Intervention de Christian Cambon

Réunion du 7 février 2012 à 14h30
Débat de politique étrangère

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

Au-delà de ce débat, je voudrais vous rendre, monsieur le ministre d’État, un hommage particulier, auquel se joindront, j’en suis certain, nombre de mes collègues, sur toutes ces travées.

Alors que vous auriez pu, comme bien d’autres qui ont exercé dans notre pays les plus hautes responsabilités politiques, vous en tenir au commentaire, à la critique et aux petites phrases assassines, vous avez accepté, à la demande du Président de la République, de vous engager à nouveau à la tête du ministère des affaires étrangères, comme vous l’aviez fait précédemment, avec un brio et une efficacité salués par tous. Vous avez su donner à cette haute responsabilité ministérielle le poids, la hauteur de vue et l’écho international qui convenaient.

J’évoquerai trois domaines essentiels dans lesquels vous vous êtes personnellement investi : la gouvernance mondiale, l’avenir de l’Europe et la formidable mutation du monde arabe, ainsi que ses conséquences prévisibles sur le continent africain.

La multiplication des crises qui secouent le monde depuis 1990 montre clairement que l’ordre international tel qu’il existait depuis la fin de la dernière guerre mondiale ne suffit plus à régler les déséquilibres mondiaux de toutes sortes qui frappent notre planète.

Crises financières et monétaires, écart grandissant entre pays riches et pays pauvres, catastrophes successives liées aux changements climatiques, montée des nationalismes et des fanatismes de tous ordres : il est temps que la communauté internationale choisisse une gouvernance plus efficace et mieux coordonnée. En un mot, le monde doit tirer les conséquences de la mondialisation.

Tel fut bien l’objectif de la présidence française du G20 : adapter les organisations internationales à la gestion des crises, mettre en place des politiques publiques à l’échelle planétaire, impliquer les puissances émergentes pour qu’elles prennent leurs responsabilités dans la gestion des déséquilibres mondiaux, s’engager plus avant pour le développement des pays les plus pauvres.

Avec le Président de la République, et sous son impulsion, vous avez mis toute votre énergie pour conduire les dirigeants du G20 sur ces voies difficiles, seules réponses pertinentes aux défis actuels. À l’évidence, tous les résultats n’ont pas été à la hauteur de nos espérances, mais nous avons avancé plus qu’on ne le dit.

Pour la première fois, certains sujets débattus au G20 sont désormais incontournables. C’est le cas de l’aide au développement, qui fait désormais partie de l’agenda du G20, comme l’a confirmé la présidence mexicaine.

Pour la première fois, pays développés et pays émergents se sont mis d’accord sur la création d’une réserve de sécurité alimentaire et sur le principe d’une taxe appliquée aux transactions financières.

Les progrès sont lents, car, en vérité, nous vivons une crise de nos modèles de développement. Les enjeux économique et géopolitique de demain sont là : comment trouver un point d’équilibre permettant aux cinq milliards d’habitants des pays émergents de continuer à s’enrichir et au milliard d’habitants des pays pauvres de sortir de la misère sans que nos propres modèles, ni l’équilibre écologique de la planète, s’en trouvent bouleversés ? Tel est l’enjeu de la gouvernance mondiale. C’est dire l’importance des négociations menées sur le commerce mondial à Doha ou de celles qui sont conduites sur l’environnement à Rio.

Faire partager notre vision du monde à nos partenaires des pays émergents n’est pas chose aisée en ces matières, pas plus que dans le domaine de la sécurité internationale. Monsieur le ministre d’État, les propos très forts que vous venez de tenir au Conseil de sécurité, lors de la discussion du projet de résolution visant à faire cesser l’effroyable bain de sang en Syrie, ont sonné comme un avertissement. L’échec de cette résolution montre amplement qu’un accord a minima n’est pas toujours facile à trouver, même devant l’horreur.

Peut-être voudrez-vous bien éclairer la Haute Assemblée sur le rôle que jouent la Russie et, dans une moindre mesure, la Chine, qui ne pourront sans doute pas protéger indéfiniment des régimes sanguinaires et dangereux pour la paix du monde ?

Partout sur la planète, nous voyons des peuples prêts à se battre pour conquérir leur liberté. Nos intérêts comme nos convictions doivent nous conduire à les accompagner. Les images émouvantes de votre dernier voyage en Birmanie ont montré que la France savait, avec discrétion et efficacité, accompagner les évolutions positives en matière de gouvernance et de démocratie. Comment, en vérité, ne pas être profondément touché par la vision de cette cravate de commandeur de la Légion d’honneur au cou si fragile d’Aung San Suu Kyi, qui a payé de vingt ans de privation de liberté sa résistance à la dictature ? Vous avez ce jour-là, monsieur le ministre d’État, donné une belle et grande image de la France.

Cependant, tous ces efforts seraient vains si la France était seule à agir dans ce contexte tourmenté. Pour mener à bien sa mission, notre pays, en effet, a besoin d’une Europe forte, unie et solidaire.

Ceux qui pensent que notre avenir réside dans un retour à l’isolement national, au protectionnisme et à tout l’arsenal de barrières douanières illusoires n’ont pas compris grand-chose au monde qui change et qui, du reste, continuera d’évoluer sans eux. Il y a aussi quelque chose de pathétique à entendre certains vendre à nos concitoyens effrayés par les conséquences de la mondialisation une « démondialisation » qui ne viendra pas.

Encore faut-il que l’Europe soit au rendez-vous. Certes, l’Union européenne a su réagir avec efficacité en évitant un effondrement du système bancaire européen et international. Et ce fut sous présidence française, grâce à l’action du Président de la République, que notre pays a pu jouer un rôle moteur.

Nicolas Sarkozy, appuyé par vous-même, monsieur le ministre d’État, a su nouer un partenariat intelligent et efficace avec l’Allemagne, dont le conseil des ministres franco-allemand d’hier a encore témoigné. L’Allemagne, elle, a depuis bien longtemps compris ce qu’il fallait faire et mis en œuvre les réformes qui lui permettent, aujourd’hui, d’être une grande puissance économique et industrielle et d’en tirer l’autorité politique qui en découle.

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