Intervention de Georges Labazée

Réunion du 15 février 2012 à 14h30
Transport aérien de passagers — Question préalable

Photo de Georges LabazéeGeorges Labazée :

Je vais reprendre certains des éléments qui ont été avancés par nos collègues, de part et d’autre de l’hémicycle, lors de la discussion générale, pour justifier le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable.

Chacun l’aura compris, ce n’est pas l’instauration d’un délai de prévenance collectif imposé aux syndicats que l’on nous demande aujourd'hui d’examiner. Comme nombre de nos collègues l’ont souligné, c’est une nouvelle restriction du droit de grève individuel que l’on souhaite nous voir adopter. Le contenu de la proposition de loi lui-même ne laisse aucun doute en la matière.

L’article 2 impose aux salariés dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols de déclarer à leur employeur, quarante-huit heures à l’avance, leur intention de faire grève. Et, comme si cela ne suffisait pas, les députés de la majorité gouvernementale ont instauré un second délai pour les salariés ayant fait part de leur intention de faire grève ou étant en grève : ceux-ci auront désormais l’obligation d’informer leur employeur vingt-quatre heures à l’avance de leur renoncement à faire grève.

Passons sur l’atteinte à la capacité de libre administration des salariés… Il reste qu’un tel dispositif serait inopérant dans le secteur aérien. En effet, il n’est pas possible, en vingt-quatre heures seulement, de réaffecter tant les pilotes sur de nouveaux vols que des agents de maintenance à des tâches annulées préventivement.

Comme plusieurs de nos collègues l’ont démontré, un tel mécanisme risque de conduire à une grève artificielle, qui aurait trois conséquences.

Premièrement, elle entraînerait une perte de salaire pour l’employé, et ce sur l’initiative de l’entreprise.

Deuxièmement, elle conduirait à une augmentation du coût de la grève pour l’entreprise Air France, alors même que celle-ci évalue le coût d’une grève entre 8 millions et 10 millions d’euros par jour.

Troisièmement enfin, et surtout, le dispositif serait totalement incohérent puisque serait disciplinairement sanctionné un employé qui souhaiterait reprendre son service.

Le mécanisme prévu aboutirait à nourrir artificiellement une grève débutée et serait de nature à la faire perdurer, ce que personne ici, de quelque opinion qu’il soit, ne souhaite, me semble-t-il.

Par ailleurs, chacun aura pris la mesure – en tout cas, je l’espère ! – de la complexité du secteur aérien : celui-ci ne compte pas moins de 100 000 salariés, qui travaillent dans plus de 600 entreprises.

Quant au secteur de la sécurité, il compte environ 10 000 salariés, alors que celui des missions d’assistance en dénombre près de 5 000.

Dans les faits, ce texte aurait donc un impact sur plus de 1 000 entreprises aux dimensions et aux missions très diverses.

De plus, les 120 000 salariés concernés par cette remise en cause du droit de grève relèvent de conventions collectives fort différentes.

En fait, cette action n’a d’autre objectif que de contenter les actionnaires de différentes activités du secteur aérien, qui œuvrent partout et en permanence en faveur du moins-disant social. On le voit très bien lorsque l’entreprise Aéroports de Paris lance des appels d’offres : elle opte toujours pour le moins-disant. Or, en bout de course, ce sont les salariés des entreprises de sécurité, ceux qui ont les plus bas salaires, qui sont les premiers visés.

Tel est le contexte dans lequel s’inscrit cette proposition de loi, qui a été déposée certes avant le début du mouvement de grève des agents de sûreté, mais qui a été depuis lors défendue par la majorité de l'Assemblée nationale, en guise de réponse.

D’ailleurs, monsieur le ministre, vous avez reconnu sur une radio, dont je ne citerai pas le nom ici, que, si vous aviez déposé un projet de loi, vous auriez dû respecter l’ensemble du protocole adopté tant par l'Assemblée nationale que par le Sénat en la matière ; ces propos ont été clairement rappelés dans la discussion générale.

C’est pourquoi notre groupe a décidé, en application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, de soumettre au vote de la Haute Assemblée une motion tendant à opposer la question préalable, estimant qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports.

Au-delà des aspects que je viens de rappeler, nous pensons que cette proposition de loi comporte des dispositions de nature à porter gravement atteinte au droit de grève, droit constitutionnel, car sont ici visés des salariés d’entreprises privées du secteur concurrentiel qui n’assument pas une mission de service public.

Aussi, le groupe socialiste vous invite, mes chers collègues, à adopter cette motion, qui mettra un terme à nos débats. §

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