Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 8 février 2012 à 14h30
Lutte contre la prolifération du frelon asiatique — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, introduit en 2004 par inadvertance dans le Sud-Ouest, le vespa velutina, dit frelon asiatique ou encore frelon à pattes jaunes, colonise insidieusement notre pays.

De trois nids recensés en 2004 dans un seul département, nous sommes passés à près de 2 000 nids en 2010, disséminés dans plus de 40 départements. Chaque année, le front d’invasion s’élargit de 100 kilomètres.

On pourrait, bien sûr, se dire que cette espèce fait désormais partie de la faune française et qu’il va falloir apprendre à vivre avec. Malheureusement, elle devient une véritable menace.

C’est une menace pour la filière apicole, d’abord, car le frelon asiatique attaque et tue les abeilles européennes, mettant à mal une activité importante pour nos terroirs.

Dans le Lot, croyez-moi, la menace que représente le frelon asiatique, tueur d’abeilles, est bien réelle. Le bilan 2009 des nids signalés par les communes et apiculteurs référents – le dernier dont on dispose – fait état de 172 nids présents sur le département. En outre, ces résultats ne sont que partiels car, lorsque l’on interroge les destructeurs de nids, les chiffres sont bien supérieurs.

Ces colonies de plusieurs milliers d’individus se postent devant les ruches pour leurs festins. Les dégâts sont très lourds. C’est toute une production qui est touchée.

Le Lot compte 9 000 ruches, dont 3 000 appartiennent à une dizaine d’apiculteurs professionnels pour 650 propriétaires de ruches. Ce secteur est déjà fragilisé par l’utilisation des insecticides et la disparition des fleurs mellifères. Mais le frelon d’Asie reste le fléau numéro un. Les bergers d’abeilles ont enregistré jusqu’à 15 % de perte dans leurs ruchers à cause de lui. Un apiculteur qui ne possède que quelques ruches peut voir 100 % de son cheptel anéanti.

C’est une menace pour la biodiversité, ensuite, car la prolifération de cette espèce, qui n’a pas de prédateur, est alarmante, chaque nid comportant 4 000 à 5 000 frelons. En exerçant une pression prédatrice sur les abeilles mais aussi sur les guêpes autochtones, elle pourrait présenter des risques sur la fonction de pollinisation assurée par ces deux insectes. Certains craignent aussi pour les productions fruitières, le frelon consommant également des fruits et bâtissant ses nids dans les arbres, y compris dans les arbres fruitiers.

C’est une menace pour l’homme, enfin. En effet, s’il ne faut pas sombrer dans la psychose, il importe de souligner que l’on a déploré cet été plusieurs cas de décès en France causés par des frelons asiatiques. Certes, les statistiques sur les piqûres et leurs conséquences montrent que le vespa velutina ne constitue pas pour l’homme un danger supérieur à celui que font courir d’autres hyménoptères endémiques tels le frelon européen ou la guêpe. Cependant, lorsque le frelon attaque, il peut être d’une agressivité peu ordinaire. Le facteur de danger résulte surtout du nombre élevé d’individus qui participent à une attaque, et ce nombre peut être beaucoup plus important que lorsqu’il s’agit du frelon européen. Par ailleurs, le risque est majoré en cas d’intervention, en raison de la hauteur des nids.

Or force est de constater, en dépit de ce tableau, une certaine passivité de l’État. Aucune mesure n’a été prise ; beaucoup de temps a été perdu.

Je peux comprendre que l’insuffisance de données scientifiques ait poussé le Gouvernement à une certaine circonspection au début. Mais l’explosion du nombre de nids dans les départements du sud-ouest en 2007 et en 2008 a suscité de vives émotions et des inquiétudes légitimes.

De très nombreuses informations, pas toujours étayées, parfois erronées, ont circulé sur internet ou dans des revues associatives. Elles ont sans doute contribué à forger une perception du risque vécu très au-delà de la réalité. Mais à qui la faute ?

Alors même que certains parlementaires attiraient l’attention des ministres sur le problème – au sein de notre groupe, Anne-Marie Escoffier et Jean Milhau avaient déjà interpellé le Gouvernement –, l’État n’est pas intervenu dans la gestion des informations ou des connaissances et n’a pas formulé de préconisations pour faire face à une telle invasion.

Il y a bien eu la mission lancée en 2010 par les ministères concernés. Mais, tout en confirmant la progression inévitable de l’aire colonisée par le vespa velutina, elle a abouti aux conclusions que l’impact était « relatif » sur la production apicole et « non décelé » sur la biodiversité et, finalement, qu’il était urgent d’attendre.

Il n’est donc pas étonnant que la profession apicole se soit sentie incomprise, voire méprisée. Elle n’est pas restée inactive, diffusant des connaissances et des préconisations, notamment sur le piégeage des reines, préconisations relayées par certaines collectivités locales. Sa forte mobilisation et celle des élus ont finalement conduit les préfets des départements les plus concernés à organiser l’action locale.

L’évolution des connaissances et l’analyse des conséquences de certaines de ces préconisations ont conduit le milieu scientifique à être critique sur certaines d’entre elles.

Reste qu’il faut bien freiner la prolifération sur le terrain. Et la guerre contre l’envahisseur est difficile à mener. Elle demeure éclatée et, surtout, elle se fait sans moyens.

Les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, qui sont très sollicités, n’interviennent plus qu’en cas de danger immédiat pour la population ou de carence du secteur privé. Certaines collectivités – c’est le cas de ma commune – prennent en charge les frais de destruction. Ailleurs, les particuliers doivent en supporter la charge, qui va de 80 euros à 400 euros en moyenne. En réalité, beaucoup d’entre eux ont le réflexe d’appeler la mairie, qui se trouve souvent démunie, ou, pire, tentent d’intervenir eux-mêmes, à leurs risques et périls. Et je ne vous parle pas des coups de fusil qui sont tirés dans les nids…

Dans ce contexte, nous demandons que le frelon asiatique soit classé parmi les espèces nuisibles – cette décision aurait dû être prise depuis longtemps – et que les moyens adéquats pour enrayer sa dangereuse prolifération soient mobilisés.

Que comptez-vous faire concrètement à court terme, madame la ministre ? Où en sont les recherches sur des méthodes de lutte sélective ?

Notre collègue Nicole Bonnefoy, dont je salue la qualité des travaux, propose la création d’un fonds de prévention contre la prolifération du frelon asiatique, qui serait abondé par un prélèvement sur la vente des produits phytosanitaires. Avec mes collègues du RDSE, je soutiens une telle initiative. On ne peut pas rester sourd au cri d’alarme des apiculteurs. Ils attendent non pas des miracles, mais des réponses précises aux inquiétudes qui sont les leurs.

Dans mon département, le Lot, chaque projet routier se heurte à la sauvegarde de nombreuses espèces, notamment d’un petit animal appelé crapaud sonneur à ventre jaune. §Il faut attendre les résultats d’une étude menée par un naturaliste pendant un an avant de pouvoir commencer les travaux !

Alors, perdons un peu moins de temps à sauvegarder le crapaud sonneur à ventre jaune et occupons-nous un peu plus du frelon asiatique à pattes jaunes ! §

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