Intervention de Muguette Dini

Réunion du 19 janvier 2012 à 15h00
Délai de prescription des agressions sexuelles — Article 1er

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

Je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai développés lors de la présentation de cette proposition de loi, et je remercie notre collègue Laurence Cohen de les avoir si bien complétés.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je peux comprendre les raisons techniques que vous mettez en avant pour vous opposer à l’adoption de ce texte, en particulier la déstabilisation du régime des prescriptions. Reste que ne pas répondre aux questions que j’ai posées représente une vraie douleur et une vraie injustice pour les personnes concernées.

Mesdames, mes chères collègues, à celles d’entre vous qui auront décidé de voter l’amendement de suppression de l’article 1er, cœur de la présente proposition de loi, je demande ce que vous répondrez aux associations de lutte contre les violences faites aux femmes quand elles vous interrogeront sur votre vote.

Messieurs, mes chers collègues, à ceux d’entre vous qui voteront également cet amendement, je veux dire que, au fond, me semble-t-il, vous ne croyez pas à ces traumatismes considérables que connaissent les victimes.

Il n’est pas important qu’une femme – puisque, on le sait, ce sont majoritairement des femmes qui sont victimes d’agressions sexuelles – se sente atteinte dans son intégrité, se sente salie. D’ailleurs, est-ce qu’elle ne l’a pas cherché en portant une jupe trop courte ou en laissant voir le haut de son string au-dessus de son jean ? Et cette adolescente victime d’agression sexuelle de la part d’un membre de sa famille, n’y a-t-elle pas pris un peu de plaisir ?

Imprégné de ce mépris ancestral, l’agresseur, auteur d’un viol ou d’une agression sexuelle, se sent toujours innocent. D’ailleurs, il ne prend pas grand risque : 1 % de condamnations !

Vous parlez de preuves et, je le reconnais, elles sont très difficiles à apporter, quelle que soit la situation, mais cette difficulté ne doit pas nous faire renoncer à aborder ces questions.

Des centaines de milliers de femmes ou d’enfants, et, parmi les enfants, je n’oublie pas les petits garçons et les adolescents, sont victimes chaque année d’agressions sexuelles.

Des centaines de milliers d’agresseurs se sentent autorisés à poursuivre leurs minables et coupables pratiques puisqu’il ne se passe rien.

Reconnaissez que cela ne peut pas durer !

Si cette proposition de loi n’est pas la bonne solution, il faudra trouver autre chose.

Monsieur le garde des sceaux, l’État se doit de protéger toutes les victimes. Vous avez évoqué les dispositions nouvelles qui apportent des solutions partielles à la question que je pose. Mais elles ne règlent pas le problème des victimes qui sont dans l’impossibilité psychologique de parler avant trois ans et qui ne seront donc jamais entendues.

Il ne s’agit pas seulement de protection individuelle ; il s’agit d’un véritable problème de société.

Toutes ces victimes traumatisées ont du mal à retrouver leur place dans leur famille, dans leur emploi, dans la vie de tous les jours. Leur mal-être peut avoir, tout au long de leur vie, des répercussions sur leur entourage, répercussions dont les professionnels de la santé mentale vous diront qu’elles sont gravissimes.

Leur reconnaissance par la justice ou au moins la possibilité pour elles de porter plainte après trois ans est l’un de ces éléments de reconnaissance et de soin.

Il est malsain d’ignorer tous ces aspects et de ne pas essayer de faire mieux.

Bien entendu, avec l’ensemble des membres de mon groupe qui ont cosigné ce texte, je voterai contre l’amendement de suppression, qui met complètement à bas ma proposition de loi.

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