Vous n’en serez pas étonnés, la tonalité de mon intervention sera très différente de celle de M. Cornu !
L’article 2 bis AA du projet de loi a pour finalité de permettre de contenir la hausse continue des loyers observée depuis plus de dix ans.
Chacun sait ici que, pour beaucoup de nos concitoyens, la stagnation, voire la baisse de leur niveau de vie depuis de longues années, est en bonne partie liée au coût du logement. Les sommes qui lui sont consacrées ont plus que doublé en dix ans !
Pourtant, les loyers sont déjà en partie régulés. C’est d’ailleurs ce qui explique que, même si leur augmentation est trop élevée, elle reste deux fois moins rapide que celle des prix de l’immobilier à l’achat. Elle demeure, néanmoins, très importante. Ainsi, dans le parc locatif privé, qui accueille 24 % des ménages, un locataire ne peut pas subir, au cours d’un bail, une augmentation supérieure à l’indice de référence de loyers, qui est lui-même basé sur l’indice des prix à la consommation.
Au contraire, lors du renouvellement du bail d’un locataire, tous les trois ans, le loyer peut être réévalué si le propriétaire prouve qu’il était sous-évalué par rapport au niveau des loyers dans le voisinage.
Cependant, cette régulation demeure insuffisante pour enrayer les difficultés d’accès aux logements. Jugez-en : d’après les observations faites, les hausses lors des relocations ont été de 5, 7 % par an depuis 1998, avec des pointes à 7 % certaines années, soit, en dix ans, près de 60 % d’augmentation des loyers à la relocation à Paris, contre 40 % en province !
Ces chiffres ont de quoi interloquer lorsque l’on sait qu’un bailleur privé change de locataire en moyenne tous les quatre ans.
Ces hausses de loyer rendent illusoire le droit au logement, pourtant consacré par l’article 1er de la loi de 1989.
Les jeunes ménages sont les plus touchés par ce phénomène. En effet, souvent locataires, ils ont tendance à déménager fréquemment au démarrage de leur vie professionnelle.
Le manque de fluidité du marché de la location est l’un des effets pervers de cette situation.
C’est ainsi que nombre de ménages hésitent à changer de logement, bien que celui-ci soit devenu inadapté par sa taille ou sa localisation, tout cela parce qu’ils redoutent d’être pénalisés financièrement.
Les loyers des logements vacants ou faisant l’objet d’une première location seront fixés « par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables ». Cette disposition va dans le bon sens, mes chers collègues.
D’ailleurs, un tel dispositif, connu sous le nom de « miroir des loyers », existe en Allemagne, où il a fait la preuve de son succès. En tout cas, contrairement à ce qui a été dit et à ce que craignent certains membres de l’opposition sénatoriale, il n’a pas découragé les investissements dans l’immobilier locatif ni entraîné une dégradation des logements. Au contraire ! Le parc locatif privé allemand représente 52 % du parc total en Allemagne, contre 24 % en France.
Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir trouver un toit qui réponde à leurs besoins et à leurs moyens. L’encadrement raisonné, raisonnable et équilibré des loyers me paraît représenter une réponse nécessaire pour faire face à une situation dans laquelle le coût du logement est devenu inabordable pour beaucoup, insupportable pour les catégories moyennes et de plus en plus difficile pour les classes moyennes.