Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 8 février 2012 à 14h30
Droit à la protection de la vie privée — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier, auteur de la question :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, lorsque le président du groupe du RDSE a demandé l’inscription de la question orale avec débat sur le droit à la protection de la vie privée à l’ordre du jour de la Haute Assemblée, il ne pouvait prévoir que l’actualité alimenterait notre débat dans les proportions que nous connaissons aujourd’hui.

Avec mon collègue Yves Détraigne, que je salue très amicalement, dès la fin de l’année 2008, nous nous étions saisis, au sein de la commission des lois, du problème de la vie privée à l’heure du numérique. Sur la base de notre rapport publié en mai 2009, le Sénat a adopté, en mars 2010, une proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique.

Les débats suscités par ces deux textes avaient largement mis au jour leurs implications dans les domaines juridiques, économiques, dans les questions de société, et ce bien au-delà de nos seules frontières nationales. Nous avions alors mesuré l’absolue nécessité d’une vigilance accrue sur les nouvelles facilités apportées par les technologies de la communication et de l’information ; cependant, nous nous étions bien gardés de diaboliser d’une quelconque manière un outil – l’informatique – qui, en tant que tel, doit être mis au service de l’homme sans jamais l’asservir.

Avec les avancées technologiques, qui, chaque jour, rendent ces outils à la fois plus performants et plus intrusifs, avec la propension des administrations à vouloir mieux maîtriser l’information sous toutes ses formes, avec le renforcement du besoin sécuritaire et du concept du « zéro risque » jusqu’à l’excès, avec les formidables opportunités qu’offrent les opérateurs sur internet à des publics peu vigilants, avec la multiplication des réseaux sociaux – et j’en passe –, vous l’aurez compris, on met en péril la protection des données personnelles.

Or, « on », ce n’est pas seulement l’autre, ce n’est pas seulement Google, qui, sous couvert d’une nouvelle charte de confidentialité, va permettre de croiser des données privées et de les diffuser presque sans limites ; ce ne sont pas uniquement tous ces réseaux sociaux qui peuvent aller jusqu’à nous dépouiller de notre dignité ; « on », c’est chacune et chacun de nous qui, consciemment ou non, s’expose et expose autrui.

Dès lors s’impose, à nos yeux, la nécessité d’ouvrir une nouvelle fois ce débat en nous interrogeant non seulement sur les garanties que les dispositifs juridiques existants apportent à notre liberté, mais aussi sur les déviations éventuelles auxquelles il nous faut être particulièrement vigilants et sur les solutions à apporter pour que la protection des données personnelles s’inscrive dans une démarche cohérente et pérenne.

Monsieur le garde des sceaux, en tant que ministre de la justice et des libertés, vous ne pouvez être que sensible à ce débat qui vise à défendre l’une des valeurs essentielles de la République : la liberté du citoyen.

Permettez-moi de revenir un instant sur la proposition de loi que M. Yves Détraigne et moi-même avions déposée avec conviction et enthousiasme.

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