ne comptent donc pas !

Le Sénat avait également adopté à l’unanimité l’amendement de M. Collomb, sous-amendé par M. Ferrant et plusieurs collègues de l’UMP et de l’Union centriste, visant à offrir aux collectivités la possibilité d’adapter les tarifs de la taxe de séjour. Cette nouvelle marge de manœuvre a été supprimée, à la demande du Gouvernement. Je remercie la commission des finances de l’Assemblée nationale et son rapporteur général, M. Carrez, d’avoir soutenu notre proposition.

Nous avions protégé le dispositif de la taxe locale sur la publicité extérieure contre les premières tentatives de mitage de ce nouvel impôt local : l’Assemblée nationale l’a accepté.

Nous avions souhaité évaluer les conséquences sur les collectivités territoriales de la mise en œuvre simultanée de la réforme des taxes d’urbanisme et de celle de la redevance d’archéologie préventive. L’Assemblée nationale ne l’a pas jugé utile.

Nous avions souhaité compenser les communes qui assurent les frais de gestion des régies de recettes d’amendes de police, puisque le Gouvernement souhaite une modification de la loi pour leur transférer cette compétence. Nous regrettons que l’Assemblée nationale n’ait pas partagé notre opinion.

Je retire de cette nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le sentiment que la poursuite de la navette ne permettrait pas au Sénat de mieux faire prévaloir ses vues. Dans ces conditions, et puisque nos positions sont, sur l’essentiel de la politique fiscale et budgétaire, inconciliables avec celles du Gouvernement et de sa majorité, la commission des finances a décidé ce matin de proposer au Sénat d’opposer la question préalable sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011.

L’inutilité de la poursuite du débat peut se résumer en quatre points.

Premièrement, les évolutions du déficit de 2011 par rapport à celui de 2010 s’expliquent essentiellement par des facteurs exceptionnels, notamment parce que les dépenses d’avenir sont sorties du budget. Nous l’avons démontré chiffres à l’appui.

Deuxièmement, avec ce collectif, le Gouvernement nous demande une fois encore de prendre acte des sous-budgétisations de la loi de finances initiale.

Troisièmement, si l’Assemblée nationale a repris beaucoup d’amendements du Sénat, elle a remis en cause des dispositions protectrices de la libre administration des collectivités territoriales et ne l’a pas suivi dans son souhait de mieux lutter contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux. Nous accordions une grande importance à ce dernier point.

En tout état de cause, enfin, le Sénat ne saurait souscrire aux dispositions du collectif budgétaire qui mettent en œuvre le plan Fillon II et qui se traduisent par un alourdissement de la fiscalité des ménages, qu’il s’agisse de la consommation ou du travail, sans souci de la justice et de la progressivité de notre système fiscal.

S’agissant de la mesure de relèvement du taux réduit de TVA, la discussion à l’Assemblée nationale a de nouveau montré la gêne du Gouvernement et de sa majorité à l’égard de cette mesure : non seulement moins de la moitié de l’assiette taxée aujourd’hui à 5, 5 % sera portée à 7 %, mais de nouvelles dérogations ont encore été décidées par les députés.

La meilleure solution aurait consisté à se rallier aux propositions du Sénat en matière de fiscalité du patrimoine. Je n’y reviens pas, mais nous savons qu’il y a là un gisement de recettes que nous avons chiffré, dans le projet de loi de finances pour 2012, à environ 11 milliards d’euros pour la première année d’exercice.

Pour finir, je voudrais dire au Gouvernement, que j’entends employer depuis hier l’argument selon lequel le budget de 2012 permettrait d’avancer sur le chemin du désendettement, que cette affirmation n’est pas exacte. Atteindre un déficit de 5, 7 % du produit intérieur brut en 2011 et de 4, 5 % en 2012 permettrait seulement d’avancer « vers », et non pas « sur », le chemin du désendettement. Selon la programmation du Gouvernement, en effet, c’est seulement à compter de 2013 que le ratio dette-PIB devrait commencer à décroître.

Ce n’est pas en affirmant des choses fausses que nous parviendrons à être crédibles aux yeux des observateurs ou de nos partenaires européens. Nous nous mettons en difficulté en annonçant des trajectoires qui ne sont pas réalistes.

Nous allons clore cette session budgétaire, mes chers collègues, mais pour combien de temps ? Nous entrerons, au début du mois de janvier, dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « semestre européen », au cours duquel les États européens élaborent leurs prévisions et leurs programmations budgétaires nationales, en principe dans un esprit de concertation entre gouvernements et parlements.

Cette année, la discussion du futur accord intergouvernemental et des nouvelles propositions de règlement de la Commission va s’insérer dans cette séquence.

N’injurions pas l’avenir, certes, mais je dois dire que je suis inquiète à l’idée que les Européens se divisent, entre États et au sein des différentes nations, sur des questions de procédure et de règles budgétaires alors que la zone euro inspire de moins en moins confiance et que la conjoncture économique se dégrade. L’essentiel est là. Nous ne sommes pas crédibles sur nos dettes et nos déficits si nous ne le sommes pas sur notre objectif de croissance. Le sentiment de décalage entre les enjeux et les solutions apportées s’accroît.

Pour ce qui nous concerne, en France, le semestre européen va coïncider avec la campagne présidentielle. Le Parlement aura cessé ses travaux lorsque le Gouvernement lui transmettra, avant le 15 avril prochain, le projet de programme de stabilité, sur lequel il devrait pourtant se prononcer par un vote. C’est entre les deux tours de l’élection présidentielle que le programme de stabilité devra être adressé par la France à la Commission européenne ! J’attire vote attention sur le rôle que la Haute Assemblée, qui n’est pas renouvelable, va tenir dans cette période.

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