J’apprécie la sagesse dont a fait preuve le rapporteur en présentant le dispositif existant. J’abonde totalement dans son sens.
Je me rappelle que cette question a donné lieu à un assez long débat en commission et a permis d’évoquer un certain nombre de sujets. Certains commissaires se sont notamment interrogés sur les pratiques en vigueur dans les autres pays et ont demandé des éléments de comparaison.
Je tiens à apporter à la Haute Assemblée une information qui complétera la présentation du rapporteur. Le modèle réglementaire français est celui qui a été validé à l’échelon communautaire. Une directive actuellement en discussion en fait d’ailleurs le modèle de référence pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. Elle reprend le principe de la loi Chatel, notamment une durée de validité maximale de vingt-quatre mois et l’obligation pour les opérateurs de proposer des contrats de douze mois. Il est même assez probable que notre pays n’aura pas le droit de proposer un autre modèle dans les mois qui viennent.
Le projet de loi prévoit en plus l’obligation pour les opérateurs de présenter une offre sans engagement. En d’autres termes, le consommateur a le choix entre une offre sans engagement, une offre de douze mois et une offre de vingt-quatre mois : il décide librement. Pourquoi empêcher un consommateur de privilégier une offre l’engageant pour vingt-quatre mois, si c’est pour lui le seul moyen d’acquérir le matériel qu’il convoite ?
En outre, au mois de juin 2011, la Commission européenne et le Conseil européen ont explicitement refusé l’interdiction des durées d’engagement de plus de douze mois. Or c’est exactement ce que tendent à instaurer ces amendements.
Les durées d’engagement de vingt-quatre mois sont plébiscitées – j’emploie ce mot à dessein – par les consommateurs. Un rapport récent montre que les deux formules qu’ils préfèrent sont le contrat de vingt-quatre mois ou l’offre sans engagement. En revanche, c’est l’offre de douze mois qu’ils délaissent le plus, celle-là même que vous voulez imposer !
En France, 40 % des consommateurs sont engagés sur vingt-quatre mois, tandis que 40 % ont un contrat sans engagement de durée, alors même que certains opérateurs ne font pas ce genre d’offres, qui ne sont pas obligatoires.
C’est vous dire à quel point les offres sur douze mois ne sont pas retenues par les consommateurs. C’est pourtant celles que vous préconisez, je le répète, au travers de vos différents amendements !
La durée d’engagement de vingt-quatre mois est la norme du marché de la téléphonie mobile, que ce soit en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas, en Suède, en Autriche, en Belgique, au Royaume-Uni, mais également au Japon, au Canada et aux États-Unis.
Par ailleurs, les critiques portées à l’encontre de la loi Chatel ne sont pas fondées, car, après le douzième mois, le consommateur paie, au plus, trois mois d’abonnement en cas de résiliation, comme s’il était engagé sur seulement quinze mois. Il n’est pas automatiquement lié pendant vingt-quatre mois, dès lors qu’il a dépassé les douze mois, comme je l’ai entendu tout à l’heure.
L’ARCEP reconnaît qu’elle a manqué de recul dans son rapport sur l’application de cette disposition de la loi Chatel, remis au Parlement en juillet 2010. Il est important de le signaler puisqu’un certain nombre d’entre vous se réfèrent à cet organisme. À la date de son analyse, la majorité des consommateurs ne bénéficiaient pas de l’encadrement des pénalités de résiliation, qui ne s’appliquaient qu’aux nouveaux contrats.
J’espère vous avoir convaincus que la position adoptée par la commission de l’économie, après un long débat, est la bonne. Interdire ces pratiques nuirait au consommateur avec, au final, des hausses de prix démesurées, puisque cela reviendrait à interdire le subventionnement d’un terminal. La qualité de service serait de surcroît dégradée, en raison de la déstabilisation des acteurs de ce marché.
En revanche, il faut des contreparties : la loi Chatel a ainsi prévu de modérer les pénalités.
Il convient également d’accroître la transparence : le texte qui vous est soumis tend à imposer l’obligation de proposer une offre alternative sans engagement de durée.
J’ajoute, enfin, que le consommateur doit être éclairé : le projet de loi prévoir justement des obligations de conseil personnalisé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en votant ces amendements, vous prendriez le risque de rompre le modèle économique de la téléphonie en vigueur dans notre pays. De plus, vous iriez à l’encontre ce que veulent les consommateurs.
Ces amendements auraient été parfaitement défendables au moment de la discussion de la loi Chatel, mais, aujourd’hui, compte tenu, d’une part, des avancées obtenues à travers ce texte et, d’autre part, de ce qui est proposé dans le présent projet de loi – l’offre sans engagement –, ils ne correspondent pas à ce que plébiscitent les clients, comme le montrent toutes les études récentes.
Le Gouvernement est donc très défavorable à ces quatre amendements.