Intervention de Catherine Génisson

Réunion du 19 janvier 2012 à 15h00
Délai de prescription des agressions sexuelles — Article 1er

Photo de Catherine GénissonCatherine Génisson :

Le débat qui nous réunit cet après-midi traite d’un sujet grave.

Force est de constater que les agressions sexuelles autres que le viol sont aujourd’hui injustement prises en compte. Au reste, le faible nombre de plaintes déposées témoigne de la grande complexité du problème, tant est fort le sentiment de honte, de culpabilité et de peur souvent ressenti par la victime, en particulier quand l’acte a été commis au sein du couple, conduisant à un sentiment partagé d’amour et de haine.

Plusieurs orateurs ont estimé que le délai de prescription de l’action publique de trois ans des faits d’agressions sexuelles autres que le viol n’était peut-être pas adapté. Ainsi, outre les arguments d’ordre psychologique avancés par Mme Dini, on peut aussi mettre en avant l’impossibilité pour une victime de déposer plainte et de se reconstruire avant qu’elle n’ait obtenu sa mutation quand l’agression s’est produite en milieu professionnel.

Aussi, nous devons réfléchir à un véhicule juridique permettant à ces victimes d’agressions sexuelles, femmes ou hommes, même si les femmes sont majoritaires, d’obtenir justice, démarche indispensable pour leur permettre de se reconstruire.

Ce passage devant la justice, la plupart des orateurs l’ont souligné, doit aussi permettre de lutter contre la banalisation de ces délits, de mieux les prévenir, notamment afin d’éviter que certains agressés ne deviennent à leur tour des agresseurs, phénomène qui est loin d’être secondaire.

Cela étant, j’ai écouté avec attention les arguments juridiques qui ont été opposés à cette proposition de loi selon lesquels celle-ci serait imparfaitement motivée et susceptible, si elle devait être votée, d’entraîner plus d’inconvénients pour les victimes qu’elle n’apporterait d’améliorations à leur situation. Ce débat doit donc être la première pierre d’une action urgente pour traiter cette question.

D’abord, au-delà de l’adoption d’une loi, il est essentiel de sensibiliser l’ensemble de nos concitoyens à ce problème.

Comme cela a été rappelé au cours des auditions organisées par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, l’année 2012 est consacrée à la lutte contre les violences sexuelles au travail. Qui le sait ? Presque personne ! Qui communique sur ce sujet ? Personne ! Cet exemple est significatif.

Ensuite, même si beaucoup de progrès ont déjà été accomplis dans ce domaine, il est très important d’assurer une meilleure formation des professionnels qui sont confrontés à ces questions, que ce soient les professionnels de la santé, les professionnels de la justice, les professionnels de la sécurité, les assistants et assistantes sociaux.

Enfin, nous l’avons tous souligné, les moyens sont insuffisants pour permettre le suivi des victimes : les budgets diminuent, les crédits et les moyens humains accordés aux associations qui accompagnent les victimes sont réduits. Il n’est qu’à observer le triste sort réservé aux déléguées régionales aux droits des femmes et à l’égalité !

Cette question des moyens est prioritaire.

Pour ma part, je ne soutiendrai pas l’amendement de suppression de l’article 1er, car je ne peux pas voter contre votre proposition de loi, madame Dini. Reste que les arguments développés par M. le garde des sceaux et M. le rapporteur sont pertinents. Dans la mesure où il est important de traiter le sujet, mais parce que la solution que vous proposez est imparfaite, je m’abstiendrai.

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